mercredi 30 septembre 2015

JACASZEK "Glimmer"

La musique du polonais Michal JACASZEK peut se définir comme la rencontre entre de l'électronique embarquée et des vieux instruments de musique classique. Soit, mais on va pas pour autant danser frénétiquement un menuet des maisons sur le dancefloor d'un nightclub péri-urbain. JACASZEK ne verse nullement dans la fusion techno-classique, fût-elle virtuose : au contraire, il prend une certaine distance sur l'objet sonore isolé (clavecin, clarinette, guitare classique...), puis superpose finement les calques déformants de l'appareillage digital. En découle une succession de petites miniatures sonores aux atmosphères faiblement éclairées, comme le titre l'indique. Un incessant glissement de textures souvent fragmentées s'opère alors dans un cadre demeurant éminemment statique. L'électronique semble dérailler, bégayer et se rejouer sur elle-même, palimpseste se heurtant sur les arpèges d'instruments figés. La force d'évocation d'instruments aussi connotés, confrontés à une electronica au grain quasi argentique donne à l'ensemble ce climat prenant d'étrangeté anachronique. Les reliques du passé convoquées et plongées dans le tumulte d'un présent comme vécu à distance. Cette impression comateuse d'émerger dans un brouillard rémanent.
Pas si éloigné d'un Brian Eno ou encore de Labradford ou Pan American, JACASZEK joue là ce qui pourrait être la musique de chambre du 21° siècle : à la fois intimiste, délicatement confuse et distillant une sourde inquiétude. Quoi de plus normal en ces temps d'incertitude et de régression culturelle. 

L'Un

Michal JACASZEK  "Glimmer (GhostlyInternational./ 2011).


lundi 14 septembre 2015

WHITE HILLS "Walks for Motorists"

Peu de groupes arrivent à garder un cap après une bonne 12zaine d’années d’existence.  Peu se renouvellent de façon significative. D’autres préfèrent encore rester perchés dans l’hyper-espace, certes balisé, quatre voies, éclairage au néon et vitesse bloquée au compteur. White Hills se positionne probablement  à la croisée des chemins sans qu’on sache pour autant si on y gagne en hauteur (à être perché ?). Loin de l’orientation poisseuse de So You are, so you’ll be,  « Walks for Motorists », chaussée toute tracée pour rétro-futuristes blasés ou grand bond pop-motorik en avant ? Le duo (enfin trio…) semble vouloir sortir de ses ornières spacieuses, en sortant l’album « commercial », celui à même de dérouter sa fan-base par définition obtuse. Commercial parce que  sérieusement élagué, avec un son (presque) propre ?  Parce que tous les gimmicks et tics habituels sont reformatés «pop song » (tout est relatif), plus ouverts à une catégorie « tout public » (tout est relatif) ? Toujours, le clin d’œil putassier au Stooges éponyme, avec ces solos chargés au plomb (pour les 60’s). Toujours, une rythmique en prise directe avec les autobahn bétonnées empruntées par NEU! (dans les 70’s). Des accents qui convoquent volontiers Bauhaus (pour les 80’s). Quelques échos stoniens  planqués dans les chœurs de Life’s upon you, aussi. Rien de bien nouveau en fait, simplement les différentes facettes  brutes d’un changement de perspectives : avec ce nouvel opus, White Hills s’affirme et s’extirpe de ses errances soniques assumées pour s’exposer à plus de variations à la luminosité vacillante. Une démarche qui n’est pas sans rappeler celle des (certes plus austères) Disappears. Le genre d’album qui donne envie de savoir de quelle trempe sera le suivant… que l’on imaginera volontiers claustrophobe, comme une hallucination grise au cœur de la ville à nu. La voie est ouverte et asphaltée.


L'Un.

White Hills : Walks for Motorists (ThrillJockey. 2015)