vendredi 18 mai 2012

UNSANE: Wreck


Rien ne change, l’effondrement du système se poursuit, consciencieusement. De chute en dévastation, les sonorités restent les mêmes, les cris sont des hurlements, le déchaînement exponentiel engendre de nouvelles fractures, de nouvelles colères.
Bâtir son œuvre là-dessus a contribué à ce que nous regardions ce nouvel album d’Unsane avec l’émotion de recevoir une lettre d’un frère d’armes. Surgit dans les années 90, le trio a d’entrée basé son travail sur un son puissant, au confins de la noise et du métal. Nombreux furent les musiciens à se prendre une claque lors de leurs concerts violents soniquement, attisés qu’ils sont (encore) par les distorsions de la basse et de la guitare, traînantes et porteuses de courtes mélodies de Fender, d’une voix écorchée, le tout appuyée par une incroyable batterie de bûcheron.
Bûcheron oui, mais d’une finesse étonnante : car la force se trouve ici dans le choix précis des moments où la caisse claire claque, où des roulements vont changer la rythmique, contrairement à ce que font beaucoup d’autres dans une recherche technique et une surenchère. Notre bûcheron s'ingénie à produire des allumettes avec un séquoia...
Pour la petite histoire rappelons que la batterie est tenue par Vinny Signorelli, ancien batteur des Dots, puis des Swans et Foetus, rien que ça.
Leur blues à eux vient des tripes comme tout bon blues. Et tant qu’ils continueront à hurler le mal être d’une génération, leur musique continuera de se manifester au creux de nos âmes jusqu’à ce que cela change. Enfin quand on entend ça, on a carrément pas envie que ça change… au cœur même de l’album, ils enquillent un hommage à l’hymne « hahaha » de Flipper combo défunt (partiellement) que certains survivants souhaitent faire revivre ; pas de revival ici, une réaffirmation que la génération des groupes hardcore made in 90 en avait à dire. Ouf on est rassurés !
La seule différence est l’élaboration d’un son extrêmement travaillé sur l’instrument, justement retranscrit dans les enregistrements, fidèle adaptation de la scène. La chose n’était pourtant pas entendue dans les premiers albums. Toujours est il que depuis deux décennies, des centaines de concerts, un line-up stable a écrit une page de l’histoire du rock. Il y a eu quelques tentatives parallèles, qui malgré les personnels participant faisant partie du gratin (comme dans Celan) le résultat peinait à me convaincre sur disque. Ils ont bien fait de se concentrer finalement sur Unsane !
Dès le premier morceau, on retrouve l’efficacité remarquée dans l’album Scattered, Smothered & Covered. Certaines phases sont d’ailleurs proches d’un Scrape. Stuck montrera plus loin que les nymbes peuvent parfois être proches d’eux, que générationnellement ils furent frangins des Melvins et Nirvana, et bien évidement de Neurosis, que l’énergie produit la technique, et que la respiration et les silences produisent l’émotion.
Les voilà donc posant leur rock puissant, souligné par un harmonica sur No Chance, avançant inexorablement et lentement, comme le rouleau compresseur qu’il sont. L’image n’est pas usurpée ou même affadie : il y a quelque chose de violemment implacable et féroce dans cet abattage qui ne laisse le terrain que transformé. Un vide sans vrai silence, une résonance fantôme. Le souffle intérieur de l’ancien monde moribond.

L'Autre

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