Les Ethiopiques, coup de cœur, ou comment effectuer un rebond professionnel en tout
point profitable…
Pourtant
tourné vers l’extérieur depuis ses programmations au sein d’une salle rock
comme on les qualifiait alors (l’après-punk, l’avant Smac), il ouvrait ses
soirées aux musiques du monde, à l’expérimentation, au noise, au free.
Ouverture parfaite pour avoir de l’avenir dans ses oreilles hardies :
Francis Falceto, comme quelques autres, ce n’est pas question de génération, juste
de clairvoyance et de curiosité, se donne les moyens de sortir du formatage
programmé. Il se permet ainsi des rencontres prolifiques, loin du tintamarre
médiatique. L’Ethiopie se donne à lui lors d’un voyage, et depuis 1985, et
notamment avec la rencontre de Ahma Eshèté, producteur de nombres de perles
historiques, découvre la chaleur des rythmes abyssiniens.
Cette
entente avec Ahma Records (existant depuis 1969) est déterminante pour ouvrir
les portes de la réédition, et la collection Ethiopiques naît pour valoriser la
période de fin des années 60 à fin 70. Il recense près de 500 disques étant
sortis, le travail d’archive puis d’exhumation démarre. Trouvable à prix
modique, le panorama "éthiopiques" nous fait frémir jusqu’au bout des
jambes : Mahmoud Ahmed est l’un des plus connus, utilisant sa voix au sein
de l’Imperial Body Guards (ethiopiques vol 26), puis voyageant et expérimentant
avec des musiciens du monde entier, de Boston à Amsterdam comme le saxophoniste
Getatchew Mekuria (vol 14). Tous ces fantastiques musiciens ont éclusés les
bars et boites d’Addis Abeba, tous les week end comme partout ailleurs dans le
monde à ce moment là, insouciance d’une jeunesse que la musique anime. Expression
singulière de l’isolation vécue par les éthiopiens et qui leur ont conféré
cette particularité musicale.
C’est
le film de Jim Jarmush, Broken Flowers, et les morceaux de Mulatu Astatké, qui
va permettre à ces artistes d’être réécouté des jeunes générations. La musique
au service du cinéma, et le cinéma qui lui rend bien : la collection
Ethiopiques prend place sur Buda Musiques, et va favoriser dans les années qui
suivent les tournées de nombres de musiciens.
Alemayehu Eshèté (vol9), autre vocaliste, est
affublé d’une comparaison avec James Brown : ce plus sage et moins dictatorial
que l’icône (mais mon avis c’est que ses pattes et les pattes deffs y sont pour
beaucoup dans la comparaison), est un digne représentant d’une tendance entre
jazz et rythm blues. Plus en détails, on peut dire que le mélange intègre aussi
la soul, et les musiques traditionnelles, pour constituer l’éthio-groove.
Malheureusement, encore une fois la dictature va avoir raison de la culture
populaire : 25 ans années seront nécessaires à l’exhumation…pour sortir de
l’ombre des orchestres militaires !
Les alliances de certains avec des musiciens d'horizons
différents les rapprochent et ne cessent de m’en rapprocher. Pourtant de
culture rock, le tempo souvent soutenu, les gimmicks de guitare jouant entre
rondeur et sautillement, tout construit une transe qui va au-delà de tous
styles, vers tous les auditeurs : une espèce d’universalité du frisson, un
langage du rythme qui ne demande pas à être traduit, une intériorité mélodique
partagée quelle que soit notre histoire musicale personnelle.
Enfin j’ai vu récemment en concert les Impérial
Tiger Orchestra, groupe suisse virtuose (si–si !) pratiquer
« l’éthio » avec leurs tripes, et transmettre ça au public trépidant.
Un prolongement salutaire digne de pionniers comme mr Mohamed Jimmy Mohammed (terp african serie n°10)
qui m’avait hérissé les poils lors d’un fantastique concert avant de tirer sa
révérence : assis sur son siège, ses yeux blancs tournés vers le fond de
la salle ou vers le ciel, il semblait puiser ses paroles dans l’ambiance formée
par le public, au plus profond de chacun et à l’écoute des musiciens
l’entourant, battant des mains, la jambe droite trépidante...sa voix pure
flottant entre les instruments.
L'Autre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire