lundi 28 juin 2021

Jon HASSELL : "Fascinoma"

 R.I.P 22/03/1937 - 26/6/2021...

 

Avec la classe feutrée d’un dandy trop discret, Jon Hassell promène sa trompette toute en retenue dans les méandres d’une fusion musicale qui oscille entre électronique, avant-garde (il a été élève de Stockhausen…) et les prémices d’une world-music qui ignorait cet étiquetage. Une démarche qui l’aura amené à fréquenter les avant-gardistes Terry Riley ou LaMonte Young, et,  bien évidemment, à tomber en extase durant un concert du Miles. Cette approche ouverte de la musique et du son aura (entre autres) impressionné Brian Eno avec qui il collaborera de manière régulière : « Fourth World Possible Music » reste un des incontournable de la musique ambiante. Les Eric Truffaz et (peut-être…) plus indirectement Bohren & the Club of Gore lui doivent beaucoup… C’est juste après l’écoute de ses plus récents albums et leur complexité assumée que j’ai découvert ce Fascinoma. Bien que daté, il se pose en parfait contrepoint discordant de l’ensemble de son travail : au tournant des années 2000, pendant que nombreux s’engouffraient dans une débauche d’artifices de production, Jon Hassell, placide, tourne le dos et se contente de tout débrancher. Un micro dans une église et un accompagnement des plus squelettique. Décharné jusqu’au point de rupture que seul le souffle et les silences de la trompette maintiennent au bord d’un abime en clair-obscur. L’album commence par une reprise déliée du mythique Eden Abhez (Nature Boy), qui pose clairement la démarche du trompettiste. On trouvera aussi un hommage des plus minimalistes à Duke Ellington avec son Caravanesque. Le bourdon d’un tampura indien hante ce nombreux morceaux et quelques autres comme en écho lointain aux enseignements de Pandit Pan Nath qui auront profondément marqué l’artiste. Pour le reste, la présence des percussions, guitares (dont celle de Ry Cooder…) ou autres pianos se fait à l’étouffée, comme avec une sourdine de trompette. L’ambiance est plus méditative et profonde que sépulcrale. Peu de trompettistes, après Miles Davis et son In a Silent Way, seront allés aussi loin dans le questionnement introspectif de leur instrument ; Jon Hassell use d’une simplification extrême et radicale pour ce faire, sans jamais remettre en cause le parti-pris de l’élégance.

 

L'Un.

 

 

mardi 22 juin 2021

MAMALEEK : come and see

 "nobody is interested in your contrition, they are only interested in your admission" E. Robinson

 

Prétendre écrire sur la musique c'est en gros :

- Epater sa galerie en dénichant des trucs merveilleux à pas piquer des hannetons.

- S’étonner de rester émerveillé à continuer de dénicher des trucs merveilleux

- Chercher un éternel chaînon manquant entre 2 trucs merveilleux

 

Et quelque part, MAMALEEK réunit ces 3 conditions. Même si on peut sérieusement douter que la galerie en question va se pâmer à l’écoute de ce brulot musical. Que, passé l’émerveillement étonné, la suite risque de virer plombant. Pour la 3° condition, cependant, on sait qu’on tient là la très rare rencontre entre disons, le JESUS LIZARD des grands jours de scène, et un Tom Waits à l'humeur caverneuse. Pas à piquer des vers ça… Une quatrième condition, non dite celle-là, qui se voudrait d’éviter les comparaisons et un name-dropping abusif. Mais c’est peut-être ce foutu  étonnement (encore) émerveillé qui neutralise cette capacité à se dépasser dans la rédaction de cette chronique qui commence déjà à tourner en rond. Les gars de MAMALEEK, eux, ne semblent pas connaitre ce problème de limitations, le groupe se réinventant continuellement au fil d’albums cathartiques et exigeants qui explorent les genres et les sous-genres de l’underground (un peu  comme les insaisissables HEY COLOSSUS…). Reste que ce dernier album est peut-être le plus abouti et surtout il est.... accessible... pour qui a le cœur à explorer ce microcosme torturé et claustrophobe. Car dès les premiers accords, on sait qu’on s’embarque pour un trip légèrement hors-norme et éprouvant. C’est un rock lourd, tout en circonvolutions avec ses structures alambiquées, qui vous trimballent, vous remuent, mais vous tirent inexorablement vers le bas. Une alternance finement dosée entre élans fulgurants et colère rampante qui n’est pas sans rappeler la patte arty du maintenant mythique label Skin Graft (on pense très fort à COLOSSAMITE…). Un style assez direct et peu d’arrangements : on sent que les compositions ont pour finalité à être recrachées sur scène : car là doit se situer la finalité des gars de MAMALEEK, à chercher la confrontation de tous les instants avec un auditeur déjà mal à l’aise. Et là on pense OXBOW, très fort, avec ces riffs cathartiques qui tournent en rond et s’embrasent pour porter les vitupérations existentielles d’un chanteur qui, à défaut de prendre la scène pour un ring de boxe, se plait à prendre par les couilles son auditoire aviné. Le slip kangourou en moins. 

On tient peut-être là un spécimen bien marqué de front-rock expiatoire.  Option poids-lourds cagoulés et grands sensibles, loins d’être bas du front.

 

 

L'Un.

 

 

MAMALEEK : come and see (MilkyClear WithRedSplatter. 2020)
 

mardi 8 juin 2021

SPECIAL INTEREST : Trust No Wave

Né dans le bayou il y a quelques années, le quatuor enchaîne les gimmicks tubesques. Une composition machines-guitare-basse-chant construit cette machine à danser sur une attitude punk rock. On s'attend toujours à voir surgir de la Louisiane des Brass bands à tirer des larmes ou une country poisseuse. Loin s'en faut, et ce n'est pas une funk endiablée qui sert de modèle mais un mélange incisif de thèmes simples, évidents et épurés habilement surgies de tempos nés de boites à rythmes, dans lesquels se glissent une basse claquante et une guitare aux accords hachés, des samples et des touches de synthés rageusement plaquées, accompagnant la voix tantôt suave, tantôt éraillée de la chanteuse. On se laisse prendre au jeu de taper du pied sur Disco, de s'étonner de cette basse très 80, quelques notes simples dans une réverbération, une profondeur parfois cryptique. On comprend le « no wave » évoqué, et si bien digéré. Ancré dans l'atmosphère brutale d'une festivité désespérée, ils auraient pu naître dans une banlieue de grande ville ouvrière anglaise... Un mini album 8 titres Spiraling en 2018, puis un album The Passion Of (qui a eu une version remixée en janvier 2021), et ce mois une exhumation de démos et de quelques inédits. Si la qualité sonore n'est pas au rendez-vous de cette compilation, elle rend tout de même compte d'une authenticité ainsi que du côté abrupte des compositions. On y trouve quelques uns des tubes des deux précédents (ATC, Disco, I'll never do Ketamine Again, et Dicease noyé dans la réverbération et les cris !...) où l'atmosphère de répétition se sent par l'absence de traitement' et la dynamique qui n'est là que par le jeu efficace et simple. Une manière de dire peut-être « attention, fin de la pause sanitaire, on est prêt à tourner et ça va dépoter ! ».

 

    L'Autre

    Special Interest : trust no wave, the 2016 démos (mai 2021)