jeudi 20 décembre 2012

Deanne IOVAN : "just like you & me"

Le modeste chroniqueur va être obligé de baisser son calbute avec la chronique qui suit. De temps en temps, il faut bien s'engager et défendre la production d'un(e) ami(e) ; quelqu'un que l'on connait et dont la musique vous a touché, à un moment donné. Je l'ai fait il y a pas si longtemps avec une production de Shoi (l'Autre, quoi...). Je lui avais envoyé un email à l'époque, à dame Deanne « Come-Ons » Iovan de Detroit, lui faisant part de mon intention de d'écrire quelque chose sur ce blog qu'on venait de monter de toutes pièces avec l'Autre il y a déjà 2 ans de cela. Puis rien : pas pris/eu le temps de me pencher sur cette petite perle ; une des plus merveilleusement discrètes de ma discothèque/caverne. Nous sommes tous coupables de petites lâchetés ordinaires à un moment ou un autre. J'avais reçu cet album en exclusivité dans la boîte à lettres, un matin de juin 2008. Pas moins de 3 mois plus tard il était devenu le disque de chevet d'un primo-exilé se démenant tant bien que mal dans un de ces trous du cul de l'Afrique des conflits, joué sur un mini haut-parleur de lecteur mp3 dans la chambre bouillante et infestée de sympathiques insectes exotiques.
Pour mémoire, Deanne Iovan aura auparavant pas mal usé ses doigts sur 4 cordes et ses cordes vocales au sein des Come-Ons, groupe garage-rock groovy et sautillant qui s'orientait l'air de rien vers quelque chose de plus froid, cérébral mais toujours dansant avec le dernier « Stars », injustement perçu comme une trahison dans l'univers coincé des aficionados français d'un garage-rock pur et dur (et ce n'est pas le e.p reprenant Donna Summer et s'encanaillant d'un remix « Detroit Techno » qui allait les persuader du contraire... ). Non, « Just like you & me », premier album en solo, s'adresse à vous dans le langage le plus direct et intelligible retenu par Miss Deanne, soit une forme de pop bricolée à la maison, finement ciselée et intimiste. D'elle à vous, simplement. Juste vous susurrer pas mal de choses à l'oreille, et sans trop compliquer les choses en question. N'étant pas un anglophone parfait, c'est son ancien batteur rencontré par la suite qui me confiait que cet album à la mélodie mélancolique, composé de bric et de broc synthétique, puisait pudiquement son inspiration dans l'épisode de la maladie dégénérescente d'un proche de la demoiselle, celui-ci ayant peine à la reconnaître. Avant de savoir, j'optais plutôt pour la bluette de ces  histoires d'amour adolescentes déçues à la patine caractéristique, délicieux grand bond nostalgique. Mais Deanne nous parle à nous, à cet être aimé, et à elle même ; en elle même. Comment transcrire en ces pages, avec des mots, ce sentiment de perte, de flottement et d'oblitération, seul et livré au vent, à l'écoute de « Middle of the world », un soir à vélo, entre chien et loup alors que je traversais un quartier mort en passe de devenir une de ces friches industrielles dont ils ont le secret ? Le morceau se distillait tranquillement dans mes oreilles cotonneuses réconfortées : « qu'est-ce que je fous là », simplement. En moi-même, certes.
Une de ces chroniques dont je n'arriverais pas à m'affranchir, trop directement interpellé par la voix orpheline d'une grande petite sœur que je n'ai jamais eu. Entre saut de l'ange et testament sans retour en arrière possible : la dame ayant je crois déposé ses instruments depuis.
Temporairement bien sûr...

L'Un

http://www.cdbaby.com/cd/deanneiovan
http://www.myspace.com/deanneiovan
http://www.thecomeons.com/mo_home.html

mardi 11 décembre 2012

DEATH GRIPS : No Love Deep Web

DEATH GRIPS : No Love Deep Web
Bon là je dois avouer que le cross over peut en effrayer: avant l’écoute bien entendu, car il suffit de poser quelques instants les oreilles sur ces nouveaux titres du duo infernal pour comprendre que l’alchimie existe en matière de musique. L’époque est aux fusions diverses, à la nourriture diversifiée, à l’inspiration à 360°.
Le dernier album du chanteur et du mr rythmes venant des Etats-Unis s’acharne à nous faire comprendre plusieurs choses simples : des rythmes basiques ne sont pas simplistes ; des scansions portent définitivement des paroles colériques et revendicatives ; il y a moyen de créer des morceaux intéressants avec le dubstep (personne n’en doute vraiment après avoir écouté autre chose que ce qui passe à la téloche) ; la TR de chez Roland n’est pas morte ; les majors continuent de prendre les gens pour des cons…
Pour ceux qui ont raté les albums précédents sortis depuis peu puisque cela ne fait que deux ans qu’ils jouent, ceux qui sont préssentis comme artistes de l’année par nombre de fans (et ils sont nombreux pour une fois dans le milieu de la périphérie musicale*), ont accompli précédemment plusieurs forfaits (ça tombe bien ça va être de saison) : Exmilitary, sorte de mix de leurs premiers morceaux, un Ep éponyme, puis Money Store. Là ils ont signé sur une major et sont en conflis pour des raisons de délais de sortie d’album. Comme d’habitude le marketing avait tenté de dicter ses règles sans prendre en compte ceux qui ont fait l’album ; résultat ils ont sorti l’album en téléchargement gratuit, et toc ! c’est le No Love Deep Web dont nous parlons aujourd’hui, exutoire prédestiné à l’aveuglement détestable d’entreprises attirées par le sepuko…
Pour ces trois issues sonores ils se sont adjoint un producteur axé sur le travail des sons et des compositions en pleine intégration avec les deux intervenants scéniques.

Leur positionnement indépendant leur permet tout, ou leur volonté d’être totalement libre les positionne en marge dans ce vaste « indépendant » qui est pourtant si populaire depuis le grunge. Eux n’en ont ni l’âge ni le désespoir, c’est plutôt avec force et sérénité qu’ils attaquent leurs morceaux, les dépouilles de tout ce qui pourrait diluer le propos, enfonce le clou par une furie contestataire. Zach Ill vient du punk et de la noise, il compose dans l’essence des choses et l’urgence du moment pour porter les paroles que défend Stefan Burnett ; il a collaboré entre autres avec le fameux Patton, Kid 606, ou encore les légendes Boredoms… ça laisse rêveur !

Alors ne pas s’arrêter à l’aspect synthétique des sons, en début d’album, se laisser choper par les rythmiques, les alternances d’aérien et de compulsif,et sentir la substantifique adrénaline monter dans les veines, la sueur couler le long de la colonne vertébrale lorsque au bout de trois morceaux vous aurez été happé par le mélange parfois proche du hip hop (version Saul Williams) au rock tendu et puissant. plus qu'une posture c'est de l'audace fondé sur un des meilleurs albums du genre de l'année.
Sacré mental à Sacramento !

L'Autre

*on désigne par là ceux qui sont autour de ceux qui font la musique : ceux qui en vivent par les critiques, émissions, concerts, éditions de disque (sauf une grosse major hé hé !...), oueb et autres médias… le chanteur dit se défier des médias.

mardi 4 décembre 2012

CAMERA : "Radiate"

Si, entre deux shots fatals de Jaëgermeister dans une taverne de Hamburg à 4h du matin en train de se débattre entre les pattes d'une serveuse géante, on tient vraiment à se payer une bonne tranche de régression revivaliste d'une période que peu d'entre nous auront vraiment connu, et qu'on apprécie le côté peine à jouir du rythme métronomique envappé de nappes de synthés de récup' prêts à lâcher, ce qui peut rassurer par ces temps de grandes incertitudes morales, on a peut-être là le disque qu'il nous faut.
Si vous croyez que c'est facile en terme de crédibilité, de faire semblant de s'enticher d'une énième production qui se borne à surfer sur le cadavre raidi d'un genre appartenant à une histoire et une géographie révolue (ouais : depuis l'Allemagne a été réunifiée, l'Europe est passée par là à grands coups de pompe au cul et le réseau autoroutier allemand hérité des 40's rugissantes est en cours de réfection...). Dans une société de petits hipsters narcissiques pour qui la classe décalée consiste en un recyclage permanent et douteux, faute d'inspiration, des trucs aussi ringards que le krautrock ou la synth-pop (mais je crois qu'ils sont depuis passés au heavy métal...) constituent le nec le plus ultra. Avec une pareille entrée en matière, nos discrets musiciens dont il est question dans ces lignes tordues ne peuvent plus que mettre en avant la légitimité de leur origine teutonne . Ça et le fait que des vétérans de cette scène (certes probablement sujets à de sérieux acouphènes vu leur âge canonique) aient tapé le bœuf avec eux. Imparable.
Pour être très honnête, en fait, on s'en fout complètement ; parce qu'avec son premier album, ce trio au nom impossible à retrouver sur un moteur de recherche, nous pond le plus simplement du monde un bon disque. Un disque de musiciens. Il faut certes faire abstraction de toutes ces vitupérations à la mauvaise-foi évidente sus-citées pour se plonger sans à priori dans cette heureuse surprise pour un automne frais. En formule trio, il est difficile de mentir longtemps, d'autant que les gars ont une solide expérience de terrains divers (toilettes publiques, passage souterrain...) fleurant bon le situationnisme attardé. Avec une guitare, un ou deux claviers et une batterie, on va à l'essentiel, sans digression et sans filet. « Ego », entrée en matière frontale, commence de façon musclée et carrée, rythmique implacable à la NEU! , accords lancinants et synthés lumineux pour un jam in die Scharzwald endiablé. Plus frénétique encore, dans une transe à scotcher les gonades au plancher, « Ausland » nous contraint à taper la mesure du pied, la tête déjà dans les étoiles et un verre de bière dans la main. Des plages plus calmes alternent, trips kosmiques de lendemains qui chanteront, ou pas  (« Morgen », et le carpentérien « Lynch »), avec toujours un son abrasif proche du live qui empêche de basculer dans la mièvrerie casse-gueule de l'option lissée du tout-synthé ; si c'est un truc que les nouvelles générations ont  su assimiler, c'est bien la maitrise fine de cet instrument lourdaud et bâtard.
Plaisir coupable à ne surtout pas partager, disque à passer en boucle dans sa bagnole, qui vous donnera au moins l'impression de ne pas être un pauvre naze, assis derrière le volant de votre bagnole, tout occupé à toucher ces étoiles lointaines au moyen de vos seules oreilles extasiées. La parfaite et sautillante alternative à la bande-son gluante du film de Nicolas Winding Refn.

L'Un

CAMERA : "Radiate" (Bureau-b. 2012)




jeudi 29 novembre 2012

OXBOW: Luxury of Empire / dvd



Manuel Liebeskind fait parti des fidèles et proches du quatuor de blues urbain atypique de San Francisco. Musicien lui-même, producteur, ayant même été tourneur de ce mythique combo, il fait leur son en concert et a donc partagé nombre de tournées, illustrées jusqu’à présent par le journal intime du chanteur Eugène Robinson (d’autre part performer en spoken words sur son livre FIGHT, tout un programme…). Le grand intérêt de ce documentaire est qu’il ait pu donc se rapprocher au plus prêt du quotidien de ce groupe dont la légendaire impressionnante prestation scénique fait envier plus d’un groupe.
Manuel ne s’est pas encombré de matériels superflu : muni d’un appareil photo numérique, il a pu capter les moments les plus anodins, les instants de joie partagée, les discussions d’intimité artistique. De son nom Still Before est donc un document précieux et pas seulement pour les fans, car on y découvre des personnalités attachantes, que l’on voit franchement transcendées lors des extraits de concerts.
Sous-titré dans la version française que voici, chaque moment de dialogue vous place proche d’eux, dans des instants d’écriture ou d’élaboration de concert ; les lives de cette tournée 2009 vous feront pénétrer dans un des groupes les plus respectés de sa génération, qui avait entrepris sur certaines dates d’incartades acoustiques au résultat subtiles et fines.

Dans sa version française, ce documentaire, ainsi qu’un concert dans son intégralité, et un deuxième doc de la française Mariexxme, aux tonalités de l’hommage appuyé, avec les armes d’une qualité visuelle servant le propos, en accord parfait avec la démarche de cette fan pour les fans.

Sorti il y a déjà un an, déjà un an que cette chronique traine sur mon ordi, ce dvd reste un objet trouvable idéal en cadeau de découverte d'un des plus grand groupe...tout court.
Oxbow, le groupe, pas la marque !

L'Autre


OXBOW: Luxury of Empire / dvd

 





et aussi le teaser du doc de mariexxme:

mardi 20 novembre 2012

LOSCIL : "Sketches from New Brighton"

Scott Morgan, qui pilote le plus tranquillement du monde son projet ambient Loscil depuis une bonne dizaine d'années, s'immerge au préalable dans un lieu donné jamais vraiment éloigné de chez lui, histoire d'en prendre le pouls et la température. Là, c'est dans une friche portuaire de sa pluvieuse Vancouver qu'il aura posé ses oreilles aux aguets pour en retranscrire l'idée du truc, bande-son possible pour un paysage ouvert aux éléments, univers sonore parallèle au pré-existant qui l'enveloppe de ses pulsations baignées dans des tonalités oscillant entre  chaud et froid. Ce septième ou huitième album s'inscrit posément dans le continuum des productions antérieures sans bouleverser le concept quasi aquatique parfaitement rodé jusqu'à l'érosion. Les textures amples tissent un mur liquide et massif. Seuls un rythme sourd aux battements graciles intra-utérins et de discrètes perturbations électroniques viennent perturber ce souffle continu, contemplatif et feutré. On se situe là aux frontières croisées de paysages transitoires brumeux et brouillés, d'un électro-dub radical mâtiné d'ambient-music exigeante et aboutie. Le voyage en hiver statique et vaguement floconneux, à contempler le théâtre d'un monde en sourdine, assis dans les herbes sauvages de l'autre côté de la rive, au confluent des vents d'altitude et autre courants sous-marins ; le pont rouillé à traverser, jamais très loin.

L'un

LOSCIL : "Sketches from New Brighton" (Kranky. 2012)
du son par ici et des news sur son site

mardi 13 novembre 2012

RETOX: Post Locust


Premier truc: à déconseiller pour les réveils en douceur. Il faut avoir envie d'hurler contre le réveil, de courir dans le froid se rouler dans la neige, de mettre un disque à fond pour ne pas cligner des yeux au volant...Retox agite les neurones. Rien à faire pour y résister.
Dans la lignée de Locust, deux de ses membres sont présents, on envoie trois accords, le plus vite possible, on oblique au bout d'un moment pour changer de rythme, tendre les cordes sur d'autres frets, crier un hymne simple et concis. Ce sont des brûlots punk hardcore, comme à la meilleure période, du millésimé. La batterie au charley sautillante, frénétiquement sur du deux temps, assène. Nous on se rassure sur les 1'20 que durent chacun des morceaux. On peut rajouter à ses références le métal par couleurs données par la guitare porteuse de puissance et vectrice d'agressivité. Pour leur part, eux préfère parler de surf tant le côté fun parait évident. Ou alors plutôt la tristesse des californiens... et le vague à l'âme...

Le rock est vivant, toujours et encore. Renaissant comme ici sur des cendres encore chaudes mais renaissant plus violemment. on y parle l'horreur, de politique, de révolte, bref de ce qui fait ce début du XXIeme. A coincer sur l'étagère dans l'enfer de la dsicothèque, dès la sortie de leur album.
On nous annonce une tournée au printemps, parfait , on aura le temps de se mettre en jambe avec par exemple Converge!

Chronique courte et concise en accord avec la forme qu'ils ont adopté; faites comme eux : "piss elegant!".



L'Autre

https://retox.bandpage.com/ vous pourrez y écouter pas mal de morceaux et avoir leurs actus.

lundi 29 octobre 2012

BLUES EXPLOSION : "Meat & Bones"

Tiens ! Le Blues Explosion du Jon Spencer se reforme et nous sort une galette. Leur teaser balancé sur la toile a su aiguiser les appétits des quadra/quinqua naissants désespérément restés accrochés au mythe tenace du rock n' roll sale et teigneux. Punk's not dead, you're next... Pour ma part cette impression tenace qu'Orange, bande-son révélation de mes années estudiantines est à peine sorti hier. Entre, quelques albums plus ou moins intéressants (j'avoue avoir arrêté avec Now I Got Worry) suivis d'un hiatus de huit ans. Album réunion donc, vrai casse-gueule tant pour nos musiciens aux tempes grisonnantes que pour les chroniqueurs sur le retour (au crâne dégarni) en quête de grain à moudre.  La première question, et la plus vicieuse, étant  de saisir l'intentionalité de nos gaziers : plaisir des retrouvailles ou trivial money talks ? Une première écoute balaie les doutes d'un revers classieux  et gominé : on retrouve le Blues Explosion intact, la même alchimie de power trio mal embouché qui a toujours su allier la crasse de Pussy Galore à la classe d'un Rolling Stones (période Exile, bien sûr), le petit dirty groove en plus. On ne change pas une formule qui gagne.  Du coup s’installe cette impression tenace que le trio réactivé cherche à convoquer de façon trop ouverte les séminales années CryptRecords qui ont forgé la légende : un poil d'Orange, un cheveu de Crypt Style, une larme d'Extra Width (pour le groove sec...) le tout passé au shaker : Boot Cut est à ce titre exemplaire (mais pas moins efficace). Les morceaux se suivent  et ressemblent  parfois trop à un passé lointain. Ah ben oui : on ne change pas une formule qui gagne, l'énergie réelle et la conviction dégagées tout au long de Meat & Bones  se chargeant toutefois de compenser l'absence de cette urgence viscérale des débuts. Plaisir réel aussi, d'entendre un Jon Spencer, voix enragée et tout en harangue, qui en retrouvant ses vieux potes, a su abandonner les tics chevrotants de crooner revivaliste de sa période HEAVY TRASH (un album aurait largement suffit...). Formation resserrée et acérée qui s'en retourne à l'essentiel et qui joue ce qu'elle sait le plus jouer sans se perdre  dans des chemins de traverse ou des expérimentations stériles. Quelques tubes en puissance expédiés à la va-vite comme Black Mold ou Bag of Bones, un jam funkisant (Get your pants off) histoire de calmer le jeu et le tout est presque trop vite torché, emballé... et sous pressé ; et là réside peut-être le vrai bémol, avec ce son cafouilleux et sans relief qui rappelle précisément le génial Extra Width  probablement passé à un poil (de Pussy Galore ?) du statut d’œuvre culte  pour cette même raison. Les papattes de brute de Simmins et le crunchy de la guitare de Bauer méritaient mieux, non ? Ce parti-pris délibéré ( c'est le Jon aux manettes tout de même) d’une éthique garage-rock cheap à tout prix amoindrit le potentiel frontal du groupe, mais on ne doute pas qu’il est encore capable de coller une bonne branlée en concert et de remettre sans ménagements les jeunes et nouveaux prétendants à la place qui leur sied. Sans être un grand JSBx, on tient là un très bon cru, tout simplement ; it’s only rock n’ roll, le reste on s'en fout…

L'Un.


The BLUES EXPLOSION : "Meat & Bones" (Bronzerat. 2012)
le site du JSBx (et du son)

vendredi 19 octobre 2012

SWANS : The Seer



Réattaquons les chroniques par un morceau de choix…les Swans font partie de l’histoire du Rock, démarrant en 82, dans un post punk chaotique pour aboutir aujourd’hui à ce sommet. The Seer « le voyant » parle autant de leur vision du monde et de la vie, que s'attache à montrer en un épisode leur étonnante production protéiforme. Deux heures d’un panorama riche et subtil ou la puissance vous conquiert et vient incruster rythmes et mélodies dans vos esgourdes. Je citerai les morceaux références de cet album entre guillemets au fil de mes divagations…
Leur parcours se jalonne de rencontres, s’arqueboute au fil du temps, et des questionnements vers d’autres arts, se complexifie dans une intransigeance qui construit leur légende. Impossible de passer à côté des superlatifs avec leur position toujours à la lisière d’un ou plusieurs styles : du coup c’est du Swans, toujours.
Et au passage, ils ont construit les prémices du post rock en défrichant pour Mogwaï, filés sur la No Wave (« mother of the world ») new yorkaise ville dont ils sont issus, s’exilent facilement dans des étendues perdues (« the wolf ») quand l’envie leur prend de rendre acoustique leur son.
Car cela est rare, leur principal domaine étant le travail du son brut pour en tisser un maillage subtil : faire de la noise de précises harmoniques qui vous suggéreront d’insondables mélodies. Ce travail impressionnant trouve son apogée dans les concerts mémorables qu’ils ont pris l’habitude de donner. Un batteur, un percussionniste, un bassiste, trois guitares, et les six membres actuels à jouer des cordes vocales, voilà un solide line-up !
Même si ce travail de brute peut faire peur, laissez vous absorber par le morceau éponyme « the seer » qui s’étire sur 32 minutes sans un instant de trop. Constructions et déconstructions s’enchaînent pour libérer les instruments, les voix, les harmoniques et les mélodies, et prouver leur gestion inspirée de l’énergie. On retrouve dans cette masterpiece (désolé pour l’anglicisme) les fondements progressifs de leurs écoutes d’ados solidement installés, en douceur il faut le préciser, et ne soyons pas étonnés qu’ils puissent aussi inspirer du post hardcore comme Neurosis (dont je reparlerai très bientôt puisqu’ils sortent juste leur nouvel album…), référence à la moitié de cet hymne où tout est en suspension…
Même si quelques morceaux de ce double album sont de véritables transes, d’autres choisissent la concision pour déconstruire l’écoute bien confortable pour l’emballer sporadiquement, ou la tromper comme sur le « seer return » où l’on se persuade que cela va péter au fil de la montée…

Voilà donc un petit tour d’horizon de la première partie de l’album qui se ponctue par d’acoustiques soubresauts des instruments eux-mêmes, soulevés par des vagues invisibles, hoquetant de jaillissements électriques… « 93 av b.blues »…est la charnière.
On sait qu’on est en plein album concept, discours fleuve d’un monstre qui n’en a pas fini avec nous, ainsi qu'avec la musique et l’expression artistique. Je vous laisse avec la découverte de la deuxième partie, en précisant qu’une quinzaine d’invités (venant de Yeah Yeah Yeahs, Mercury Rev, Akron Family, Low...et encore leur égérie de longue date Jarboe) apparaissent sur ce pavé dans la mare rock pour en remonter les meilleurs sédiments.
Ce sont les prédicateurs éclairés d’un avenir encore chaotique pour mieux régénérer les marges tiédies d’un courant à vocation révolutionnaire (« song for a warrior »).
Swans’not dead !

