dimanche 5 juin 2011

Thomas BELHOM « Cheval Oblique », Andrea BELFI « Knots » : drumming the sound

Là, on va parler d'albums de batteurs. Fait suffisamment rare en lui-même pour s'autoriser quelques lignes sur le sujet, comme d'autres un billet d'humeur. Que les amateurs de grandes chevauchées lyriques ou les rares adorateurs encore vivants de Phil Collins passent tout de suite leur chemin: pas vraiment l'œuvre symphonique totale pour roulement de batterie à double grosse caisse, rack de cymbales assorties et 3 mains.
Juste des batteurs aux cheveux courts qui se mettent à composer histoire de se délasser les pinceaux, sans pour autant renier leur instrument, le plaçant de la sorte dans une perspective singulière.

S'essayant au travail en solo comme d'autres entreprennent un voyage initiatique, Belhom nous délivre un petit carnet de vignettes sonores bien chiadées où l'émerveillement rivalise avec une tendre discrétion, avec ce regard vague que l'on peut porter sur le monde figé voyageant à bord d'un train, l'hiver. Un morceau chasse l'autre, on l'oublie vite comme sans empreinte réelle, et il revient inopinément comme caché sous la structure du suivant, distillant de la sorte une mélancolie sobre et distanciée.
Flanquée d'un accompagnement spartiate se posant souvent  en contrepoint, la batterie reste le pivot  central  de ses fines compositions, jouant sur l'aspect percussif  et les timbres de l'instrument, ses résonances, plus que sur une rythmicité de métronome. Belhom fait trainer ses baguettes sur les peaux, caresse  des gongs et frappe le métal, et déstructure le rythme en boucles nonchalantes ou en syncopes continues pour nous promener là où il l'entend : peut-être nulle-part ; cheval de carrousel.
Plutôt que les mélancolies mécaniques de Comelade, c'est la spontanéité décalée d'un  Jacques Thollot (lui aussi batteur de son état, et son indépassable « Quand le son devient aigu, jeter la girafe à la mer ») qui  pourrait patronner ce jeune émule qui s'ignore.
Musique de greniers vides ; cheval de travers.

Chez Andrea Belfi, l'approche est plus cérébrale que sensuelle. Enfin disons conceptuelle. D'emblée, le kit de batterie est réduit à sa plus simple expression, élément constituant de tout un petit dispositif électroacoustique où tout est interconnecté, manipulé et filtré. Les sonorités  modifiées des percussions et divers frottements passés en boucles aléatoires se mélangent par petites touches aux lents glissements d'une  électronique minimale lancinante. Le petit  univers bouclé sur lui même se teinte de claustrophobie légère et sautillante.
Petite musique de danse à la fois organique et désincarnée pour faire rêver nos connexions synaptiques paresseuses, qui ferait un instant oublier qu'elle se veut un peu savante. Ou bluffante.
L'anti groove que Pierre Henry n'aurait jamais osé inventer.

Difficile de comparer des approches aussi différentes, bien que naissent des traits communs dans les musiques créées : là, un son, là, une syncope paresseuse, et cette atmosphère introspective dont la singularité tient à l'instrument central utilisé pour ses qualités intrinsèques. Tout le faux paradoxe des batteurs qui s'essaient à la composition tient peut-être là : ils n'habitent pas l'espace avec leur trames rythmiques, ils ne divisent pas le temps en mesures. Ils les créent, ou s'en affranchissent ; du moins un petit peu...

Pour les éternels sceptiques que ces quelques impressions brutes n'auront pas convaincus, il reste toujours la drum battle légendaire, Buddy Rich vs Animal (le batteur des Muppet Show), que l'on peut trouver  quelque part sur YouTube et consorts.... Sans ironie, aucune.

L'Un



Andrea BELFI : Knots (Die SChnachtel, 2008)
Thomas BELHOM : Cheval Oblique (Apparent Extent, 2007)




 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire