dimanche 30 août 2020

Disco secrète de l"Un 4/10 : Touch & Go"s "God's Favourite Dog"

  « dans le regard de ce chien, j’ai vu toute la paix et la sérénité dont je serais privé en traversant le Texas avec ces psychopathes »      -       ("Kramer", cité dans "Our band could be your life' sur les Butthole Surfers)

 


Porte d’entrée sur le catalogue abrasif d’un des labels phare qui régnait sur le petit monde indépendant des années 80’s, cette compilation du label Touch & Go nous propose 5 groupes en 10 titres, pour une ballade flippée dans une Amérique qui se craquelle lentement sous le vernis poli des années Reagan… L’agression permanente, lente et vicieuse était la marque de fabrique de ce label lorsque pleins se perdaient dans les affres hardcore d’une musique toujours plus rapide et bornée. 

Pas étonnant de retrouver réunis les poids lourds d’une noise alors en pleine ébullition ; à commencer par ces frapadingues de BUTTHOLE SURFERS qui oscillent entre grommellements tribaux et musique pour mariachis périurbains déprimés. Ou les inoxydables BIG BLACK, sarcasmes, et guitares anguleuses au rendez-vous. Et cette voix qui suinte la folie… la basse granuleuse : SCRATCH ACID, le premier groupe de David Yow et Sims qui formeront par la suite The Jesus Lizard. Si HOSE dispense un rock convenu et sympathique (avec cette petite reprise bien sentie des Zep’), KILDOZER propose l’hymne au ralenti de cette compile, avec le massacre dans les règles de Sweet Home Alabama (ndlr : à l’époque j’ignorais que c’était une reprise…). Les 2 performances d’un duo beuglements + feedbacks désaccordées bien nommé HAPPY FLOWERS apportent à l’ensemble cette indispensable caution morale cathartique et arty (…). 

O.K, très peu écouté depuis plus de 33 ans, le vinyle s’écorne bien sagement dans ma discothèque coincé entre un vieux Bowie fadasse et un album solo de Johnny loser Thunders. Mais plus que sur le genre « noise-rock » proprement dit et une époque imprévisible, et sur amplifiée… et révolue, cette compilation obscure m’aura surtout permis d’être en mesure par la suite, de me frotter sans complexe sur des trucs toujours plus lourds, toujours plus balaises, toujours plus oppressants : Flipper, Godflesh, Pussy Galore, Brainbombs. Les chiens ne font pas des chats.

 

 L'Un.

 God's Favourite Dog (Touch & Go. 1986)


dimanche 9 août 2020

disco secrète de l'Un 3/10 : Brian ENO "On Land"

On devrait toujours avoir besoin d'un passeur dans la vie : le voisin de la rue des Bouteilles avec sa 10zaine d’années de plus que moi était parfait pour ce rôle. Ce nombre incalculable de soirées à se refaire le monde, fenêtres ouvertes, de s’initier à une dialectique des plus sommaires, mais surtout se passer des disques. Surtout lui d’ailleurs. Par son entremise, j’ai pu tranquillement accumuler quelques fondamentaux du jazz (Mingus !) et surtout de ce qui se faisait en rock dans les années 70’s. les noms défilaient comme Peter Hammill, Lou Reed ou encore Robert Wyatt ne me parlaient pas encore mais constituent encore une base sur laquelle je n’ai eu cesse de revenir. Mais l’impact d’On Land a été direct et radical : une plongée délicieuse dans un flux cotonneux jusque là jamais expérimenté. Disque de chevet par excellence, racheté en cd depuis, il a depuis été joué plusieurs centaines de fois gardant toujours sa part  d'ombre...

Les canons de la musique ambiante tels que définis par ENO étaient déjà gravés dans le marbre avec l’inaugural « Discreet Music » puis « Music for Airport ». A ce titre, On Land a toujours été quelque peu sous-estimé dans ce moment charnière de sa discographie. Certes, on est moins là dans une musique d’ameublement auto-générée que dans une immersion profonde au cœur de nappes brouillées. L’album ouvrira plutôt la voie à des interprétations plus éthérées et impressionnistes par ses pairs faiseurs d’ambient music, même si jamais loin des pires dérives new age indigestes.

Près d’une quarantaine d’années plus tard, le son reste toujours aussi riche et organique, le grain profond des synthés se mêlant le plus naturellement du monde à des captures sonores bidouillées. Sur chacune des pistes, l’impression physique de survoler des topographies sonores voilées par les nuages d’une aube sans cesse reculée. Une puissance évocatrice rarement égalée par la suite ; même si (parmi les plus connus) BIOSPHERE ou LOSCIL peuvent aisément revendiquer l’héritage de cet album unique et visionnaire.


L'Un.

Brian ENO : "On Land" (Editions EG. 1982)