Site des Swans : www.swans.pair.com


Label du chanteur mickael gira: http://younggodrecords.com/artists/10-artists/32-swans
les morceaux sont facilement trouvables sur les sites spécialisés ...
Sortie fin août 2012 extrait vidéo live :


jeudi 20 septembre 2012

CAN : "the lost tapes"



Aah, vertige lysergique des sorties des tiroirs d'usine estampillés « made in Germany ». Les cachotiers n’avaient rien perdu mais surtout laissé « ça » de côté. « Ca », soient une bonne trentaine de morceaux ; trois heures au total, puisées dans pas moins de cinquante heures de bandes magnétiques intactes, planquées sans pour autant moisir dans les tiroirs. La petite histoire rejoignant la grande du coup, veut que ces bandes vouées à l'oubli aient été redécouvertes une fois le mythique Inner Studio démantelé, pour être transféré tel quel dans un musée ! Il semble que nos musiciens prolixes et peu enclins à l'auto-contemplation avaient définitivement oublié cette masse de sons perdus. Des bandes dépoussiérées sauvées d'un oubli légitime,  ayant échappé au triste statut de reliques donc...
Ce n'est pas dans ces humbles pages qu'on va présenter CAN, LE Can, un de ces rares groupes non anglophone des roaring 70's  qui aura rétrospectivement fait la nique aux américains en proposant autre chose en ces temps systématiques de blues psychédéliques aux guitares heavy dégoulinantes. Porte-parole d'un bastion allemand d'irréductibles allumeurs allumés de contre-feux (Neu!, Amon Düll, Faust...), ce quintet from inner space savait mélanger à sa sauce un peu de rock, de transe hypnotique et d'expérimentations électroacoustiques hallucinées (dérivant certes sur la fin  vers la disco racoleuse de films porno ratés...), avec ce son à la fois souple, sec et froid si caractéristique de ce qu'on peut déjà appeler l'école de Cologne (et qui perdure de nos jours dans de toutes autres directions avec la scène electro si caractéristique : The Field, Mouse On Mars, Oval, Ellen Alien...). A l'instar du Velvet Underground qui lorgnait vers la musique d'un Terry Riley ou de La Monte Young, j'aime à définir le travail de CAN comme la vitrine populaire (le « pop » de pop-music...)  des expérimentations radicales d'un Karlheinz Stockhausen qui ne serait jamais vraiment revenu indemne d'un trip à Woodstock (ouais : osé mais placé...).
C'est un peu dans l'air du temps, le kraut-rock, étiquette réductrice dont on les a affublés. Une myriade de jeunes groupes redécouvrent les vieux synthés analogiques que les deux dernières décennies avaient quelque peu ringardisé, et s'embarquent sans complexes sur les mêmes autobahn motorik qu'avaient laissées intactes nos vieux renards revenus de tout. Une influence en perpétuelle expansion revendiquée à juste titre par tous, qu'ils viennent de la techno, du post-rock, de la synth-pop ou de l'ambiant. Dans un contexte aussi frénétique, la sortie inespérée de ces inédits permet d'effectuer une salutaire remise de pendule à l'heure ; non dans le but de démontrer quelconque suprématie, mais plutôt pour confirmer le statut unique et intemporel de ce groupe transgenre et atypique par essence. Et la première écoute balaie les réserves de rigueur : non, ces lost tapes ne sont pas  les side B & rarities souvent hasardeuses et barbantes que l'industrie du disque nous sort régulièrement de son chapeau sans fond quand on n'attendait plus rien, sauf un énième renflouage de caisse. Elles ne sont pas non plus un prolongement de l'œuvre du groupe : elles sont partie intégrante d'un travail constant, évolutif et systématiquement documenté. Devant pareil panoramique, pas vraiment envie de faire une distinction entre jams improbables, extraits de concert, musiques de commande (pour films), versions alternative (là je pense à « Midnight Men » en fait une version alternative de « Vernal Equinox » (je crois) de mon petit album préféré « Landed »), véritable « side B » ou morceaux injustement passés à la trappe.
Sans s'essayer à passer en revue la 30taine de morceaux, le cinématique « Millionenspiel », qui ouvre le bal, surprend et accroche d'emblée avec cette rythmique forcenée et implacable (pourtant loin d'être leur marque de fabrique), une guitare que ne renierait pas Ennio Moricone, et cette flute traversière qui vous casse le rythme pour mieux introduire un solo de sax improbable. Plus familière, cette litanie pour le moins habitée (un euphémisme...) de Malcom Mooney, le chanteur afro-américain échoué à Berlin qui nous invite d'emblée à la transe totale avec le possédé « Waiting for the Streetcar », rescapé de la même session du encore très rock « 1968 Delay ». « Midnight Sky », « Deadly Doris » ou le faussement apaisé « Desert » sont de la même trempe, avec ce petit quelque chose en plus que ce qu'on connaissait déjà : plus fou, plus protéiforme. La triplette des « Evening All Day », « When Darkness comes » et « Blind Mirror Surf » renvoient sans nuance aux expérimentations les plus radicales du groupe (époque Tago Mago ou dernier morceau de Landed), du genre à plonger les congénères du Pink Floyd dans la purée de pois épaisse de l'incompréhension consternée. La période Damo Suzuki, chanteur japonais aux incantations lancinantes se résume  avec le sensuel et alambiqué « A Swan is Born ».
« Godzilla Fragment » dépasse de loin le simple cabinet de curiosité pour préfigurer un noise-rock des plus radicaux, alors que « E.F.S » endosse à merveille son costume de side B & rarities, parfaite voie de garage aux accents méchamment chamaniques : bien barrés les gars...
Messer , Sissors, Fork & Lig » se pose en morceau parfait, résumé kaléidoscopique de ce que le groupe peut et sait faire de mieux ; tous les ingrédients aux rendez-vous. De ces morceaux qu'un Thurston Moore ado a du bouffer au kilomètre... Plongée ambiguë aux accents cotonneux avec le velvetien en diable « Obscura Primavera » (et là notre Thurston ado a du rêver d'en composer au kilomètre des morceaux aussi simples et évidents). Et si on colle une personnelle mention es-spéciale au jam spatio-groovy Pierre Henry vs Funkadelic du quasi putassier « Barnacle » (époque films porno, donc), le rapide tour d'horizon devient complet (et jouissif).
Alors bien sûr manquent ces morceaux à la luminosité tubesque, dans la veine d'un « She Brings the Rain » ou encore « Little Star of Bethleem », mais déjà ces morceaux dénotaient dans la discographie d'alors. Et c'est peut-être ça, l'histoire de CAN : une succession de non-morceaux géniaux, qu'ils soient aboutis ou non, des musiciens qui jouent du CAN sans l'être vraiment avec, toujours, ce décalage et cette propension à l'exploration continue. Des musiciens en phase avec leur époque tout en regardant ailleurs.
Déjà disque de l'année par ici même avec un léger  delay d’une bonne 40taine d’années.  

