Ils
en est deux à faire régulièrement parler d’eux, et pas forcement dans nos
contrées malheureusement ; mais tel le serpent de mer, la créature
fantastique du loch Ness (ou plutôt du loch Lomond capitaine), ils se
rappellent à nous par leurs apparitions, toujours ahurissantes par l’univers
fantasque si particulier qu’ils proposent. Les Double Nelson se sont attachés
durant plusieurs décennies à transporter de lieux en lieux leur concept :
leur imaginaire fantasmagorique habillait chacun des endroits de concerts *, à
l’aide de toiles peintes d’êtres bizarres venus d’ailleurs **, de vidéos
maison, et de lumières bricolées, à nul autres pareils.
Leurs
compositions sont de petites mélopées courtes, où un fil est présenté et
développé pendant le temps juste nécessaire à comprendre l’intention, le
groove, s’attacher aux samples, à un riff qui va s’entêter à rester au creux de
l’oreille. A l’heure où un nouvel album est prêt, mais tarde à sortir faute de
label, je voulais revenir sur leur parcours atypique, respecté jusqu’au Japon,
un peu oublié chez nous. Je vous propose cette interview réalisée il y a quelques
années déjà, de ce binôme de bricoleurs qui ont inventé la machine à groover
autrement…
« Il existe des
groupes uniques : leur démarche, leur son, leur longévité, leur créativité
les placent direct au dessus du panier à crabes. Quand ils ont l’avantage
d’être attachants, déterminés et généreux, on touche à l’exception ;
pourquoi tant d’engouement pour un groupe qui est méconnu ? Parce que
justement ils le sont, et injustement en plus ! Ils sont inclassables, ce
qui dérange, notamment les gens qui ont besoin de repères pour chercher à
comprendre une musique : leur force aux Double, c’est de la vivre leur
zique. J’ai croisé leur route plusieurs fois déjà, et souvent je me dis :
pas encore assez. Je ne cesse de remarquer leur abnégation à passer au-delà des
épreuves, et toujours avec le sourire. Oui, la longue route du rock n’roll est
semé d’embûches, mais si on sait la prendre, elle est la plus généreuse dans ce
qu’elle réserve comme bonnes surprises. Et une rencontre avec les Double, Gaze
et Pasc, en est toujours une. Ils tournent régulièrement et discrètement :
jamais eu de grosse structure, de major, et pourtant leurs albums s’écoutent
aux Etats-Unis, au Japon, en Europe jusque centrale, et ça joue, tout à la
main, à l’ancienne, tout à fond.
Ils ont démarrés à 3, jouent
à 2 depuis quelques années, en utilisant grandement les machines car leur vie
est citadine, urbaine. Ils ont sortis 8 albums en comptant un mini, avec
toujours des pochettes terribles, composées sur de l’imagerie de rêve un peu
angoissant, ou de la science fiction bizarroïde. On retrouve bien cet univers
sur scène, mais avec une bonne grosse dose d’humour. C’est important de
déconner sérieusement. C’est dans ce contexte sans cesse renouvelé que j’ai eu
l’occasion de poser quelques petites questions pour illustrer ma position
vis-à-vis d’eux et donc de leur formation puisque c’est un tout, unique,
puissant et sans complexe ; une chronique disait : « musique
inclassable, c’est pour ça qu’il n’ont rien à perdre même pas une étiquette aussi
respectable soit-elle ; c’est peut-être pour ça qu’ils paraissent
invulnérables ». C’est pas tous les groupes qui peuvent se vanter d’avoir
de la description comme ça, non ?
La formule double ?
Gaze : les concerts
toujours en doublette, pas de réembauche de personnel : la formule
classique, c’est basse-batte, voire 2 basses, 2 guitares, ou percus-batte. En
fait on est rythmique grave.
Le style double ?
Pasc : On fait du
Double ! On sait ce qu’on fait pas…mais c’est pas sombre ; sur disque
oui, mais sur scène non, on a plutôt tendance à bien rigoler et ça se
sent !
G : Les racines, le
style, ça fait 18 ans qu’on les a digérés. C’est plutôt indus, juste pour le
côté urbain. Nancy nous a influencé pour le côté frontalier : il y a plein
d’échanges avec l’est, notamment à l’époque où l’on a démarré, c’était la
musique industrielle et ça nous a méchamment imprégné. Y’a pas de démarche
intellectuelle dans DN, on est rock, et y’a des questions qu’on ne se pose pas.
On fait tout ça parce qu’on aime ça et on s’en fout de savoir si ça une
influence. C’est pour nous et ceux qui nous écoutent.
La scène par rapport aux
disques, c’est comment ?
G : Pour 80% de notre
production discographique, c’est enregistré à l’appart, au casque ; donc
après, tu te retrouves sur scène avec des amplis, une batterie, faut remanier
la chose…pour générer des sons faits par deux personnes. Les disques sont plus
sophistiqués, plus ambiants, et sur scène c’est plus brut, plus minimaliste,
avec du son parallèlement à ce qu’on fait.
En fait vous jouez
pas !
G : On est beaucoup
plus bruyants que la machinerie ! le but du jeu c’est de prendre plus de
place que les machines. Ça reste très live !
et la déco ?!
P : Moi, j’suis pas
d’ac du tout, c’est imposé ! (rires)
G : On est que deux
sur scène, alors la déco c’est la grosse ingénierie : ça prend de la
place, autant que nous visuellement. Aussi parce que les morceaux ils sont là
pour générer des ambiances qui te rappellent des histoires ; et que ça
fonctionne quand tes yeux collaborent à te faire rentrer dans ces histoires
sans paroles. Mais toujours en arrière plan, c’est juste là pour emmener. C’est
le gars qui nous fait les pochettes, Manu qui s’occupe de peindre les toiles (un
lot de toiles super grandes, genre 4m x 6m en un nombre conséquent, suffisant
pour habiller une grande salle dans son ensemble : le but à atteindre,
faire que le public quand il pénètre le lieu ne le reconnaisse pas, et qu’il se
trouve d’entrée plongé dans l’univers des Double. C’est à peu près 4 heures de
montage par date avec vraiment une sensation particulière de plaisir quand tu
vois la gueule des gens qui t’accueillent au fur à mesure que tu installes, te
dire, c’est géant ! ndr). Ce sont des choses assez ambiantes, climatiques,
comme si tu retranscrivais ce qui se passait dans un microscope à une échelle
super-balaise.
parlez nous de votre site :
une visite de votre appartement pour découvrir le lieu d’existence des Double.
G : des vidéos de
potes et de nous. Tu sais on emprunte une caméra et c’est parti, on développe
une idée ; c’est facile à faire. Et puis y’a les histoires du Pasc :
c’est des fois sans queue ni tête. C’est drôle avec un mélange d’univers
étrange et SF. C’est le produit de son cerveau malade !
(Et puis y’a matière à
voir, écouter, et possibilité d’acheter la disco totale des Double Ndr).
Alors surveillez la route,
ils sont dessus... et ils ont fait peut-être « moins de stations
services que Prince mais plus que les Sex Pistols ! ».
L'Autre
*
du temps où la diversité des lieux de diffusion n’avait d’égal que le
militantisme bigarré de fantasques inconnus.
**
du temps où on pouvait facilement mettre de la déco dans les lieux de diffusion
sans craindre l’ire de monolithiques E.R.P.s.
www.doublenelson.fr.st
http://www.youtube.com/doublenelson
Tags :
indus, rock, électronique, groove, interview,
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