dimanche 28 juillet 2019

EARTH "Upon her burning lips" / SUNN O))) "Life metal"

Pour Dylan Carlson, malgré quelques récentes infidélités (en solo, ou vs the Bug), EARTH reste l’accomplissement progressif de toute une vie au ralenti, creusant le sillon dans une veine plus cinématique que statique une fois la pierre d'achoppement Earth II transcendée. Chaque album est une extension du précédent où seule la géométrie des line-up constitue la variable d’ajustement. 
Fort de ces expériences erratiques, Dylan Carlson semble en avoir tiré une leçon des plus élémentaire : toute la substance de EARTH réside dans ce long compagnonnage avec la batteuse Adrienne Davies et ses frappes en suspension. Retour à une forme originelle sous la forme d’un duo. Ce qui frappe d’emblée à l’écoute de « Full Upon Her Burning Lips » c'est de ne pas remarquer l’absence des autres instruments, guitare et percussions se réappropriant pleinement cette temporalité figée dans un espace en perpétuelle expansion. Les accords de guitares infinis et sous sédatif qui s’accordent au contrepoint d’un jeu de cymbales attentif et millimétré ; un exercice d’équilibre chamanique en partance pour cette « pesante légèreté » dont on ne sait jamais si elle vous relie les pieds ancrés dans la terre, les sens libérés à survoler une topographie nébuleuse..
Les encapuchonnés de SUNN O))) (=>prononcer « seune », et oubliez le «O ») en revanche, ont probablement du rester scotchés sur leurs amplis cramés à se repasser le séminal Earth II de nos précédents. Des répercussions monolithiques pour ainsi distiller le concept, prêcher le drone sans fin et canaliser toute(s) leur(s) énergie(s) depuis plus de 2 décennies. Eux aussi s'en reviennent avec un fil directeur constant et opiniatre en forme de continuum aux contours écorchés.
Mais là où EARTH vous embarque dans un voyage intérieur morne et trippé, le Life Metal s'obstine à se mouvoir au niveau du grain du son. Au delà de tout le barnum déployé et de leur cérémonial scénique, Greg Anderson et Stephen O'Malley font eux aussi l'éloge d'une lenteur apesantie . Délaissant les affres de la démultiplication obsessionnelles des pistes de Protools, le groupe s'est frotté cette fois-ci aux manettes analogiques de Sir Steve Albini pour un rendu des plus rigoureux et frontal. Cascade d'accords rampants tout en retenue solennelle, le violoncelle et la voix de Hildur Guonadottir qui s'invite en délicat contrepoint dans la forge des moines guerriers. Un métal qui chauffe progressivement et prend une forme erratique pour se concentrer sur sa matière en ébullition, entre les enfers et des cieux pour le moins plombés. Ce dernier album s'entête à reprendre les choses au plus près, quitte à vous décoller la rondelle à grand coup de fréquences basses granuleuses, pour une contemplation des plus (ex)statiques.
Après... la vraie question qui nous taraude depuis ces 20 dernières années est de savoir si le format enregistré de la musique de SUNN O))) restitue ne serait-ce que ving pourcent de l'expérience physique et immersive de leur prestations scéniques pour le moins terrassantes.
Mais pour le simple plaisir de bousiller les enceintes de son système hifi, ça ne se discute pas.


L'Un.