L'Un.

CAN "The Lost Tapes" 3xCD boxset (Mute. 2012).

lundi 27 août 2012

HAWKS (again ! ) : "Push Over"

Ouais, je sais, l’été touche à sa fin, septembre se profile, avec son corollaire implacable de temps maussade, d'embouteillages, la troisième échéance des impôts qui arrive à point nommé pour dilapider le reste des économies sérieusement entamées par la transhumance estivale. Le bronzage se barre par plaques comme de la pelade, et on regarde ses gamins grandir de travers, qui vous regardent en retour comme un vague étranger derrière leurs écran d'acné impénétrable. C'est comme ça la vie à réaliser qu'on la vit comme ça avec de la merde fraichement collée aux grolles : vous vous rêviez alors grand explorateur à défricher des jungles oubliées, et vous vous retrouvez trois décennies plus tard avec un tassement des vertèbres, la faute à un boulot étriqué à compter la richesse d'un autre dans un entrepôt mal isolé sous la lumière de néons blafards. Et la voiture encore à crédit qui commence à donner des signes inquiétants.
Okay, c'est pas forcément sympa de reprendre les pages de ce blog sans chercher à épargner vos oreilles encore ensablées en quête d'une toute dernière vibration acide avant la route du retour. Tout cela je le conçois et vous le concède mais ….. mais putain, c'est pas donné tous les jours de pouvoir parler d'un groupe dont on ne parle pas assez, un groupe météore en queue de comète dont on a déjà parlé il y a quelques mois, dernier rempart sonique avant la liquéfaction annoncée ; entre vous et moi.
Je sais, l'écriture est fainéante à tourner autour du pot pour essayer vainement de chroniquer le dernier album d'un groupe dont on aura au total pu écouter que trois morceaux sur Bandcamp, deux autres chez l'hydre YouTube au gré d'une connexion internet intermittente, pour finalement achever d'écrire ces lignes en écoutant l'album précédent ; et le premier disquaire digne de ce nom se trouve à quelques milliers de kilomètres. Chronique casse-gueule de reprise de blog, comme d'autres reprennent le chemin de l'école ; les plus malins n'auront jamais vraiment quitté le bar anonyme du coin cela dit.
Et pendant que le monde tourne en rond en mode auto-combustion et que votre vie fout le camp, donc, les HAWKS se contentent de vous aider à garder la tête sous l'eau, dans le tourbillon de la vague qui vous aura dégoutté pour le reste de vos vacances, exutoire sans solution à toutes vos frustrations. Ils reprennent crânement du service et du galon dans un registre toujours proche du « et s'il n'en restait qu'un », le vrai problème qui se pose au bout du compte de savoir ce que je pourrais ajouter à tout ce qui a été dit à leur propos pour apporter un peu d'eau à ce moulin en roue libre.
Alors oui, le spectre du dieu Lizard flanqué de l'ange AmRep/Touch&Go plane toujours au dessus de leur couenne sans finalement leur faire tant d'ombre que ça. Oui, ils ont mis de l’eau dans leur mauvais bourbon en épurant le mix, du coup plus direct, frontal et incisif. Et oui, la voix imprécatoire se veut tout aussi en colère que précédemment mais en a fini de ses clins d’œil et déhanchements lascifs adressés au vieux blues du delta, quoique... On y va plus par quatre chemins mais en mode binaire ; enfin, à la croisée des chemins. Pas grand chose à dire finalement, même sans avoir écouté l’album en entier, quand on sait que ces gars là tiennent le haut du pavé du genre ces temps-ci et qu’eux même le savent parfaitement. Si on ne tient pas entre ses doigts l’album du mois ou de l’année du genre, on en est pas loin.
Ouais je sais, c’est totalement décousu et ce n’est pas maintenant que j’arriverais à recoller les morceaux, plongé au cœur de cette déréliction toute tropicale à boire des bières éventées pour conjurer la fièvre de Marburg qui guette, tapie dans l’ombre de la canopée. 
Mais pour les autres, vous autres, pas d’excuse qui tienne puisque vous serez déjà rentrés de vacances : HAWKS donnent quelques dates pas très loin de chez vous, histoire de conjurer dans une orgie de décibels ce mois de septembre merdique qui s’annonce
Voilà : c’était surtout de leur toute première tournée en Europe, dont je voulais parler.
Pour le reste il y a leur putain de dernier album.

L'Un

HAWKS : « Push-over » (Rejuvenation rcds. 2012)
quelques extraits ICI.




vendredi 13 juillet 2012

PLAISTOW : "Lacrimosa"

« Lacrimosa » : ces musiciens-là ne versent pas de larmes, peut-être seulement un adieu aux armes habituelles à savoir une musique exploratoire en trio classique (basse-piano-batterie) située aux marges du jazz et donc à la tangente d'autres styles. Ils optent cette fois-ci pour un peu de plus retenue en s'inscrivant dans un cadre strictement composé, sans pour autant abandonner ce côté défricheur qui s'obstine à toujours à se démarquer du pré-supposé milieu d'origine, libertaire de mouvement oblige. Petit indice supplémentaire sur l'identité de la musique des franco-suisses, le nom de leur formation est emprunté à un titre de l'anglais Squarepusher, figure de proue d'une certaine musique électronique. Le nom de ce 3° album vient lui, du répertoire lyrique... A nos mouchoirs. « Lacrimosa » ne comporte que deux longues plages d'une vingtaine de minutes environ, ce qui devrait suffire à une correcte immersion. Le titre éponyme commence dans un brouillard d'accords de piano enchevêtrés aux faibles variations tonales. Ce n'est qu'au bout de 3 minutes que la lourde pulsation d'une cymbale ride se joint par intermittences à ce continuum qui s'étire et se rétracte comme une respiration profonde. Le reste des éléments de batterie et de contrebasse relèvent de l'économie de moyen, noyé derrière un puissant écran harmonique mouvant. Loin de la messe des morts traditionnelles, il semble que PLAISTOW préfère s'attarder à méditer dessus, avec une certaine distance dans l'approche. On ne pleure pas ses morts...
"Cube", le deuxième morceau s'inscrit en négatif par rapport au précédent, la batterie donnant le ton. La pulsation nerveuse et minimale est assurée par les trois instruments, tandis que sont insérées des séquences rythmiques fougueuses qui se développent à partir d'un même schéma répétitif qui semble se chercher. On navigue entre tension et détente qui se rejoignent juste à temps en un long crescendo. Et on recommence. Si le morceau précédent empiète sur les plates-bandes ouvertes de la musique minimaliste américaine, "Cube", lui,  ressemble plus au squelette d'un morceau électronique interprété par des instruments "classiques" avec toute la puissance volcanique du rock, pas moins.
On peut toujours rapprocher ce groupe du travail très parallèle de The NECKS ou des égarements calibrés d'un BAD PLUS, mais Plaistow garde cette petite (et excitante) longueur d'avance en se réinventant continuellement à interroger la forme de la sorte.
Salutaire et trippant. 
Ça valait bien le paquet de Kleenex.

L'Un.


