mercredi 19 juin 2013

Chris ABRAHAMS : "Memory Night"

Un titre qui invite à la rêverie, une photo de pochette dans l'esprit du label ECM ; savoir en outre que Chris Abrahams officie depuis des lustres comme pianiste au sein du trio post-jazz The Necks, ne va en rien aider à l'appréhension de sa toute dernière production, atypique s'il en est. Car du jazz, il n'en aura gardé que l'esprit, sa pulsation, de The Necks, d'hypnotiques réflexes pavloviens de continuum, et du piano, quelques notes éparses quand il ne s'ingénie pas à le découper méthodiquement à la scie à métaux ou au chalumeau comme le premier morceau « Leafer » le laisserait entendre. Car Memory Night est une musique d'exploration iconoclaste, un projet solo qui prend sa place au sein de la grande tradition des musiques electro-acoustique à la fois savantes et un brin pince-sans-rire. On pense à Nurse With Wound, Hafler Trio voire Z'ev (pour l'aspect percussif « industriel »), mais ce ne sont là que des balises auxquelles notre auteur ne se reconnaîtra en rien, ce genre de musique se voulant précisément idiosyncrasique. Ainsi au gré des morceaux, une vaste palette de techniques et de sources sonores sont sollicitées, de l'electronique pure, aux captations sonores directes, avec une prédilection pour un traitement sonore rigoureusement rugueux de ces sources , que ce soit en boucles, strates, textures ou collages. Une mise en place lente et résolue, systématiquement organique, à la croisée de chemins ouverts et fragmentés. Myriade de cliquetis et de frôlements que ponctuent décharges d'infra-basses, manipulations d'objets qui se perdent dans la cinématique décomposée, là où d'autres parleraient de glitch. Le piano (ses notes éparses), histoire de rapprocher d'Alva Noto+Sakamoto qui seraient un tant soit peu sortis de leur réserve minimaliste. Memory Night, sans nous perdre, sinue dans un envoûtant travelling frontal et statique. Rarement petite musique de nuit ne s'en était à ce point éloignée, pour se figer dans la profondeur de l'acte rituel. Alors à la question de savoir à quoi pense un pianiste de jazz qui a du vague-à-l'âme, on est tenté de souffler la réponse : probablement à rien ma bonne dame, sinon à « ça ». Disque de chevet.

L'Un.


Chris ABRAHAMS : "Memory Night" (Room40. 2013)





mardi 11 juin 2013

Boards of Canada : Tomorrow’s Harvest



Ce qui fait la marque de fabrique du nouveau BoC, ce sont les nappes de synthétiseurs. Millésimés F.S.O.L., lorgnant vers des puretés à la Eno, petits gimmings en boucle faisant penser aux Pink Floyd… pas d’effets inutiles donc, nous restons dans ce qui caractérise d’habitude des artistes, la recherche d’un équilibre inspirant à l’auditeur la douceur sous toutes ses formes. On observe l’étirement des phrases, les lentes mises en place, les décalages qui vont répondre à des batteries minimalistes. Se suivent donc les morceaux éthéré de ce nouvel opus, sans débauche de technologie.

Le pitch s’utilise avec parcimonie mais tout de même, on sent que l’école anglaise post ambiant est passé par là : sur Sick Times le bien nommé, le pitch déscéllère certaines nappes de synthé donnant un effet de retenu, voire de roulis, d’où le « sick » du titre…certaines couleurs rappellent aussi U ziq, chantre de cette électro anglaise du début des 2000, stylée, classieuse...

Jetez vous sur ce disque, un certain easy listening né de bribes de sons proches de territoires connus, mais nourri de leur propre chair, celle luisante d’un digital mêlé de l’analogique des années 70.
Ils connotent des vapeurs d’une fin de soirée, un matin calme, une mer d’huile après la tempête. Un souffle sans renouveau, mais avec une belle personnalité.

L’autre

sorti juin 2013, Warp