Bon.
J'ai bien vérifié et re-vérifié sur d'autres blogs, dans la presse, et tous sont unanimes, globalement élogieux, bercés par la béatitude admirative de ceux qui savent. Alors je l'ai réécouté plusieurs fois : dans le train, en ville (avec un casque...), avec des enceintes de bonne qualité et à des niveaux de son (et d'écoute) variés.
Rien.
D'attendre le déclic.
Bon.
Pas facile de naviguer à contre-courant par les temps qui courent. On vous catalogue vite de vieux con aigri et (horreur) has-been.
Encore moins facile lorsque l'on considère que Brian Eno est un maître en son genre et qu'il a été une influence musicale importante entre son concept de musique ambiante théorisée et développée au début des années 80's et sa pop bricolée, libre et farfelue des 70's.
Ma perception de l'environnement sonore fut à jamais modifiée un mercredi après midi de mai 1989 après une demi douzaine d'écoute en mode continu de l'éthéré « Thursday Afternoon ». Et la topographie sonore de «On Land » qui n'a jamais réellement quitté la position enviée de disque de chevet depuis plus de 20 ans...
Dur de s'y coller donc, le mieux étant de régler ça à la loyale, c'est à dire avec des gants... plutôt qu'à renfort de marteau-piqueur.
Après une longue période de production toujours discrète et très inégale, on annonce triomphalement et à raison que le vieux tigre de papier a rejoint les jeunes agités du label londonien WARP. A posteriori, cette collaboration inter-générationnelle prend tout son sens, hommage à celui qui aura (toujours discrètement mais sûrement) marqué de son empreinte le monde des musiques électroniques tendance cérébrale. Au vu des exigences de Warp en matière de qualité, il n'y a plus qu'à foncer tête baissée, casque sur les oreilles.
La première écoute est loin d'être désagréable même si une nette impression d'hétérogénéité et de déjà vu s'installe insidieusement. C'est peut-être là qu'il fallait s'arrêter pour pouvoir rédiger les éloges dithyrambiques tant attendus....
Les trois premiers morceaux, à grand renfort de nappes de vieux synthés planant se posent un peu en clin d'oeil délibérément ringard aux productions ambiantes des années 80.
Puis, comme sortis de nulle part et sans vraiment savoir où ils vont, s'ensuit une petite série de morceaux vaguement technoïdes, superpositions complexes de strates menaçantes, héritiers actualisés d'un certain Krautrock.
Si « Flint March » est franchement lourdingue, « Horse » et surtout « 2 forms of Anger » sont résolument en phase avec leur époque et la philosophie Warpienne.
Puis la tension redescend lentement, douce lumière nappée de cette réverbération aérienne typique, et laisse place à ce qu'Eno sait faire le mieux : un ambiant dense mais de bonne facture (« Lesser Heaven »...), un peu angoissé (« Calcium Needles »), qui culmine avec « Late Anthropocene » ou le morceau caché, aux textures riches et fouillées que ne renieraient pas les contemporains et disciples Loscil ou Pan-American.
La quasi-totalité des morceaux pris pour eux-mêmes reste pertinente et on tient du très bon Eno, en se demandant toutefois si les passages les plus agités ne sont pas une tentative pour rester dans le vent des choses ; plus précisément celui de la modernité.
Mais c'est surtout cette enfilade hétéroclite d'ambiances différentes, et inachevées qui confirme la première impression et laisse sur sa faim. On a à faire à une sorte de carnet de croquis, d'ébauches sonores, où chaque morceau pourrait se poser en une idée, un concept à lui seul à développer dans beaucoup plus de temps et d'espace.
Là où cette formule de petites vignettes sonores marchait très bien pour « Music for Films » auquel « Small Craft... » se réfère peut-être trop souvent, l'alchimie ici opère de façon partielle.
Pour être lapidaire, on tient avec cet album, la version moderne et indécise d'une énième reformation de Tangerine Dream (...je n'ai PAS dit Jean-Michel Jarre !!), associée au bon et au moins bon de Can, qui s'essaierait à convoquer le meilleur du Brian Eno avec les raccourcis technologiques que nous permet notre époque.
Fair play oblige, de vous laisser méditer sur cette phrase du Maître histoire d'ouvrir ou de clore le débat : « L'idée qu'une musique qui reste irrésolue engage l'auditeur dans un chemin créatif m'est restée » .
Un disque de propositions donc ?
(assorti d'une pochette bien craignos...)
L'UN
du son sur :
BRIAN ENO - Small Craft on Milk Sea (Warp. 2010)
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