PLAISTOW : "Lacrimosa" (Insubordinations. 2012).

sur le SITE du groupe, on peut écouter, télécharger gratuitement mais aussi acheter l'album. Tout un état d'esprit !

vendredi 29 juin 2012

Junkcore Jazz Quartet: Experimental Music for Women

Déjà, c'est sorti sur le label HAK lofirecord dont le travail depuis plus de 10 ans ne dépareille pas d'une exigence axée sur la démarche DIY, sur l'ouverture des influences, sur l'absence de frontières et de limites, et sur l'utilisation de matériels et d'instruments inédits. Au croisement de chapelles dont nous tairons les noms car elles n'ont pas ici d'intérêt ni d'existence, ce petit monde expérimente, croise les savoir-faire, improvise. le résultat bien que diversifié a une profonde cohérence. J'en ai déjà parlé lors d'un des premiers articles sur ce blog (collectif-hak).
Le mystérieux collectif Junkcore JQ nous emmène sur des territoires africains par le biais d'enregistrements savamment retravaillés, filtrés. Ce sont des cartes postales de paysages lointains, pourtant étrangement familiers. Le travail de transformation, d'altération, au lieu de donner une étrangeté, créé une familiarité par le biais des signaux sonores que les machines se sont réappropriés. Un exemple par ce qui semble être des chants, lointains relents d'une existence humaine, par delà un souffle variant, suggérant une houle, ou le vent dans des branchages. Les ambiances se succèdent tout au long de ce petit parcours très zen, dont on savoure les résonnances à chaque instant.
C'est un disque précieux comme il en sort encore loin des calibrages bien préétablis. C'est le genre de disque où l'humanité transpire à chaque note, créant un lien entre la source, le capteur et l'auditeur. Petit fil ténu s’immisçant au creux de l'oreille pour vous permettre de partir loin en quelques instants par la malice des mélanges de nature et de bruits de fêtes par exemple sur le Forest Awake...
Reste que le titre parlant d'attribution de ce disque aux auditrices féminines est un pur mystère...
Il faudra demander au porteur de ce projet Piter De Vries (presque homonyme de l'écrivain nord américain et total homonyme d'un personnage de Dune aux sourcils abondants) qui tient le site META AFRICA, ce qui lui est passé par la tête. Son travail de collecte et d'hommage mérite un petit tour sur la toile. Après avoir téléchargé gratuitement et légalement l'album avec le lien ci-dessous.
Pour terminer, mention spéciale à la balade sur la plage 9 qui inclus au bout de 30 min d'écoute du disque, un piano dont les notes s'enlacent autour des rythmes enchevêtrés eux-mêmes de plusieurs objets percussions.

L'Autre


téléchargement de l'album HAK 234 sur Archive.org: JJQ_Experimental MFW

vendredi 22 juin 2012

Z'EV & David MARANHA : "Obsidiana"

Z'EV ? Encore un truc pour initiés ? Quelques décennies déjà que Stefan WEISSER, pour une grande partie de son travail, tape, frappe, frotte et transcende les métaux en tout genre, se défendant toutefois d'être assimilé à la scène industrielle. Et ça fait pas mal de temps aussi que David MARANHA officie dans l'ombre, notamment au sein d'OSSO EXOTICO. Rencontre métamorphique au plus près de l'abîme de deux performeurs repoussant les limites du clair-obscur.
Le présent cd retranscrit une prestation live donnée à Lisbonne en juin 2010.
Z'EV utilise une panoplie réduite de percussions, à savoir des maracas, un tambour basse et divers disques en acier inox, tandis que David MARANHA dispense chichement des accords d'orgue Hammond bien calés dans les graves saturés.
Un tel dispositif peut paraître spartiate et les possibilités restreintes, mais ces deux là ont suffisamment d'expérience à leurs compteurs respectifs pour passer de la simple démonstration de puissance brute à quelque chose qui flirte avec la transe mystique . Il suffit d'accepter la main tendue.
Sans détour ni affèterie, rentrer de plain -pied dans le son, les pièces de métal frappées avec toute la solennité de ces gongs orientaux. Il suffit de frapper : les harmoniques suivront... Comme un travail de sape, avec un entêtement robotique, Z'EV installe le cadre de la sorte. C'est à partir du moment où il transfère toute l'énergie incantatoire ainsi accumulée sur les tambours basses, que la densité rugueuse et statique de l'orgue Hammond de MARANHA prend toutes sa force, vibrations sales et entêtantes. Crescendo de crépitements à l'éclat sombre qui se densifient avant de fusionner dans un magma rituel paroxystique.
Le morceau s'arrête (trop) brutalement.
De rouvrir les yeux, aveuglé par la lumière du jour.
Hébété et hagard.
34 minutes de voyage au cœur d'un haut fourneau.

L'Un

Z'EV & David MARANHA : "Obsidiana" (Sonoris. 2012)
un EXTRAIT de la performance sur le site du discret et avisé label Sonoris.

Site de Z'EV
Site de David MARANHA 

mardi 19 juin 2012

Ben Russell / Lightning Bolt

Film documentaire dans un premier temps, Black and White Trypps retransmet une ambiance concert comme nombre de preneurs d’images et de sons s’y attèlent. Son dispositif minimaliste, faussement minimaliste, met en lumière ce qu’il se passe dans le public avant tout par un plan fixe qui laisse libre cours à nos yeux pour s’imprégner de l’ambiance. On y voit par le jeu d’un spot fixe lui aussi, un halot de lumière qui fait apparaître les visages aux regards attentifs des spectateurs. On y découvre le recueillement du public des Lightning Bolt, duo de Rhode Island aux Etats-Unis durant le jeu d’un de leur violent morceaux : une rythmique folle, carré et précise, agrémentée d’une mélodie simple en boucle qui fait monter la pression. La batterie et la basse sont plus que rodées, la voix rauque du batteur déferle au mileu des distorsions.
Puis au bout de 5 minutes, le réalisateur procède à un ralenti d’images et de sons qui nous permet de percevoir avec précision ce qui se passe dans le public : un abandon. Ce qui nous apparaissait dans un premier temps comme du headbanging devient par le découpage du ralenti de la transe. Les visages montrent des regards perdus. Des gens pressés les uns contre les autres, qui se donnent à la musique, qui s’oublient collectivement pour être autrement. Chacun ressent pleinement ce qui est en train de se passer car chacun donne l’impression de participer en faisant corps avec ce qui se passe. Plus d’action, mais de la réaction aux vibrations. C’est purement fusionnel.
et puis jusqu'à la fin la vitesse va ralentir encore et encore jusqu'à ne plus être rien qu'un murmure, puis un résidu de souffle; un souffle interne. époustouflant!

Magique comme du Jean Rouch et ses « Maîtres Fous » qui suit des transes rituelles au Mali. Ben Russell est un documentariste hors normes, hors sentiers battus, preuve en est ici, en montrant l’à priori « in montrable ».
Les Lightning Bolt permettent cela, et par chance un groupe français tend aussi à favoriser ce ressenti en live, c’est le duo Pneu (écoutez le cd Highway to Heath). Ils jouent beaucoup, vous aurez donc la possibilité de les voir, et ils prévoient une suite à leurs deux albums. A suivre donc. Car les Lightning Bolt sont eux en pause. Vous pouvez juste vous faire plaisir en découvrant le documentaire et les lives sur le dvd Power of Salad sur Loadrecords.
bonnes balades avec les liens ci-dessous.

