jeudi 18 mai 2023

TACHYCARDIE "Autonomie Minérale"

"The music was meant to flow along regularly, while you did irregular things" (John Cage)

 

Tachycardie, ce n’est qu’un bout du sommet de l’iceberg épileptique que Jean Baptiste Geoffroy s’acharne à sculpter à l’aide sa paire de baguettes affutées après s’être remis de ses transes collectives au sein de la Colonie de Vacances ou du duo math-rock PNEU. Et on tient surtout là notre énième « Disque de Batteur » si cher à ce blog… Certes avec son projet à quatre mains INSTITUTRICE, il y avait déjà eu une chronique sous ce tag. Avec Tachycardie la frénésie rythmique ne faiblit pas vraiment. Deux mains seulement certes et tout ce qu’il faut de mailloches et de baguettes pour taper sur ses bambous de tout poil. Mais sur ce début d’Autonomie on glisse subtilement de la performance vers une dimension à haute valeur narrative et surtout ouverte à un aventurisme des plus exploratoires : les petites comptines speedées sont composées à partir d’un unique matériau : des pierres. Elles sont frappées, percutées, triturées et sérieusement retravaillées dans les filtres analogiques d’un synthé bricolé maison. What else ? Pas grand-chose en fait au vu du plaisir minéral (pour ne pas dire organique…) à écouter ses cavalcades obsessionnelles à la fois vertigineuses et suspendues. Jamais loin d’un jusqu’au boutisme forcené et conceptuel, la musique de J.B a cependant conservé ce qu’il faut d’espièglerie pour piéger nos sens affolés entre évidence (presque) rudimentaire et procédé (très) élaboré. La dernière fois que j’avais pu entendre un travail aussi abouti à base de pierres traitées c’était avec le travail de Scott Gibbon (aka Lilith) et son bien nommé « Stone ». Mais le propos alors était plus sombrement rituel que franchement percutant. 
 

L'Un.

 

TACHYCARDIE : Autonomie Minérale (UnJeNeSaisQuoi. 2023)

lundi 8 mai 2023

Martino Caterina (aka Alex Pini) « Ritratto di città 2021 »

" A poem is a city" (Ch. Bukowski).

 

«Music is a part of my life ». C’est à peu près tout ce qu’on peut lire et ce qu’on peut retenir du succinct encart « bio » de sa page Bandcamp. Ne pas chercher ailleurs : pas grand-chose d’autre à glaner sur la Toile, ce qui est toujours rassurant à l’heure où les autoroutes de l’information se saturent d’eux même et de toute la vanité de l’instant. … A part of my life  : profession de foi désarmante qui devrait figurer dans toute biographie de musicien  honnête et autres mélomanes. Forçat du son fixé, soutier d’une électroacoustique narrative sans fioritures et effet de manche, la musique de Martino Caterina est directe et le plus souvent relève de l’expérimentation heureuse, du process laborieux propre à ceux qu’animent une passion dévorante. Clichés et poncifs que de rabâcher tout ça, mais ce genre de « rencontre » musicale inopinée n’a de cesse de renouveler un émerveillement à la naïveté assumée. « Portrait de la cité. 2021 » donc. L’invitation sonore est sans équivoque, la ville probablement fictive et modulable à souhait. Cette déambulation dans les rues de la cité rêvée est un mélange d’errances et de digressions : techniques mixtes où le temps et les matériaux sonores utilisés s’étirent en échos profonds et granularité parcimonieuse, de sombres accents symphoniques lorsque la poésie prend le dessus sur un réel altéré.  On est loin de toute prétendue objectivité d’un field-recording panoramique : le portrait dressé ici sera résolument impressionniste, fait d’instantanés mélancoliques brumeux et de longs travellings aux accents de rituels de passage. Il suffit de se laisser happer dans ce dédale de rues qui prennent forme et s’évanouissent dans ce discret cinéma pour l’oreille.

 

L'Un.

 Martino Caterina (aka Alex Pini) « Ritratto di città 2021 »