En
ces périodes de pause estivale, il est peut-être temps de ressortir des poches
percées, quelques perles glanées lors de
quelques courts séjours hivernaux dans la belle Istanbul, destination
touristique de choix s'il en est. Ça ou bronzer idiot, le cul à l'air tartiné
de crème à frire ; autant le faire avec un peu de musique...
Loin,
très loin la prétention de dresser un tableau exhaustif de la musique turque.
Pour ça, il y a des médiathèques de quartier aux rayons bien fournis et des
petites échoppes à kébab qui se feront un plaisir de vous fourguer les derniers
titres de pop turque aussi fondants que le loukoum national.
Mais
quelques musiques de par là-bas qui restent toujours confidentielles passée la
frontière fictive du Bosphore entre Orient fantasmé et Occident ethnocentré.
Des artistes plus ou moins contemporains qui s'écartent légèrement du cliché à
casquette et moustaches qu'on colle généralement à tout ce qui est estampillé
« turc ».
D'un
premier voyage dans les alentours, j'ai eu le malheur de ramener un cd
défectueux de musique classique perse chopé in-extrémis à Téhéran, pendant
qu'un hacker essayait de débiter ma carte de crédit online... Pour me
consoler du séjour écourté, la mauvaise idée était de croire que le son
d'Istanbul et de la Turquie
moderne résidait dans ces compiles de pseudo electro-orientalisante pour bars
lounge en série où on se fait chier un verre à cocktail dans la main (East to
west, vol2). La compile Doublemoon remixed est beaucoup plus pertinente
et d'à-propos entre arabesques et modulations electroniques.
Auparavant,
j'avais tout de même un disque de Sivan Perwer, ménestrel
Kurde vivant à Paris dont la musique, assimilée au P.K.K, est proscrite en Turquie (j'en ferais
l'embarrassante expérience dans un bar d'Erzerum, que je croyais à tort être un
bastion kurde). C'est du blues qui est proposé là, quand dans sa voix et son saz (luth), transpirent
toutes les luttes et les tourments de son peuple. Criant. Sinon, les hollandais
punks de The Ex, toujours à la recherche d'un exotisme avisé, reprendront dans
chacun des deux albums en collaboration avec le violoncelliste Tom Cora, un
morceau d'Ismet Siral et une chanson traditionnelle (the Ex & Tom Cora :
« Scrabbling at the lock » et « and the weathermen Shrug their
Shoulders »). Ils avaient aussi collaboré le temps d'un 45t et quelques
concerts avec un autre kurde en exil, Bräder, mettant subtilement en valeur sa
musique (très comparable à celle de Sivan Perwer).
Pas grand chose sur les rayons d'une discothèque au demeurant. Il fallait donc y retourner, histoire de... lorsqu'on pressent que la culture musicale de la région est riche, vivante et bien cachée.
Pas grand chose sur les rayons d'une discothèque au demeurant. Il fallait donc y retourner, histoire de... lorsqu'on pressent que la culture musicale de la région est riche, vivante et bien cachée.
Il
fallait y retourner. Pour voir le Mont Ararat, se saouler et ouvrir les
oreilles.
Entretemps
est sorti sur nos écrans « De l'Autre Côté », film de Fatih Akin, un
allemand d'origine turque féru de musique pour qui la double nationalité reste
le parfait passeport ; les portes s'entrouvrent...
La
bande son sème quelques indices. A commencer par Kazim Koyunçu, activiste
chanteur foudroyé dans sa jeunesse. Il reprend avec cette grâce désespérée de
ceux dont la vie devient un destin, Ben
Semi ... un vieux standard de la musique traditionnelle (région de Trabzon,
côte de la mer Noire, mais je n'en suis pas sûr), dont une version beaucoup
plus ancienne clôture la fin de la B.O du film. La majorité des
titres est composée par la disko dance de Shantel (une sorte
d'electro-Borat tout aussi balourd), un gars des Balkans qui rappelle que
l'histoire de la région est beaucoup plus complexe, les frontières régionales
poreuses, les communautés entremélées. Mais on y reviendra.
C'est
toujours Fatih Akin qui continuera de me guider au hasard des rues stambouliotes
avec son documentaire Crossing the Bridge, qui prend le pouls de la scène actuelle et en établit une chouette
cartographie. Manifeste incontournable pour qui cherche à comprendre la musique
turque contemporaine, sous le prisme omniprésent de la ville d'Istanbul,
véritable creuset culturel et poumon du pays.
A
part un rappel historique sur le rock psychédélique turque très vivace dans les
années 70's, lorsque les hippies traversaient la ville avant de tracer leur
chemin vers les Indes (un livre : Magic
Bus, une compile : Hava-narguilé), la trame de la narration part des
formes les plus contemporaines de la musique turque vers des genres plus
populaires.
On
passe sur « Music » vieux tube de la péroxydée Madonna en
intro (et outro) réapproprié par la belle et brune Sertab Erener, qui prend là
un superbe coup de lifting version arabesques bien appuyées, pour ensuite
découvrir les vieux renards de BABA ZULA. Ce serait réducteur de
les ranger d'office dans la case
« enfants rescapés des hippies » précédemment cités. Eux prétendent plutôt faire une sorte de dub
oriental puisant tout autant dans l'héritage qu'ont laissé les années 70's dans
les ruelles du quartier de Beyoglü, que dans la musique traditionnelle turque. Les les jeunes branchés des quartiers
huppés de Beyoglü ne s'y trompent pas.
Gage
de crédit, leur deux premiers albums (Psychebelly Dance Music et Double
Oryental ) sont produits par un certain Mad Professor. Sur le premier on peut
entendre la voix de Brenda
McCrimmon, une canadienne tombée amoureuse de la culture musicale de la
région et qui a entrepris de faire redécouvrir des morceaux traditionnels
oubliés comme ce chant d'amour bulgare (l'empire Ottoman avait de vastes
frontières à l'époque...) avec la complicité du clarinettiste le tzigane Selim
Sesler. Depuis, les Baba Zula ont réduit leur géométrie (Kökler...), se
réduisant à 3 musiciens, mais leurs concerts restent toujours de grands moments
de communion et d'hystérie collective, même s'ils jouent dans un bar, derrière
un drap blanc, de blondes danseuses du ventre se chargeant de l'animation,
maniant des poireaux (si si !) comme d'autres un fouet.
Murat
Ertel, le chanteur au luth électrique a aussi par le passé joué dans Tanbul, un
album orphelin, jam enfumé complètement
halluciné ; du Funkadelic à la
Turca, et aussi NZDEN et son Barkikoy Akil Hasanesi
, projet beaucoup plus structuré qui par moment peut rappeler CAN (mais j'ai
tendance à voir du CAN partout...). Même à Istanbul, ces deux derniers albums
restent confidentiels.
(à
suivre...)
L'Un
pour les liens cette semaine, ils sont actifs directement dans le texte...
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