dimanche 27 mars 2011

BRIAN ENO - Small Craft on a Milk Sea

Bon.
J'ai bien vérifié et re-vérifié sur d'autres blogs, dans la presse, et tous sont unanimes, globalement élogieux, bercés par la béatitude admirative de ceux qui savent. Alors je l'ai réécouté plusieurs fois : dans le train, en ville (avec un casque...), avec des enceintes de bonne qualité et à des niveaux de son (et d'écoute) variés.
Rien.
D'attendre le déclic.
Bon.

Pas facile de naviguer à contre-courant par les temps qui courent. On vous catalogue vite de vieux con aigri et (horreur) has-been.
Encore moins facile lorsque l'on considère que Brian Eno est un maître en son genre et qu'il a été une influence musicale importante entre son concept de musique ambiante théorisée et développée au début des années 80's et sa pop bricolée, libre et farfelue des 70's.
Ma perception de l'environnement sonore fut à jamais modifiée un mercredi après midi de mai 1989 après une demi douzaine d'écoute en mode continu de l'éthéré « Thursday Afternoon ». Et la topographie sonore de «On Land » qui n'a jamais réellement quitté la position enviée de disque de chevet depuis plus de 20 ans...
Dur de s'y coller donc, le mieux étant de régler ça à la loyale, c'est à dire avec des gants... plutôt qu'à renfort de marteau-piqueur.

Après une longue période de production toujours discrète et très inégale, on annonce triomphalement et à raison que le vieux tigre de papier a rejoint les jeunes agités du label londonien WARP. A posteriori, cette collaboration inter-générationnelle prend tout son sens, hommage à celui qui aura (toujours discrètement mais sûrement) marqué de son empreinte le monde des musiques électroniques tendance cérébrale. Au vu des exigences de Warp en matière de qualité, il n'y a plus qu'à foncer tête baissée, casque sur les oreilles.
La première écoute est loin d'être désagréable même si une nette impression d'hétérogénéité et de déjà vu s'installe insidieusement. C'est peut-être là qu'il fallait s'arrêter pour pouvoir rédiger les éloges dithyrambiques tant attendus....
Les trois premiers morceaux, à grand renfort de nappes de vieux synthés planant se posent un peu en clin d'oeil délibérément ringard aux productions ambiantes des années 80.
Puis, comme sortis de nulle part et sans vraiment savoir où ils vont, s'ensuit une petite série de morceaux vaguement technoïdes, superpositions complexes de strates menaçantes, héritiers actualisés d'un certain Krautrock.
Si « Flint March » est franchement lourdingue, « Horse » et surtout « 2 forms of Anger » sont résolument en phase avec leur époque et la philosophie Warpienne.
Puis la tension redescend lentement, douce lumière nappée de cette réverbération aérienne typique, et laisse place à ce qu'Eno sait faire le mieux : un ambiant dense mais de bonne facture (« Lesser Heaven »...), un peu angoissé (« Calcium Needles »), qui culmine avec « Late Anthropocene » ou le morceau caché, aux textures riches et fouillées que ne renieraient pas les contemporains et disciples Loscil ou Pan-American.
La quasi-totalité des morceaux pris pour eux-mêmes reste pertinente et on tient du très bon Eno, en se demandant toutefois si les passages les plus agités ne sont pas une tentative pour rester dans le vent des choses ; plus précisément celui de la modernité.
Mais c'est surtout cette enfilade hétéroclite d'ambiances différentes, et inachevées qui confirme la première impression et laisse sur sa faim. On a à faire à une sorte de carnet de croquis, d'ébauches sonores, où chaque morceau pourrait se poser en une idée, un concept à lui seul à développer dans beaucoup plus de temps et d'espace.
Là où cette formule de petites vignettes sonores marchait très bien pour « Music for Films » auquel « Small Craft... » se réfère peut-être trop souvent, l'alchimie ici opère de façon partielle.
Pour être lapidaire, on tient avec cet album, la version moderne et indécise d'une énième reformation de Tangerine Dream (...je n'ai PAS dit Jean-Michel Jarre !!), associée au bon et au moins bon de Can, qui s'essaierait à convoquer le meilleur du Brian Eno avec les raccourcis technologiques que nous permet notre époque.
Fair play oblige, de vous laisser méditer sur cette phrase du Maître histoire d'ouvrir ou de clore le débat : « L'idée qu'une musique qui reste irrésolue engage l'auditeur dans un chemin créatif m'est restée » .