L’Autre

Le doc  de 10 minutes:


vendredi 8 juin 2012

JESUS IS MY SON : " 1914-1918 "


Derrière JESUS IS MY SON, ne se cache pas un vieillard barbu perché sur un nuage et outré de voir sa Création partir en sucette, mais simplement Grégory DUBY, accompagné de sa guitare seule.
1914 – 1918, titre emprunté au patrimoine mondial d'une humanité en souffrance, est un formidable casse-gueule : on sait qu'on risque de s'embarquer dans un univers chromatique privilégiant toutes les nuances de gris, tandis que le père du Jésus en question ne s'accorde guère de marge d'erreur, la ligne rouge du péché d'orgueil n'étant jamais très loin de la ligne de mire. Pour tout purgatoire n'existe alors que le grand oubli de la petite histoire ou le flop commercial d'un projet par trop emphatique. Mais c'est en toute humilité que Grégory DUBY nous propose une image distante, posée et très personnelle, en parfait contretemps avec le tumulte de cette Histoire. Pas de fresque grandiose ou d'atermoiements baroques, mais plutôt une délicate frise tout en introspection, qui nous fait partager ses doutes. Grégory DUBY s'appuie sur le vide, la vanité et la désolation qu'ont laissé l'époque et la folie de ses belligérants derrière eux, pour poser des notes orphelines avec toute la retenue de celui qui s'interroge au lieu de chercher à dénoncer.
Musique de tensions alternant avec le silence et ce qu'il y a, entre, accompagnement silencieux et absent.
Musique sépulcrale évitant toute aridité à l'aide d'une production aux tons chauds.
Goût amer de requiem dans la bouche ; on n'est jamais très loin d'un champ de bataille possible.
Il y aurait bien eu une ou deux comparaisons, et très flatteuses, mais on va les taire, afin de ne pas se gâcher le plaisir d'apprécier une œuvre qui s'élève bien au dessus de la boue actuelles des musiques retranchées.
Bien après l'écoute du disque, murmures et résonances discrets planent dans l'espace environnant. Histoire de se souvenir... 

L'Un

JESUS IS MY SON : "1914-1918 " ( FF HHH. 2012)
site de JESUS (ouais !!!) ; l'album en écoute ICI

mercredi 6 juin 2012

Un point sur la route


Au détour d’une course effrénée qui dure depuis quelques mois, posé devant l’écran (car depuis quelques années l’écrit se pratique plutôt sans encre), je me remémore les dernières choses écoutées attentivement et qui ont pu me toucher.
Car l’idée de départ de ce blog d’amateur est de ne parler que ce qui nous plaît le plus : de l’emphase, pas de demi-teinte ; des coups de foudre, pas de critiques acerbes. Nous avons décidé de ne pas perdre notre temps à descendre, mais à valoriser des artistes innovants, des efforts inédits, des chemins de traverses. Juste pour pousser les lecteurs potentiels - et finalement vous en êtes quelques un(e)s- à être curieux et écouter plus, et non pas à vous détourner d’une fade production aux mornes compositions.
Un grain de sable dans le champ de communication bien huilé qui irradie le secteur artistique de ses points de vues coordonnés par une économie de marché. Encore. Comme partout.
Voilà, un peu comme si vous aviez la possibilité de réfléchir à ce que vous pouviez emporter avec vous sur une île préservée des ânonnements mièvres de directions artistiques acculturées.
Car si le paysage artistique actuel est submergé d’inutilités, le monde de la critique sur support papier (que l’on appellera champ de manœuvre) et audiovisuel (que l’on va baptiser Toto) se fondent en banalités convenues, articles entendus, pour ne pas dire payés par les maisons de disques. L’environnement musical est véritablement un supermarché où l’on tente de vendre au plus grand monde le même produit avec des emballages variés, sur lequel bien entendu sont apposées les étiquettes « vu à la radio », « entendu à la TV ».

Heureusement encore, la popularisation de l’informatique, et l’avènement des blogs ont permis de prolonger la vie de la presse indé que l’on appelait du temps de la photocopieuse des copains, le Fanzine. Je pose un « z » majuscule tant on peut trouver de contenus de qualité dans ce fourmillement d’écrits qui s’est développé dans la foulée du mouvement Punk. Le « D.I.Y. » a construit des réseaux de diffusion pour ce soutien indéfectible et ultra pertinent aux nouvelles cultures : parce que tout simplement ce ne sont pas quelques travailleurs géocentrés, mais des fans laborieux qui écrivent pour les fans de ce qu’ils aiment et connaissent le mieux.
Ces fanzines servent bien aujourd’hui quand on cherche des archives sur des mouvements artistiques postérieurs au milieu des années 70. Et pour simplement découvrir ce qui se fait aujourd’hui. Je vous réinvite donc à découvrir notre page de liens qui vous conduira sur des sites à lire, avec plein de belles choses à écouter.
Et ce point sur la route, juste pour éviter de vous dire, que ce que j’ai écouté ces dernières semaines ne m’a pas beaucoup plu : je ne vous citerai donc pas tout ça, vous avez déjà plein –trop- de noms en tête.
Et écoutez donc la webradio « Cannibal Caniche » à la programmation offensive. Y’a bon !
A bientôt

L’Autre

vendredi 25 mai 2012

JK FLESH (aka Justin K. Broadrick) : "Subhuman"


Inutile de s'en cacher : en ce qui me concerne, la colère écrasante et sur-saturée de larsens des mythiques Godflesh fut une influence majeure indépassable au cours de ces 20 dernières années. Un rite initiatique et par la suite une grille de lecture pour toute production ultérieure tendance dure, lourde et sans concession. Les murs tremblants du Théatre de Ménilmontant se souviennent encore de leur premier passage à Paris, le public hypnotisé et passablement assourdi aussi (ben oui, « à l'époque », on se foutait bien de la limitation du volume sonore...). Depuis, j'ai toujours gardé une oreille distraite mais fidèle sur les productions pléthoriques de Justin K. Broadrick quels que soient ses avatars (Godflesh donc, Jesu, Techno-Animal, Pale Sketches et j'en passe) ou ses collaborations (sur un album de Painkiller, ou encore le premier Scorn, plus récemment The Blood of Heroes ou Necessary - derrière les manettes dans ce dernier cas). Pour ce son de guitare à la dissonance si particulière ; pour cette façon d'exprimer ses obsessions dévorantes en évoluant de manière systématique à la marge de styles définis (métal « extrême », industriel, hip-hop, ambiant, drum & bass...) échappant de fait à toute tentative d'étiquetage stérile, mais créant de la sorte un pont entre toutes ces musiques, un lien ténu mais par la suite évident.
JK Flesh est le pseudo utilisé par dérision avec K-Mart (Kevin Martin) au temps de Techno-Animal. Là, il est utilisé par JkB pour marquer son retour solo, certes, mais dans une veine proche sinon parallèle aux égarements hip-hop-indus de Techno-Animal. A moins que ce ne soit quelques étages en dessous du rez-de chaussée : car là, on ne rigole pas. Il semble que JkB ait délibérément emprunté le chemin inverse à la veine lumineuse et extasiée de Jesu, son projet précédent, dans un accès vital de bipolarité :
bien/mal
profane/sacré
clair/obscur
alpha/oméga
… comme autant d'extrêmes opposés s'équilibrant en leurs centres vides. Besoin, après s'être débarrassé des scories encore fumantes de Godflesh avec le doux Jesu, de renouer avec ses amours/haines initiales parce qu'inhumains, trop inhumains. « Subhuman », c'est l'intégration verticale du savoir-faire et des tensions accumulés dans les projets précédents au service d'une claustrophobie sans retour, le seul constat jugé viable (mais peu enviable) qui s'imposait à Justin Broadrick par ces temps cruels qui courent et s'essoufflent. On retrouve LA guitare de Godflesh, grain abrasif et stridences menaçantes, couplée de rythmiques au groove titubant, souvent souligné par un jeu de cymbales hi-hat appuyé (pas loin de Scorn en somme). Les basses restent sales et étouffées, et plus que jamais les grognements de JkB et autres sombres ruminations sont traités et déformés plus qu'à l'accoutumée. On avance la rage aux tripes, dans un cauchemar bétonné qui se craquèle insidieusement pas après pas : ce n'est pas du dubstep mais du post-step (?!), syncopes distordues et pulsations en boucles. Une façon comme une autre d'annoncer que les lendemains à venir ne vont pas nous sourire, mais plutôt nous laminer la gueule ; et avec méthode. Ouais je sais, c'est pas terrible, mais il est comme ça Justin Broadrick, prophète sonique énervé qu'il est à titiller de la sorte une improbable post-apocalypse et un bon paquet d'emmerdes à venir... Le mieux étant peut-être de rallumer son poste de télé une fois l'album terminé : fuck your dreams.

