lundi 23 janvier 2023

BLACK BOMBAIM w/ Jonathan Saldanha, Lu​í​s Fernandes & Pedro Augusto

"Emmenez-moi autour de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles" (C. Aznavour)
 
 

On est pas bien là, niché au cœur de ce finistère de l’europe à contempler les étoiles, l’océan qui se déroule vers une immensité de possibles, un verre de vinho verde à la main pour toute contrainte ? C’est peut-être ce que pensent et vivent au quotidien les trois gars qui opèrent depuis pas mal d’années sous le patronyme de Black Bombaim. Basé au Portugal, pays pas forcément mis en valeur pour sa scène musicale, le trio pratique un rock qu’on étiquette à la va-vite de doom-stoner-psyché, ou le contraire d’ailleurs, au gré des humeurs et d'une météo océanique changeantes. Mais une appétence prononcée pour des formes disons épurées de l’abstraction et des collaborations tous azimuts fond exploser ce cadre forcément réducteur. Et le vieux grognard et dernier mohican d’une certaine idée du free jazz européen ne s’est pas trompé d’ailleurs, Peter Brötzmann traversant fissa le vieux continent de part et d'autre pour ramener sa caboche, ses anches et cuivres cabossés sur un album très judicieusement nommé « Peter Brötzmann & Black Bombaim »). Du coup chaque sortie d’album constitue un petit challenge qui vous colle quelques frissons à braver les affres de l’inconnu : c’est quand même mieux que de se taper du rock d’autoroute au kilomètre en buvant des bières sans alcool, non ? Stoner-psyché rock ? Mais pas que… Et c’est dans cette petite nuance que le groupe s’engouffre comme un lézard dans une fissure (ou le capitaine Kirk dans une brèche spatio-temporelle quoi). Avec ce double album éponyme, notre trio se jette dans un abîme sans fond et sans trop besoin de filet, à flirter avec une apesanteur domptée. On ne s’était pas préparés à faire front à un truc aussi massif.  Le truc derrière ce disque était de demander à 3 musiciens de la scène portugaise provenant d’horizons différents de composer 2 morceaux pour le groupe puis de l’enregistrer ensemble, chaque morceau constituant un duo empruntant une direction bien marquée. Et d’emblée l’austère « Zone of resonant bodies » qui résulte de leur collaboration avec Jonathan Saldanha en impose avec ses 23 minutes de rock toujours plus lent, toujours plus lourd et suspendu avec une frappe à la manière d’un Ted Parsons martial, période Swans. Une belle réverbe de cathédrale et presque une fin en soi…. S’ensuit un hypnotique Three Axes, perché dans des échos et arpèges fuyants, résultat de leur collaboration avec Pedro Augusto. Note la plus discordante de l’album, « Refraction » (composé par Luis Fernandes de Peixe:avião) va pousser concept, groupe et musique dans leurs retranchements respectifs en offrant un long drone tout en scintillement cristallins. Le titre des trois morceaux suivants renvoie à une date (format annéemoisjour) et résulte toujours de la collaboration des 3 artistes suscités, mais dans l’ordre inverse (=> A.B.C-C.B.A quoi !). On s’embarque là pour de bons vieux space jams tournoyants aux contours certes plus classiques et rassurants pour un fan basique de Black Bombaim, s’il en existe… En somme on vient de troquer l’arsenal sédatif des premiers morceaux pour revenir à des substances psychotropes, et « 20180415 » de Saldanha clôture le double album comme une douche froide, avec ses rythmes vaguement indus, marimbas et boucles de larsen. Beau concept album où le groupe a une fois de plus repoussé l’espace et quelques autres limites. Une démarche limite jusqu’au-boutiste à mettre en parallèle avec des groupes comme Sonar, Plaistow ou encore le dernier Young Gods (tiens : tous des hélvètes…)… 

 

 L'Un.   

BLACK BOMBAIM w/ Jonathan Saldanha, Lu​í​s Fernandes & Pedro Augusto  (CardinalFuzz. 2019)

mardi 10 janvier 2023

The YOUNG GODS play In C

 Acceleration is finite, I think according to some laws of physics. (Terry Riley)

Music can also be a sensual pleasure, like eating food or sex. But its highest vibration for me is that point of taking us to a real understanding of something in our nature which we can very rarely get at. It is a spiritual state of oneness.
Read more at https://www.brainyquote.com/authors/terry-riley-quotes

 

Music can also be a sensual pleasure, like eating food or sex. But its highest vibration for me is that point of taking us to a real understanding of something in our nature which we can very rarely get at. It is a spiritual state of oneness.
Read more at https://www.brainyquote.com/authors/terry-riley-quotes
Music can also be a sensual pleasure, like eating food or sex. But its highest vibration for me is that point of taking us to a real understanding of something in our nature which we can very rarely get at. It is a spiritual state of oneness.
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La belle équipe ! Un trio qui ne cesse de défricher, de se renouveler et surtout de faire preuve d’un plaisir communicatif depuis près de 4 décennies. Bon, on va la faire courte : les Young Gods ont toujours eu une place dans les pages de ce blog, à ressasser leur Longue Route, et de toute façon le lien vidéo sur le making-of de l'album en dit plus long que nos quelques lignes essoufflées. Après avoir flirté avec le vertige des dernières technologies informatiques sur le précédent Data Tangram Mirage, nos helvètes compulsent cette fois dans les patines du passé sous la forme de cette partition ouverte qui tient en 2 pages : le « In C » de Terry Riley, pierre d’achoppement de la musique minimaliste américaine. Et surtout une façon de concevoir la musique; ouverte à tous. Une sorte de retour vers le futur pour un grand bond en avant quoi… Œuvre écrite pour un groupe plutôt conséquent d’instrumentistes, les Young Gods ne changeront pas la voilure du trio resserré, ce qui rend leur entreprise d’autant plus intéressante. C’est d’ailleurs la partition dite "malienne" qui retiendra leur attention, celle-ci leur offrant probablement à nos rockeurs plus de souplesse rythmique dans l’exécution et l’enchainement des patterns. Le panel d’échantillons embarqués provient exclusivement de vieux synthés au noms mythiques (que l’on a hélas tendance à qualifier de « vintage »…) glanés dans une monstrueuse collection privée. Clin d’œil au passé, histoire de se raccorder avec la partoche. Et notre premier mouvement de « In C » commence avec cette pulsation au grain tout analogique, à peine perceptible, et qui ne cessera de muter et de prendre une ampleur exponentielle tout au long de l’exécution de cette œuvre protéiforme. Bel exercice d’appropriation qui débute de façon à la fois mécanique et hésitante, le groupe tournant autour des petites figures mélodiques en série avant d’emprunter des voies plus organiques et assumées. Au fil des mouvements qui s’enchainent on reconnait la patte Young Gods qui s’affirme jusqu’au climax électrifié et presque motorik des dernières minutes ; oui on pense très fort « CAN » par moments… Le groupe arrive à nous hypnotiser de bout en bout avec sa transe intimiste et réfléchie. S’il existe un parallèle évident à établir entre la musique minimaliste américaine et la techno (oui, on pense très fort aux documentaires de Jaqueline et Daniel Caux), le lien était beaucoup plus ténu entre l’instrumentation rock et cette approche sérielle. Les Young Gods balaient cette réserve avec cette maestria qui leur est coutumière et cette même passion qui les anime depuis leurs débuts.... La belle aventure.

L'Un.

The YOUNG GODS play In C (TwoGentlemenRecords. 2022)