dimanche 21 novembre 2021

Harold BUDD "Pavilion of Dreams"

 

En ligne brisées et avec des pointillés, certes, les méditations pianistiques d’Harold Budd m’auront toujours accompagné entre deux déflagrations sonores. A l’instar d’un Brian Eno (dont le nom ne cesse de hanter ce blog) ou d’un Jon Hassell, on tient là en quelque sorte un trio gagnant qui couvre à peu près tout ce qui s’est fait entre minimalisme et ambiant depuis ces trois ou quatre dernières décennies. Tout comme celle de Jon Hassell en juin dernier, sa disparition récente a laissé un étrange vide, comme si je perdais là un fidèle compagnon de route dont les errances introspectives continuent de trouver une résonance des plus intimes.

Si on a peut-être plus connu Budd par ses collaborations avec Brian Eno (The Pearl ou Plateaux of Mirror) ou Robin Guthrie des Cocteau Twins, sa carrièr solo, n’a eu de cesse de décliner ce même crédo contemplatif dans lequel la lumière est tout aussi importante que la profonde réverbération de son clavier bien tempéré… ou analogue. Premier opus de cette longue carrière, Pavillion of Dreams se pense comme une sorte de mini-opéra au ralenti ; une lente plongée dans les éthers… Le featuring est soyeux (saxophone, mezzo-soprano, harpe…), et les compositions jamais pressées d’un Budd qui interroge le temps et l’espace. Les touches de piano s’égrènent comme des échos de carillons dans un lointain obscur ; le saxophone ou la mezzo-soprano se jouent d’une partition à la fois posée et erratique. Mais c’est surtout cette sérénité coulante et profonde qui habite chaque note, chaque vibration qui s’enchainent en longs glissandos suspendus qui se perdent dans un long silence. A bord de ce Pavilion of Dreams, bien éveillé tous les éléments qui feront l’univers en expansion d’Harold Budd se retrouvent déjà dans ce premier opus : tout était déjà posé, dit et capturé dans les sillons du disque, pendant que les touches de piano se poursuivent dans le vide, entre l’espace… Flottement d’une musique de nuit qui prend la forme d’un travelling anesthésié pour une B.O d’un Taxi Driver enfin apaisé. Nul doute que désormais, Harold Budd contemple enfin la lumière à l’intérieur de ce pavillon rêvé, fenêtres ouvertes sur le vent du monde…. So long maestro.

 

 

 

L'Un.

 

 

Harold BUDD "Pavilion of Dreams" (Obscure. 1978)

 

lundi 8 novembre 2021

BUMMER "Dead Horse"

 « There is nothing wrong with America that cannot be cured by what is right with America. »  

(Bill Clinton)


Alors OK : à l’exception de quelques trucs probablement trop arty comme Oxbow ou Disappears, et autres fulgurances restées sans suite (Punch… Friendship…) il faut reconnaitre que le « rock » dans son périmètre le plus vague et son expression la plus crue a rarement droit de cité dans ces pages. Peut-être pour éviter de tourner en rond. Certes. Mais avec ce power trio de teigneux, on va remettre les compteurs à 0 (ou 666) une bonne fois pour toute. Parce qu’à part la pochette, ben y a rien d’arty chez Bummer (à commencer par le nom…). Pas d’afféterie ou d’enrobage esthétique : on avance en formation resserrée, sans effet de manche ou de pédale, les amplis à fond les balloches. C’est Spinal Tap, avec les potards à 11, le cheveu gras, mais sans tout le barnum qu’on associe à l’ordinaire… Le groupe est originaire de Kansas City, une ville plutôt connue pour le bop (certes enragé) de Charlie Parker, peut-être les fraques de Bill Clinton ; et c’est tout. Et leur musique doit être le seul exutoire qu’un ado moyen peut trouver pour passer son angst et l’ennui profond qui se dégage d’une ville du midwest américain. Parce qu’avec des titres aussi gracieusement nommés que « I want to punch Bruce Springsteen in the dick », on se dit qu’ils ont vraiment dû morfler, à se taper la musique du Boss en boucles qui passait sur l’autoradio de la berline familiale. Agression sonore rampante d’une constance obsessionnelle, à pousser la beuglante autour d’une cavalcade de riffs vicieux sur une rythmique de bucheron émasculé… Ca évoque un peu ce que Nirvana aurait pu produire dans la foulée de leur séminal Bleach, si ce crétin de Curt Cobain n’avait pas sombré dans le vaguement commercial et la guedro… D'ailleurs ça rappelle foutrement l'écurie SubPop des grands débuts, avec cette attitude à jeanfoutre à la Mudhoney ou ce look de Tad... Mais les gars de Bummer s’en battent un peu la race de tout ça, tant qu’ils peuvent continuer à délivrer à un monde qui court à sa perte leur tendre message pétri de frustration adipeuse, de rancœur primale et de hargne brute. Et c’est pas chose si facile par les temps qui courent.

 

L'Un.

BUMMER : "Dead Horse"