L'Un.

JK FLESH : "Subhuman" (3by3. 2012)
blog de Justin K. Broadrick (avec liens vers d'autres pages)

extraits promo de l'album
deux interviews intéressantes et (pour anglophones, sorry !)

vendredi 18 mai 2012

UNSANE: Wreck


Rien ne change, l’effondrement du système se poursuit, consciencieusement. De chute en dévastation, les sonorités restent les mêmes, les cris sont des hurlements, le déchaînement exponentiel engendre de nouvelles fractures, de nouvelles colères.
Bâtir son œuvre là-dessus a contribué à ce que nous regardions ce nouvel album d’Unsane avec l’émotion de recevoir une lettre d’un frère d’armes. Surgit dans les années 90, le trio a d’entrée basé son travail sur un son puissant, au confins de la noise et du métal. Nombreux furent les musiciens à se prendre une claque lors de leurs concerts violents soniquement, attisés qu’ils sont (encore) par les distorsions de la basse et de la guitare, traînantes et porteuses de courtes mélodies de Fender, d’une voix écorchée, le tout appuyée par une incroyable batterie de bûcheron.
Bûcheron oui, mais d’une finesse étonnante : car la force se trouve ici dans le choix précis des moments où la caisse claire claque, où des roulements vont changer la rythmique, contrairement à ce que font beaucoup d’autres dans une recherche technique et une surenchère. Notre bûcheron s'ingénie à produire des allumettes avec un séquoia...
Pour la petite histoire rappelons que la batterie est tenue par Vinny Signorelli, ancien batteur des Dots, puis des Swans et Foetus, rien que ça.
Leur blues à eux vient des tripes comme tout bon blues. Et tant qu’ils continueront à hurler le mal être d’une génération, leur musique continuera de se manifester au creux de nos âmes jusqu’à ce que cela change. Enfin quand on entend ça, on a carrément pas envie que ça change… au cœur même de l’album, ils enquillent un hommage à l’hymne « hahaha » de Flipper combo défunt (partiellement) que certains survivants souhaitent faire revivre ; pas de revival ici, une réaffirmation que la génération des groupes hardcore made in 90 en avait à dire. Ouf on est rassurés !
La seule différence est l’élaboration d’un son extrêmement travaillé sur l’instrument, justement retranscrit dans les enregistrements, fidèle adaptation de la scène. La chose n’était pourtant pas entendue dans les premiers albums. Toujours est il que depuis deux décennies, des centaines de concerts, un line-up stable a écrit une page de l’histoire du rock. Il y a eu quelques tentatives parallèles, qui malgré les personnels participant faisant partie du gratin (comme dans Celan) le résultat peinait à me convaincre sur disque. Ils ont bien fait de se concentrer finalement sur Unsane !
Dès le premier morceau, on retrouve l’efficacité remarquée dans l’album Scattered, Smothered & Covered. Certaines phases sont d’ailleurs proches d’un Scrape. Stuck montrera plus loin que les nymbes peuvent parfois être proches d’eux, que générationnellement ils furent frangins des Melvins et Nirvana, et bien évidement de Neurosis, que l’énergie produit la technique, et que la respiration et les silences produisent l’émotion.
Les voilà donc posant leur rock puissant, souligné par un harmonica sur No Chance, avançant inexorablement et lentement, comme le rouleau compresseur qu’il sont. L’image n’est pas usurpée ou même affadie : il y a quelque chose de violemment implacable et féroce dans cet abattage qui ne laisse le terrain que transformé. Un vide sans vrai silence, une résonance fantôme. Le souffle intérieur de l’ancien monde moribond.

L'Autre

vendredi 11 mai 2012

Damien JURADO : "Maraqopa" et son folk astral...

C'est dans un univers extrêmement sensible et fouillé qu'on rentre d'emblée dès le feu d'artifice « Nothing is the news » qui ouvre ce nouvel album de Damien Jurado.
Ce genre de morceau envoûtant qui à lui seul justifierait le disque. Plongée fortement patinée d'un certain esprit 70's dans un folk-blues aux errements psychédéliques, pour ne pas dire acides. Sa voix suave se place, flottante, au milieu de solos de guitares agrégés en nappes mouvantes. Atterrissage en douceur sur des sentiers d'un folk légèrement plus dépouillé (qui ne lâchera pas la suite de l'album) avec ce « Life away from the garden » troublant, les chœurs d'enfants répondant au chant de D.J. Une certaine nostalgie, un regard tendre sur un passé révolu et généreux s'installe là et pose toute la couleur de l'album. Et ce n'est pas le suivant « Maraqopa », et son folk astral incantatoire qui contredira cette impression.
En fait ces 3 premiers morceaux justifieraient bien à eux seuls l'existence d'un tel disque.
Une courte pause le temps de griller un bâtonnet d'encens, pour s'enfiler la suite d'une traite, un peu plus « convenue » à mes oreilles profanes en matière de folk,  mais si bien balisée par les morceaux sus-mentionnés, avec une petite touche exotique en plus ça et là ( « This time next year »...) et en évitant la redite. Ne connaissant pas la carrière de JURADO, je me permettrais seulement d'affirmer après l'écoute rapide de quelques morceaux piochés dans sa discographie pour le moins conséquente (...8 disques depuis 2003 !!), qu'un effort de production sans équivalent fait toute la différence, étayant chaleureusement le propos. L'univers de JURADO resté intact mais transcendé de la sorte lui permet de se hisser de quelques crans et de pouvoir rivaliser l'air de rien dans la cour des grands, qu'ils s'appellent Bonnie Prince Billy, Timber Timbre ou encore Bon Iver. Si, au fil des titres, se décèle une évidente connexion avec un certain Neil Young, loin de là l'idée d'une copie envieuse ou d'un crime de lèse-majesté : « Maraqopa » reste un album en phase avec son époque, puisant sans complexe son inspiration dans un passé riche et généreux. Il y a de la place pour tous... Sans aller jusqu'à affirmer que 2012 connaitra un avant et après « Maraqopa », on sait déjà qu'il faudra compter avec, à ce moment crucial de fin d'année lorsque s'établiront ça et là les inévitables « Bestof2012 »...

L'Un

Damien JURADO : Maraqopa" (SecretlyCanadian. 2012)
Le SITE de l'Artiste
on peut écouter son album sur Deezer