Un disque de propositions donc ?
(assorti d'une pochette bien craignos...)

L'UN
du son sur
BRIAN ENO - Small Craft on Milk Sea (Warp. 2010)

lundi 21 mars 2011

BLOOD OF HEROES

J’ai comme beaucoup, de la réticence à jeter une oreille sur les disques de « all stars bands », les réunions prestigieuses de musiciens reconnus qui souvent par envie, certaines fois par opportunisme mêlent leurs expériences pour en tirer au mieux le meilleur, au pire une pâle copie de ce que produisent déjà certains groupes, plus jeunes, moins expérimentés, mais surtout inspirés ! Blood of Heroes déroge à cette règle grâce aux personnalités résolument diverses / éclectiques en présence, et surtout par la grande qualité d’écoute et d’ouverture d’esprit dont ils font preuve dans leur parcours. Le vétéran  Bill Laswell est encore de la partie avec sa basse ronde, lancinante, jouant encore parfois quelques notes proches de la dissonance, aux confins de la nonchalance. Justin Broadrick, guitariste de Godflesh, Napalm Death, Scorn et Jesu, rien que tout ça, est donc une légende vivante du noise-indus : ses compositions sont toujours empruntes de tension, pour preuve par exemple sa collaboration avec l’inénarrable Jarboe (Swans) ou encore les drones électroniques qui accompagnent un album des japonais de Mono (une petite merveille). On est déjà avec les deux premiers dans un grand écart improbable. End.User, est lui un des fers de lance du breakcore, issu de la jungle qui s’est énervé et du hardcore dont il garde la hargne, Submerged du label drum and bass Ohmresistance (dont il est l’initiateur), un admirateur de Bill Lasswell donc, et Dr Israel figure du reggae dub punk l’accompagnent. Pour que la coupe soit pleine, entendez par là d’ajuster une puissance de feu supplémentaire, au cas où…, vous verrez que deux batteurs ainsi qu’un homme-machine ont réussis à entrer dans le studio aussi ; autant dire que c’est de l’artillerie lourde, très lourde.
Cela donne un disque très dense en matière, et fluide par la maîtrise des textures utilisées : on alterne entre puissance, moments planants, chants scandés… rage et éther se succèdent pour enchaîner des paysages plutôt que de bâtir un monolithe sans aspérités. C’est une œuvre électrique sombre, qui balade ses auditeurs sur des chemins chaotiques qui sont pourtant familiers. On ne s’ennuie pas, on se laisse même bercer ou secouer facilement suivant  les morceaux, oubliant le temps comme lors de ce Descent Destroy d’environ 9 minutes, malsaine lithanie, valse digne des américains de Dälek. Le disque tient pour l’instant l’épreuve des écoutes à répétition sûrement dû à ce grand écart de formes par les musiciens en présence.
De la belle ouvrage et ce n’est pas Rutger Hauer qui me contredira.

L'AUTRE

du son sur:
« blood of heroes », ohm resistance, 2010

lundi 14 mars 2011

FIREWATER - The Golden Hour

En 2004, ce grand sensible de Tod A. s'est fait larguer, et du coup se retrouve sans foyer et un brin fauché. Il ne semble pas non plus avoir apprécié plus que ça la réélection de George Bush II. Il n'en faut pas plus que ça à tout individu lambda du genre masculin pour se mettre à :

- boire comme un trou (et/ou)
- pratiquer le bodybuilding cinq heures par jour (et/ou)
- baiser à couilles rabattues (et/ou)
- entamer tranquillement une dépression qui, à coup sûr, se finirait par l'achat d'un fusil à pompe et d'une poignée de chevrotine dans la poche. Une fois le canon scié, je vous laisse deviner la suite dans les rues animées de New York (remember, Taxi Driver ?..)

