mercredi 17 janvier 2024

NIECY BLUES "Exit Simulation"

 

A chacun sa définition de l'ambient music. Certains le conceptualisent sur un lit d’hôpital quand d’autres ont une illumination sédative au sommet d’une quelconque montagne perdue… Pour NIECY BLUES, les racines sont profondément ancrées dans une jeunesse pieuse où la seule forme de musique autorisée résidait dans les offices dominicaux de la bible-belt où la puissance de la musique gospel se chargeait de saturer les voutes de l’église à grands coups d’échos. Bienvenu en Oklahoma, et voilà pour l’histoire officielle qui tient de storytelling.  La jeune américaine remplie de ces vibrations extatiques et oppressantes s’en est allée se frotter au monde du dehors :  païen, chargé d’électricité, où souffle un vent de liberté ouvert à ses cinq sens. Parcours initiatique s’il en est, que l’irréprochable label KRANKY a su repérer au croisement de son cheminement : avec Exit Simulation, NIECY BLUES abandonne ses excursions dream-pop du début pour se recentrer sur ce passé qui la hante comme une caisse de résonance sans fond. L’exercice d’exorcisme est doux et profane, noyé dans des aplats de réverbérations de cathédrale de part et d’autre de l’album, fil d’Ariane ténu au cœur de ce brouillard cotonneux. Hors du temps avec cette voix évanescente qui s’accompagne d’arrangements subtils. La guitare se suffit souvent, noyée dans cette masse légère de nappes synthétiques. Les esquisses de rythmes, rares, se pointent et s’effacent. Accords mineurs et intimes. Un enregistrement de gospel, rauque, s’invite dans le mix sur « U Care », distant et sans emphase. Les mouvements sont amples, profonds et apaisés. Requiem des temps modernes qui se projette dans un avenir qui se veut serein et libéré ; comme flottant. On peut aisément rapprocher Exit Simulation des travaux de sa compatriote GROUPER ou même d’Ana ROXANNE. Mais ce qui est certain c’est que ce disque qui nous tombe entre les mains à la fin de cette année (2023) s’annonce déjà comme un incontournable pour l’année à venir. 

 

L'Un.

NIECY BLUES ; "Exit Simulation" (Kranky. 2023)

dimanche 7 janvier 2024

YAEJI : With a Hammer

 

Si vous aimez les triangulations hasardeuses alors pensez BJÖRK (moins boursouflé), CIBBO MATO (moins faussement naïf), Tujiko NORIKO (en plus rythmé) ou Yolandi « ANTWOORD »VISSER ( putasserie et hélium dans la voix en moins). A force de rapprochements, on tient plutôt là un carré de reines. En général pareille superposition de comparaisons douteuses augure une pauvreté créative sans fond et un manque d’inspiration des 2 côtés de la plume du clavier. Mais à accumuler les parallèles de la sorte il se peut que précisément l’OVNI musical et mutant aux formes indéfinissables se situe ailleurs, dans un écosystème intime qui lui est propre. A ressembler à tout et à rien, on est parfois soi-même. Peut-être même que les artistes cités font partie du petit panthéon des influences de la jeune américano-coréenne. Peut-être que non, toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence. Cet album, je ne l’avais pas vraiment vu passer, snobant un artwork peut être trop marqué par la culture manga ( ?). Quoique : YAEJI revient, prête à en découdre. A grands coups de hache (saccadés) dans la production (brillante). Beaucoup de choses à dire après un confinement de plein fouet, sa condition de femme, « d’origine » asiatique qui plus est. Des revendications portées par une voix fluette presque enfantine, conformément à des présupposés codes de la pop asiatique. Les rythmiques appuyées flirtent souvent avec des déflagrations drum & bass profondes ou du trip-hop rêveur. Les morceaux sont souvent tubesques avec de belles plages vaporeuses. L’anglais se mélange sans nuance au coréen (que je n’arrive pas à distinguer du japonais. Eh ben bravo…). Production exemplaire pleine de glitches et de trouvailles (particulièrement sur le traitement des plages vocales), au spectre bien plombé dans les basses, on se rêve à imaginer là le résultat d’un travail nocturne et solitaire en home-studio s’il en est. La musique est fraiche et légère et bien ancrée dans une urbanité post-moderne fantasmée. Pour une idée plus précise, merci de vous référer aux (grandes) artistes citées au début de cette chronique. Quant aux héritiers de Blade Runner, ils n’ont pas à s’inquiéter pour une quelconque relève. La boucle est bouclée dans une introspection sans fin.

 

L'Un.

YAEJI : "With a Hammer" ( XLrecordings. 2023)