mardi 17 octobre 2023

GELD : Currency // Castration

"public castration is a good idea" (Michael Gira) 

 

C’est vrai qu’on n’entend pas souvent parler de la scène hardcore punk australienne, les nouvelles provenant des antipodes ayant toujours autant de mal à circuler malgré l’invention d’internet depuis plus de 30 ans… Mais là c’est à coup de catapulte que l’info a dû arriver par chez nous. Ce sous-genre musical (et toutes ses variations subtiles et légères) n’a certes jamais été avare en fulgurances et autres poussées d’hormones, mais c’est rare de nos jours qu’un groupe parvienne à cocher tous les critères qui le placeront juste au-dessus de la mêlée. Là, nos kangourous sur ressort piétinent littéralement la tronche blafarde de pas mal de leurs coreligionnaires. C’est pied au plancher qu’ils nous délivrent un hardcore brutal et rampant qui doit plus aux pionniers des années 80’s qu’aux récentes déclinaisons métalleuses . Des soupçons de d-beat (Dischaaaarge !), quelques éclats de grindcore teintés d’un death n’roll bien noisy  - ou nauséeux selon l’humeur. L’approche est bien frontale et débarrassée de toute prétention sans autre féroce prétention que d’aller s’encastrer dans le mur du son. Peu de répit, si ce ne sont un ou deux morceaux mid-tempo, le principe retenu est l’agressivité maximale, desservie par une complexité rythmique sans ouverture et un art du riff qui rappelle souvent Poison Idea. Et tout ça dans une cavalcade à couilles rabattues couverte par une voix grésillante de goule encapuchonnée. La production est sous pressée, le grain crade histoire de restituer l’urgence viscérale qui hante l’enfilade de morceaux. Rien de franchement innovant, pas de message spécifique à cracher au monde, juste le plaisir de délivrer une énergie sauvage parfaitement canalisée. La réussite de cet album vient peut-être du fait qu’il réside quelconque menace indicible, cette part de démence additionnelle qui manque à l’immense majorité de groupes qui se contenteront d’une qualité d’exécution au cordeau. Avec Geld, on sent qu’on est toujours prêt à faire péter ce cadre. Toute la nuance entre les pyjama parties d’étudiants et une petite séance de castration entre amis.

 

L'Un.

GELD : "Currency // Castration (Relapse. 2023)

mardi 3 octobre 2023

NATURAL WONDER BEAUTY CONCEPT (aka Ana Roxanne & DJ Python)

 “Riders on the storm”

 

 

Natural Wonder Beauty Concept, ou la rencontre de deux solitudes.

Deux musiques de chambre.

 

En 2020, la voix éthérée et apaisante d’Ana Roxanne figuraient bien sur ma to do list de sortie de confinement. Mais que voulez-vous, éloge de la paresse… De DJ Python (aka (Brian Piñeyro) en revanche je ne connaissais rien de son électro-reggaeton au groove de salon finement ciselé. Pas beaucoup de storytelling brodé autour de leur collaboration qui pourrait expliquer cette synthèse modulaire east-coast/west-coast. Peut-être que calme et minimalisme en sont les dénominateurs communs. Mais la somme de ces deux idiosyncrasies bien campées ne débouche pas sur la simple superposition de leurs écosystème respectifs. Le résultat est plus fouillé, avec ses accents candides de dream-pop de chambre d’étudiant.e blafarde (trip-hop même avec l’envoutant « World Freehand Circle Drawing » ), d’IDM lumineuse bricolée avec les 3 bouts de ficelles réglementaires et solidement assemblée. Une certaine idées des années 90’s s’invite, avec ces petites touches illbient, electro-dub voire jungle (avec l’amen-break du morceau éponyme) : on peut penser à Cibo Matto, Seefeel, ou les contemporains  de HTRK. Pas de limite imposée par leur retenue de façade douce-amère : ici on explore les ambiances, qu’elles soient foisonnantes, cafardeuses ou nimbées de mystère vaguement planant. Trouble gênant aussi quand Brian Piñeyro se met à nu pour la première fois en posant sa voix fragile et presque adolescente sur « III ». La voix d’Ana Roxanne est quant à elle traitée, triturée ou posée en nappes à la manière d’un instrument. Elle chante aussi, susurre ou psalmodie avec cette grâce insaisissable et altière.

 

Deux musiques de nuit qui se croisent, contemplatives, des instants graciles. 

 

Une histoire en forme de ligne blanche à tracer en quittant les lumières de la ville, à scruter d’autres cieux immobiles. 

 

 

L'Un. 

 

NATURAL WONDER BEAUTY CONCEPT - S/T (MexicanSummer 2023)