Malin comme un singe et pas si paumé que ça, il aura plutôt opté pour la solution que tout gentilhomme digne de ce nom se doit de faire dans ce genre de situation inextricable: tout plaquer avant d'être rattrapé et partir voyager pour une période indéfinie ; le grand truc initiatique quoi. Simplement, il n'aura pas oublié de prendre sa guitare avec lui et une paire de microphones. Son périple l'emmènera tout de même près de 3 ans, de Bornéo à Tel Aviv, en passant par la Thaïlande, L'Inde, le Pakistan et la Turquie où il aura côtoyé des musiciens d'horizons différents.
Le présent opus se veut la transcription musicale d'une longue errance émaillée de moments de doutes, de vide ou de plénitude. Vraie musique de rencontre, fausse musique du monde qui en a heureusement loupé l'écueil, ce carnet de voyage d'instantanés se nourrit de diverses collaborations enregistrées ça et là : musiciens banghra du Punjab, musiciens turcs tziganes ou israéliens. Avec la présence de Tamir Muskat aux baguettes (de Balkan Beat Box, co-producteur du présent album), les structures rythmiques donnent à l'ensemble une certaine cohérence et très souvent une touche truculente.
Un raccourci et rappel historique vient renforcer cette impression : les Roms, d'origine indienne ont lentement migré au cours des siècles pour s'installer en majeure partie dans les Balkans, emportant avec eux leur traditions. Il n'est donc pas étonnant de retrouver une similitude entre certaines structures musicales balkaniques dont se nourrit goulument le style de Tamir Muskat et celles du Nord-ouest du sous-continent indien visité par notre pèlerin sans bâton. La boucle est bouclée ?
A ça il est impossible d'oublier la voix éraillée et l'ironie grinçante de Tod A. , marque de fabrique de Firewater s'il en est, et une bonne dose de lyrisme épique... L'ordonnancement des morceaux suit une trame narrative, et les textes et ambiances mis bout à bout nous racontent toute l'histoire, des raisons qui motivent le voyage, jusqu'au retour un peu désabusé « chez lui » (s'il existe encore), en passant par toutes les émotions intermédiaires propres à un long périple. C'est direct et incisif (« This is my life »), déchirant (« 6.45 », « Feels like the end of the world »), lucide comme toute fuite en avant (« Some kind of kindness », « Three-legged dog ») et souvent enjoué. Même si quelques longueurs se font sentir à mi-chemin, ça n'affecte en rien la dynamique peu commune qui séduit, happe et transporte l'écoute du début à la fin... en mode repeat.

L'album dénote trop des productions précédentes pour ne pas se demander si une suite est possible : on ne se remet pas comme ça de pareille aventure, sinon de continuer dans le même sillage ou d'effectuer un virage à 90, enfin réconcilié avec soi-même.
« The Golden Hour », l'heure bleue donc, est cet instant ténu en fin de journée, lorsque la lumière du ciel s'assombrit, le temps s'arrête, le moment magique. Notre troubadour. vieux chien entre les loups la définit simplement comme le moment où il fait un peu moins chaud sous les tropiques, et qu'il apprécie alors pleinement une bière fraiche et une cigarette en rêvassant à regarder les étoiles et la lune, sans trop penser au lendemain.

(ps : aux tout dernières nouvelles, il paraitrait que l'aventure Firewater est loin d'être finie, et q'un nouvel album pourrait sortir dans pas si longtemps que ça )

