mardi 28 octobre 2025

GOAT (JP) "Without References / Cindy Van Acker"

Derrière GOAT (JP) on trouve un certain Koshiro HINO, obsédé par l’électronique les percussions et STOCKHAUSEN. Le monsieur a du croiser le fer avec une des incarnations les plus récentes des BORDEDOMS et toute la clique avant-gardiste du pas si paisible archipel nippon. Un pédigré pas si facile à tracer sur le net, mais son projet GOAT (JP) est peut-être le plus en vue dans nos contrées occidentales. Le concept du quatuor est simple : une pulsation toute motörik : GOAT n’est que tourbillonnements percussifs et brouillage de timbres. Bah, juste un peu poussé dans ses retranchements, comme seuls les Japonais en sont capables lorsqu’ils s’approprient un objet exogène (ndlr : les clichés ont la peau dure parfois. Mea culpa, okay ?!). Entre techno froide et hypnotique et l’ivresse rêveuse d’un gamelan imaginaire, une musique de répétition 100% machine-free, dont les micro-variations sont issues de l’erreur humaine, trop humaine. Musique de commande aussi, « Without References » a été composé pour la chorégraphe Cindy Van Acker (qui collaborait habituellement avec feu Mika "Pan Sonic"Vainio). Ce qui peut expliquer une forme plus froide, presque démonstrative, contrairement aux 2 précédentes productions sur lesquelles la présence humaine est plus dicible, les résonances plus rugueuses. Mais cette rigueur fascine comme un objet qu’on observe à distance, les paupières mi-closes et incrédules. Une polyrythmie fracturée inaugure l’album avec le tribalisme clinique d'un « Quest », comme si le NEUBAUTEN des débuts avait troqué les amphétamines pour une tasse de kombucha bio avec une batucada de quartier. « Factory » s'inscrit dans cette ligne en pointillés nerveux avec un rigorisme minimal encore plus marqué. Entre, s'intercale une rêverie saccadée pour gamelan réinventé ou encore un « G-H-S » qui flirte avec les tangentes heureuses d'une ambiant percussive de salon. « Orin » relève du tour de force opiniâtre avec ses pulsations carillonnantes dont les saccades rythmiques se révèlent à l’oreille aguerrie après une bonne dizaine de minutes à l’épreuve. Il y a comme des échos distants et fragmentés de CHARLEMAGNE PALESTINE dans ce morceau et le final « CR » qui s’éloigne dans les brumes massives de cymbales grommeleuses. L’expérience est tant physique que sensorielle avec GOAT (JP), à rechercher de la sorte la fluidité du mouvement dans le groove forcené d’une transe implacable et syncopée. Le travail exécuté est millimétré sans pour autant verser dans un rigorisme mécanique : on sent, on entend le travail de la main, qui nous emporte dans ce tourbillon subtilement asynchrone qui fait du corps et de l’oreille un seul instrument de résonance. A placer sous le saint patronage de Terry RILEY et à rapprocher des forcenés du rythme analogique comme leurs compatriotes de NISENNENMONDAI, KUKANGENDAI (que j’aurais dû chroniquer à 3 reprises déjà ; la flemme…), Oren AMBARCHI (et son Quixotism, par exemple) ou le binôme de choc INSTITUTRICE. Mais la liste est ouverte, comme l’échelle de Richter.
 
 
L'Un. 

GOAT (JP) "Without References / Cindy Van Acker" (Latency. 2025)

dimanche 5 octobre 2025

ALWAYS AUGUST "Largeness Without (W)holes "

 Chronique paresseusement rédigée par une journée orageuse du mois d’août 2025.

 

 

 

Quand on évoque SST Records, label phare et pionnier de la musique indé des années 80’s, on peut à minima distinguer 3 phases dans son histoire. Les débuts exemplaires d’un label DIY créé par les membres de Black Flag pour promouvoir son groupe puis les groupes des potes. Puis une certaine notoriété aidant, SST était passé en mode tête chercheuse, signant les groupes à tour de bras et ouvrant le champ des possibles, loin de se cantonner à un style (le punk), quitte à se faire honnir par le noyau conservateur et transi des fans de la première heure (on y croisait tout de même Sonic Youth, diverses formes de jazz, et une poignée d’allumés de la de la scène expérimentale de l’époque ZOOGZ RIFT, Elliott SHARP, Fred FRITH…). En gros, acheter un disque estampillé SST, c’était cool. La suite qui n’a toujours pas de fin se perd dans d’interminables procès pour malversations des artistes souvent lésés, le label délocalisé au Texas n’étant que l’ombre de son fond de catalogue et servant principalement à promouvoir la mégalomanie sans fond d’un Greg GINN avec ses innombrables avatars autistiques qui finissent par tourner en rond.

On va pas refaire la petite grande Histoire avec la première période et encore moins se salir les mains inutilement dans ce qu’est devenu cette parodie de label. Non : c’est la tête chercheuse qui signait des groupes à tour de bras qui nous intéresse, SST Records à incarnait parfaitement un certain esprit d’une certaine époque. Celui d’une scène qu’on ne qualifiait pas encore d’indé, presque naïvement ouverte à tout, avant la grande récupération par les Majors dans la décennie suivante… Depuis, le fond de catalogue (piètrement géré) a pris la patine du temps, des petites pépites surannées à (re-)découvrir, même si relevant parfois plus souvent de l’anecdotique sympathique.

ALWAYS AUGUST. Rien que pour ce nom doux-amer, qui rappelle les promesses perdues de nos derniers jours de vacances. Pour la pochette au graphisme naïf. Le propos garde cette même candeur indolente avec ses alternances de compos maladroites et de jams sessions un peu molles et paresseuses. Avec sa langueur candide, Largeness Without (W)holes est un disque d’à peu-près qui à lui seul résume la décennies 80’s (probablement mieux que tous les revivals surexposés qu’on nous assène). Le disque de potes, qui voient leur rêve se réaliser avec la signature inespérée sur le label le plus cool de l’époque. Pas un morceau marquant ou un air entêtant. Juste cette agréable sensation vaporeuse.On ne sait pas vraiment où finissent les répétitions de garage et où commencent les compositions en filigranes au fil des morceaux qui s’enchainent et s’effilochent sympathiquement. Un peu de flute, des échos lointains de section à cuivre ou quelques cordes frottées pour renforcer cette impression de jazz brouillé. Certains audacieux (ou fans transis) y voient la rencontre du GRATEFUL DEAD et du BLACK FLAG. On en est loin du compte, l’argument de supermarché ne tient pas la route face à ces mastodontes du solo de guitare à l’infini. Mais l’idée y est, et ALWAYS AUGUST est de ces albums qui vous donnent envie d’embrasser le reste du catalogue à bras ouvert (allez : je pense à TAR BABIES, OPAL, SLOVENLY ou ALTER NATIVES !). De les redécouvrir, sans filtre, juste pour apprécier l’air d’un temps révolu à l’ombre d’une belle journée d’un mois d’août caniculaire.

 

L'Un. 

 

ALWAYS AUGUST "Largeness Without (W)holes " (SST Records. 1987)