jeudi 24 janvier 2013

Yuichiro FUJIMOTO : "Speaks melodies"

Face à la simplicité désarmante de la musique de Yuichiro FUJIMOTO, le rapprochement avec la forme poétique du haïku semblerait s'imposer même si je ne me limiterais pas à cette seule forme de la culture japonaise, le zen, dans l'acceptation de ce qui est, n'étant jamais très loin. D'un point de vue strictement musical j'irais plus chercher une conversation de circonstance entre la musique concrète de Luc Ferrari et le bricolage ludique d'un Fred Frith, Aksak Maboul ou autre Thomas Belhom (chroniqué dans ces pages...). Carnet de croquis de l'infra-ordinaire, prise de pouls in situ ou pulsation du vent des choses sont tranquillement captés dans l'humilité de l'économie de moyens, que peu de gens savent faire et moins encore, sinon le chat assoupi, savent écouter. Sans vraiment écouter d'ailleurs, musique qui se confond en résonances avec son environnement direct. L'équilibre entre l'instrumentation et le field-recording est ténu et se prolonge en un flux continu, le souffle de l'un entrainant la rumeur de l'autre dans la fluidité du quotidien. Le silence de la pluie et des oiseaux, conversations sans fil autour d'une tasse de thé, grésillements de l'enregistrement approximatif, électronique de petite fille. FUJIMOTO convoque la mélancolie qui s'écoule par delà sa fenêtre, à moins que ce ne soient ses mélodies qui regardent le monde animé par delà le cadre de bois. Musique où profane et sacré s'imbriquent, l'insondable recouvrant le tangible. Méditation heureuse car simple et sans autre objet que la calme fulgurance de l'instant. 

L'Un.

Yuichiro FUJIMOTO : "Speaks Melodies" (AudioDregsRecords. 2012)

on peut écouter les albums sur les grands fournisseurs de musique en ligne.
Quelques extraits sur la page soundcloud.
Site du label AudioDregs

mercredi 9 janvier 2013

CONVERGE "All we love we leave behind"

Après 20 ans de carrière et une bonne huitaine d'albums dans leur sillage, on peut se permettre d'arborer une moue dubitative à l'annonce d'un nouvel opus des stakhanovistes du hardcore-métal « extrême ». Ils pouvaient bien s'accorder le droit à l'apathie, à la stagnation un peu moribonde des groupes cultes qui perdurent, s'entêtent et se mordent la queue n'ayant plus grand chose à prouver, la bedaine naissante.
Depuis l'indépassable Jane Doe, Converge ne s'est jamais reposé sur ses acquis inconfortables, se nourrissant de sa propre matière et gagnant de la sorte en puissance incontrôlée. Retour de flamme du phénix à la tête d'hydre monstrueuse.
« All we love we leave behind » ; les titre d'albums sont lourds de signification chez Converge. Ici, c'est sous la forme d'un constat teinté d'amertume, que Bannon entend expier, la voix claire et criée happée dans un premier « Aimless Arrow » tourbillonnant. Le ton est donné, même si les hurlements rageurs reprennent leurs droit par la suite. Musicalement, la déferlante de technicité et de sauvagerie syncopée balaie objections et inquiétudes naissantes d'un cinglant revers de main, le groupe éclatant le cadre et les codes en imposant un mélange des genres fluide qui ne verse jamais dans l'exercice de style : exemplaires « Trespassed » ou « Tender Abuse » , rouleaux compresseurs épileptiques où se succédent hardcore, métal, trash, rock voire crust en quelques précieuses minutes d'une fureur suspendue. Les rythmes se télescopent à défaut de ralentir et il n'y a guère que sur le caverneux « Coral Blue » que la tension se relâche pour mieux s'engluer dans une atmosphère pesante comme le groupe n'avait pas composé depuis l'éponyme « You fail me ». A défaut de se la jouer et de multiplier les invités comme précédemment, les gars jouent du Converge resserré en quatuor, et maitrisent parfaitement leurs instruments, se permettant du coup de produire un son plus clair et dénué d'effets de studio (qui faisait quelque peu défaut dans le précédent « Axe to Fall »), très proche des conditions du live, alors même que ce grain épais et sale était leur marque de fabrique depuis Jane Doe précisément. La prestation polyrythmique inouïe de Ben Koller à la batterie relève de plus en plus de la performance d'art martial, parfaite colonne vertébrale a vif du groupe.
Toujours plus brutal, claustrophobe, furieux et passionné, sans concession aucune. Toujours plus, comme en quête de cette lumière saturée qui nous fait tant défaut, « All We Love We Leave Behind » se pose en caisse de résonance catharsique à ce monde merveilleusement dégueulasse dans lequel un bon lendemain déchantera toujours. Plus dure sera la gueule de bois.

L'Un.

CONVERGE : "All we love we leave behind" (Epitaph. 2012)

CONVERGE CULT, le site du groupe et l'album en écoute intégrale.
Et un extrait video de leur concert à l'Astrolabe, Orléans