L'UN

du son sur :
FIREWATER : The Golden Hour. Bloodshot records - 2008



lundi 7 mars 2011

COLLECTIF HAK

Libre cour...
Autant profiter d’un anniversaire pour ouvrir grand la voix !!! Ce n’est pas une resucée de Festen, mais une invitation à aller visiter ce grand potlash qu’est le collectif H.A.K.
En général les cordonniers sont les plus mal chaussés, et je ne suis pas le dernier, alors pour une fois, parlons bien !
Le collectif H.A.K. fête en 2011 ses dix ans d’activisme. Cela représente 220 sorties discographiques, et des monticules de concerts. Impressionnant ? Oui, et pas si compliqué. Car pour arriver à ce résultat, c’est une soixantaine de musiciens qui participent, chacun à son rythme à la vie du groupement. Au gré d’invitations à participer à des compilations ou au montage d’un live, souvent événementiel, les réunions sont souvent magiques, providentielles et joyeuses. Sur des thématiques, avec ou non des contraintes (souvent), les réflexions sur la conception de la musique, ses instrumentariums (bending in progress), l’incidence du temps et de la géographie (utilisation du fieldrecording…) sur l’acte créatif est développé, remis en cause, mis en lumière.
C’est donc aussi un label, qui a édité un roman (épuisé), des vidéos, des expositions, et monté bien des projets au fil des ans et des rencontres. Comment est ce possible au temps de la crise du disque ? C’est juste une réponse à ce monopole d’éditeurs et producteurs pour qui la musique est un fond de commerce, en revenant à la source : c'est-à-dire à la musique comme élément prépondérant voire unique, si on accepte tout le bonheur qu’il provoque. Pas d’histoire d’argent là dedans. Un chemin de traverse pour demain.
Et c’est un retour à la source de la création de la musique aussi, car on entre chez H.A.K. sur affinités. Par des rencontres, en général en croisant le fer sur scène où en prises de son improvisées. On vit et on écrit dans l’instant, décrivant les bases d’une architecture sonore souvent sensible ; instrumentale (incluant vocale), concrète et électronique, elle n’a pas de limites dans l’écriture chez le collectif. Elle est une étape vers la suite qui reste à écrire. Les soirées d’improvisations sont de ces moments d’échanges entre musiciens et avec les publics (Easy Crazy Big Band, Grand Foutoir).
Quelques rencontres prépondérantes ont jalonné le parcours au fil des ans : Albert Marcoeur durant une série de résidences pour aboutir à un live de 50 minutes (Drama), avec comme socle une réflexion sur la narration en musique. Ça peut paraître pompeux, ce fut juste une manière de s’attacher à raconter une histoire, en allant à l’essentiel, en gérant les d’intensités.
L’enregistrement réalisé en 2009 à Grnnd Zero à Lyon de Reu-Reu 2, sur des prises directes improvisées à mis en présence une douzaine de musiciens n’ayant pour la plupart pas joués ensembles. Le résultat est superbe, original, riche en événements, polyphonique et évocateur !
Le travail lié à l’image est une part importante aussi de la discographie. Et celle-ci on la trouve en lives pour partager le bonheur : Maya Deren, Dreyer, Murnau, Keaton, Muehl, Browning…
Et aussi Zoviet Cosmos qui est une anthologie du cinéma soviétique de science fiction des années 50 et 60…et oui ça a existé : belle exhumation, magnifié en cuts créant des courts métrages émouvants, parfois drôle, désuets aussi, nouant des scènes qui plairont aux tintinophiles ainsi qu’au startrekeux ! Sauf qu’ici il n’y a que l’homme face au cosmos, en contemplation, et curieux de découvrir ce qui se trame au delà de l’atmosphère.
Atmosphère ? Est ce que j’ai une gueule d’Alien ?…en tout cas on retrouve dans ce cinéma précédant de 10 à 20 ans 2001 l’Odyssée et Alien, des scènes et plans identiques, sans parler des trames scénaristiques qui présentent des analogies.
Pour conclure ici sur l’intérêt de ce genre d’entreprise, il n’est plus à démontrer, l’auto gestion et l’engagement sont les armes actuelles des musiciens pour vivre pleinement leur passion.
Alors si vous voyez sur un tract un HAK entre parenthèses après un nom (qui vient souvent d’ailleurs, d’ailleurs…) n’hésitez pas à aller rafraîchir vos oreilles avec de la musique libre !


L'AUTRE

ANNIVERSAIRE DU COLLECTIF: LES 18 ET 19 MARS 2011 A GRND ZERO, LYON AVEC:
*:::::::::::::VENDREDI 18 MARS ::::::::::::: *
20 HEURES
SARAH MONN/ Noise miX d'ambiance/ Mont Pilat
EXTRASYSTOLE + NICOLAS DICK/ bandes sons sans images/Orléans/ Marseille
KID PAROTT/ Collage Audio-Diffuseur/ Aubenas
OBSCURANTINE [Victor Jorge & Anton Mobin] / Une odyssée dans la cage/Paris
CARLOS GROENLAND + HC / Friture ciao/ Lyon-Torino
DER KOMMISSAR - DMC/ Friture ciao/ Lyon-Torino




*::::::::::::::::SAMEDI 19 MARS:::::::::::::::*
20 HEURES
EVARISTE CHAMPION + SYL20 / Free Style /VilleFranche/Sologne
THANATO TWIST with OLEG'S SOUND SYSTEM /Désordre Gastrique et Cosmique/Orléans
KID PAROTT/ Collage Audio-Diffusant/ Aubenas
AxDELBOR vs DEADBEAT/ Musique Erroriste/ Lyon-St Étienne
VITAS GUERULAÏTIS/ Dada Psyche Kraut Punk /Brussels
GIGOTON/ Bizarre Dance Mix/Paris