L’archétype du disque
confidentiel qu’on se repassait sous le manteau. Sauf que c’était souvent sous
la forme de vieilles cassettes VHS : parce que Step Across the Border est
avant tout un film. Un film documentaire tourné caméra au poing.
Nicolas Humbert et
Werner Penzel suivent le troubadour anglais dans toutes ses tribulations
sonores, filmant ses soliloques aussi bien dans un bar à nouille tokyoïte que dans
la Knitting Factory newyorkaise. Des rencontres sur les chemins de traverses
musicaux aussi bien dans les constellations urbaines que dans la campagne provençale à taper le bœuf avec Iva Bittova et Pavel Fajt.
Parenthèses privilégiées, à capter des moments hors-champs, des confidences sur
la conception qu’a Frith de la musique ; de sa musique. Et on ne sait plus
trop, dans ces moments d’égarement, si la musique illustre des cadrages qui
captent et figent l’action dans un profond noir & blanc, ou si la trame du
documentaire se détricote à la manière d’une de ses partitions espiègles.
Aussi, ce documentaire s’inscrit peut-être dans la période la plus riche et
hétéroclite du musicien alors ouvert aux vents contraires : free-rock
(avec le power-trio Massacre ou encore Skeleton Crew - et le regretté Tom
Cora derrière l’archet), impro foutraque pour guitare et cacahouètes, quand il
ne tape pas le jam avec John Zorn. On sent aussi poindre des velléités d’une
musique plus écrite au sens classique du terme (« The as Usual
dance…. »). Le liant de cette bande-son kaléidoscopique réside
certainement dans les nombreux morceaux
extraits de ces 3 albums parmi les plus fameux (et probablement accessibles)
que sont « Speechless », « Gravity », et surtout « Cheap
at Half the Price " et son distillat de pop bricolée et ludique .
On tient au final le portrait intime et attachant d’un musicien à l’allure
bonhomme qui a su rester humble et décontracté, et dont la curiosité malicieuse
n’a d’égal que le plaisir de la rencontre et du partage. L’environnement
immédiat pour Frith s’apparente à une vaste caisse de résonance où toutes les
expériences sont possibles.
Pour nous, auditeurs, Step Across the Border
constitue peut-être un chouette antidote pour combattre morosité de
l’infra-ordinaire, la bande-son parfaite pour qui se surprend encore à être
émerveillé.
L’Un.
Fred FRITH « Step Across the Border (Fred Record. 1990)
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