lundi 15 juin 2015

OISEAUX TEMPETE : "Ütopiya"



Toujours plus prêt de l’œil du cyclone pour (laisser) filer la métaphore de la chronique précédente. Un retour charrié par le vent des choses... Un peu plus à l’est d’un épicentre imaginaire, on s’éloigne de la Grèce, territoire en déshérence de leur somptueux premier album,  pour mieux embrasser le bassin méditerranéen dans son ensemble, à s’échouer sur  les rivages de la côté turque. Comme pour se rapprocher des sillons laissés dans les vagues de ces flux migrants dont l’actualité récente n’est guère avare. Les Oiseaux Tempête se posent là, en entamant ce vaste voyage circulaire, emportés par de sombres courants sous-marins. Ils se sont flanqués d’un 4° musicien au long cours, prêt comme eux à s’embarquer dans un voyage sans fin aux contours vagues et abrasifs : volutes aériennes d’un clarinettiste qui explose définitivement  la cage étriquée d’un post-rock dans lequel on voudrait encore et à tort enfermer le trio initial. Ils accrochent dans leur vol et le temps d’un morceau, la poésie scandée et désabusée d’un GW Sok (ex The Ex) que l’on croyait sorti des circuits. Toujours plus de bruits, d’éclats, de déchirures, et de textures amples et granuleuses. Du silence, entre deux échos virevoltants. Toujours plus de cette mélancolie aussi épique qu'incurable ; mêmes attentes passionnées  et hurlements arrachés. Les temps sont toujours durs, mornes et cyniques, le constat poignant. Pas vraiment envie d’en dire plus en fait : juste écouter (bis repetita) le vent des oiseaux qui frappent à ma porte, la chute. Vol libre.         
                                                
                                                                                               (Aslan Sütü !)


L'Un.

Oiseaux Tempete : "Ütopiya" (SubRosa. 2015)



lundi 1 juin 2015

MANINKARI : "L'océan rêve dans sa loisiveté"



« Sous le monde réel il existe un monde idéal qui se montre resplendissant à l’œil de ceux que des méditations graves ont accoutumés à voir dans les choses plus que les choses » - (Victor Hugo. 1822)

Maninkari, est le projet de deux frères, dont la démarche doit se situer quelque part à la tangente de la quadrature du cercle. L’instrumentarium inusité sous nos latitudes, relève plus du Voyage en Orient  que  de la Conquête de l’Ouest : cymbalum, santoor, zurna…. dont la transposition géographique tracerait une ligne toute en courbes et volutes sur le sable d’une des routes de la soie; un bodhran (percussion celtique) donne le tempo  et le point de départ. Musique  de déroutes et d’échos lointains dont la rigueur formelle pourrait être la réponse acoustique (et apolitique) à l’electro-indus furieusement orientalisante de feu Muslimgauze : de courtes séquences musicales  mises en boucles,  enveloppées par la richesse  harmonique insoupçonnée des martellements du bodhran. Le timbre connoté des autres  instruments et le caractère modal des mélopées confirment la trajectoire empruntée : going East….  Une production à la fois sobre, sèche, et tout en réverbérations que l’on se plait à imaginer naturelles, entretient ce climat d’étrangeté et cette sensation de profondeur flottante qui ne nous lâchera pas. Musique cinématique s’il en est, mais celle d’un film sans pellicule, où les images mentales générées se confrontent aux mille et un chemins de traverses empruntés sur les chemins de sable et de sang s’effaçant derrière nos pas. Une ascèse stricte se définit dans les poussières d’échos lointains de cette beauté sombre. Grinçant appel au voyage résonant comme de suaves promesses non tenues susurrées à notre oreille. Il y a une angoisse sourde qui point en filigranes dans l(‘)oisiveté de cette musique nimbée de mystères, lancinante comme un rêve récurrent à la sensualité frémissante, occultant l’espace intérieur qui l’entoure.

 « On frappe à ma porte et j’entends le vent des oiseaux »

L'Un. 


MANINKARI : "L'océan rêve dans sa loisiveté" (three:four records. 2014)