samedi 16 novembre 2019

SCORN : "Café Mor"


"There's no escape. I'm God's lonely man..." (Travis Bickle dans « Taxi Driver »)

Il y a une ou deux questions qui me taraudent et qui resteront probablement sans réponse lorsqu’il s’agit du cas Mick Scorn Harris :
1/ où situer le point de rupture entre le batteur incandescent du early Napalm Death et l’austère entrée en religion que constitue la genèse de son projet dub-industriel isolationniste ?  
2/ à part s’adonner au plaisir de taquiner la truite dans les rivières des West Midlands, on ne sait pas trop ce que notre sorcier des infrabasses peut bien branler pendant ses longues périodes de mutisme ?
Parce que là on parle d’un hiatus de près de 8 ans qui s’apparentait presque à une cessation d’activité.  De ne plus attendre grand-chose de ce côté-là, après plus d’une douzaine d’albums autistes et totalitaires.
SCORN reste SCORN,
Il s’abreuve de lui-même, s’auto-alimente, monstrueux et tapi dans l’ombre, se fichant éperdument des modes actuelles et des myriades de vocations qu’il aura suscité. Creusant son sillon avec une aridité de plus en plus décharnée, Mick Harris aura traversé près de 3 décennies à se réinventer en permanence. Chaque nouvelle direction prise n’est qu’une diffraction des travaux précédents.
Alors quitte à tourner en rond, autant le faire en nous infligeant avec une précision toute chirurgicale son paradigme mutant réglé sur des basses fréquences vicieuses.
SCORN rejoue du SCORN
Et cette fois-ci son jeu est dangereusement tiré vers le bas du spectre, brouillé dans des réverbérations de 3° sous-sol. A chaque pulsation  assénée avec une régularité de pachyderme au ralenti, répond une menace abyssale. A grand coup de sub-dub monolithique, Café Mor, nous entraine vers des territoires plus anxiogènes et post-catastrophistes que ses prédécesseurs. Un engluement roboratif, à contempler une décrépitude rampante et hypnotique sans fin ni fond.
Et la gouaille hébétée d’un Jason « Sleaford Mods » Williamson en train de tripper sur Talk Whiff, qui transforme ce morne café des faubourgs embrumés de Birmingham en fuck you song de prolos 2.0 d’un Royaume-Uni déjà terrassé par le brexit à venir…
Au final, il y aura toujours des détracteurs, happés par le tourbillon grisant d’une modernité sonore digitale et sans limites, et d’autres, toujours ravis de tourner en boucles épaisses à se rejouer ces mantras subsoniques indéfiniment.


L'Un.

SCORN "Café Mor" (OhmResistance. 2019)