lundi 28 mars 2016

GUM TAKES TOOTH : Mirrors Fold




« quand le son devient aigu, jeter la girafe à la mer »  (H. Michaux)


Bang ! avec ce nom improbable qui vous en colle une dans les dents. Bam ! Bam ! une batterie toute en lourde syncope hallucinée. D’en reprendre une baffe, les nerfs de l’auditeur soumis à rude épreuve : fréquences sombres d’un ayahuasca de synthèse à la formule encore instable.  Bang on a can : trip motörik peuplé d’elfes mutants accrochés à de gibbeuses montagnes russes. La mélodie suave est absente, les nappes entêtantes et les  boucles contrariantes omniprésentes. Transe sournoisement  chamanique misant sur la puissance frontale de la pulsation primitive constamment relancée. L’appel de la forêt  est à peine déguisé sous les pulsions de jungle urbaine . Un power-duo londonien dont il faut chercher les inspirations dans la technicité des Nomeansno (plutôt que dans la spontanéité potache des Lightning Bolt), le mysticisme extatique d’un Guardian Alien ou la transe modulaire du bien nommé Robert Aiki Aubrey Love, lorsqu’on aurait tendance à les rattacher par défaut  à la  déferlante rétro-futuriste synth-pop qui a tendance à pulluler comme du chiendent sur les bas-côtés ces derniers temps.
Bam ! largement de quoi cramer vos derniers neurones sur les dancefloors miteux d’arrière-salles à peine tropicalisées entre 2 punks à chiens et trois hipsters avisés.
Power : Love & Entropy.

L'Un.

Gum Takes tooth "Mirrors Fold" (Tigertrap. 2014)



dimanche 13 mars 2016

T.O.C : "Qeqertarsuatsiaat"



T.O.C, (pas si) loin des troubles compulsifs, résume sobrement l’association de Jérémie Ternoy, Peter Orins et Ivann Cruz. Le trio pousse le spectre de ses instruments acoustiques dans les tensions de leurs retranchements intimes. Le voyage proposé trace ses sillons dans la dissonance et la retenue introspective, titrant ses errances de noms de villes aussi imprononçables (Qeqertarsuatsiaat, Baruun-Urt ou autre Wakkanai…) que la musique ne se veut linéaire et accessible. Exotisme de poussières  et de petits cailloux semés là, dans le creux de la chaussure ou de vos tympans.  

La sensation de bricolage improvisé ne dure que le temps d’une écoute : la maitrise concise du trio revêche met très clairement ses intentions en valeur, les moyens employés se dessinent en temps réel, offrant à l’entropie initiale un cadre à la fois en tension et en suspension.
Les effets des instruments restent strictement acoustiques, l’électricité des albums précédents soldée au profit des étincelles de pierres à silex entrechoquées : foisonnement confondants de cliquetis, bourdonnements, d’accords étouffés, de cordes frappées, peaux pincées, sourds grommellements mélangés comme autant d’amorces de pistes possibles. Chaque morceau-ville de confins (comme d’autres citent des noms d’oiseaux…) pose à plat les divagations asynchrones qui se cherchent, se tirent la bourre et se rattrapent, emportées vers une direction affirmée qui se dévoile à nos oreilles effarées.
Filigranes éparpillés d’un groove rare et anguleux qui tisse sa trame et s’inscrit dans une évidente essence du (post-)cool. 

L'Un

 T.O.C : "Qeqertarsuatsiaat" (CircumDisc. 2015)