dimanche 4 juillet 2021

SCORN : The Only Place

 « Don’t bring me flowers » - Godflesh.

«Il y a de la colère, dans ma musique. Quelque chose de sombre qui n’a pu être construit que dans cette ville. Je la hais profondément. Moi et ma femme ne rêvons que d’une chose: partir. On peut toujours rêver.» - Mick Harris

 

 

Et on l’attendait pas trop ce, ce missile sol-sol enrichi à l’uranium du pauvre, un an seulement après les ruminances du Café Mor ! Mick Harris et son SCORN en bandoulière depuis près de 3 décennies nous avait habitué à des hiatus plus distendus. Mais le monstre polymorphe né des profondeurs abyssales d’un Birmingham post-industriel échoué, a toujours eu besoin de se repaitre de sang épais : l’hydre est mutante, dopée aux sous fréquences hertziennes scélérates. On ne compte plus les albums (si : une bonne quinzaine…), et on ne va pas revenir non plus sur le parcours souterrain du batteur défroqué qui a troqué les oripeaux à clous d’un speed metal exponentiel pour cette forme bâtarde de dub électronique expiatoire et décharné.  Plus rampant que jamais, ce SCORN là ne connait la lumière que par les vumètres dans le rouge de sa console analogique. Les assemblages abstraits et isolationnistes des années 2000 sont loin, tout comme le dub sombre et minimal de la première décennie. 

Là on colle au plus près du principe de masse bouclées en boucle sales.  Si Café Mor nous a gratifié de cette gangue de mazout poisseux en nappes épaisses, The Only Place continue sur cette même lignée nauséeuse et instable mais cette fois-ci chargée de saturations et autres échos grésillant. Plus dub, tu crèves ta race. Dans cette transe pesante, le sorcier Harris convoque des sonorités déjà utilisées qu’il recycle et triture à l’envi. La charge de ce colosse sonore reste obstinément statique, en suspension dans un air chargé en particules épaisses, à s’attendre au pire qui ne vient jamais. Les déflagrations et crépitements maintiennent au sol cet amoncellement d’une glaise dans laquelle on s’englue avec une sidération morbide. Comme sur le café Mor, un front man s’invite pour glisser son flow incantatoire entre les rouleaux de barbelés soniques. Là c’est M.C Kool Keith, dont le titre, Distortion, avait déjà été décliné dans un ep avec Mick Harris et Submerged en mars dernier. Et à nouveau on s’étonne que cette symbiose ne soit pas plus récurrente dans le travail de ce SCORN misanthrope…. De l’humain dans la machine » en quelque sorte, et un appel d’air salutaire après ce long infra-trip sur les rives d’un Rubicon asséché.

The Only Place ? Comme un constat lucide qu’il n’y aura pas de… « Plan B » dans un monde qui part inexorablement en sucette ? Mais tant que Mick Harris continue de coller à l’air du temps, l’air de rien, en nous distillant ses odes forcenées sur un thème de vie suburbaine mortifère… Bah alors on s’en fout.



L'Un.


SCORN The Only Place (Ohm/Resistance. 2021)