En ligne brisées et avec des pointillés, certes, les méditations pianistiques d’Harold Budd m’auront toujours accompagné entre deux déflagrations sonores. A l’instar d’un Brian Eno (dont le nom ne cesse de hanter ce blog) ou d’un Jon Hassell, on tient là en quelque sorte un trio gagnant qui couvre à peu près tout ce qui s’est fait entre minimalisme et ambiant depuis ces trois ou quatre dernières décennies. Tout comme celle de Jon Hassell en juin dernier, sa disparition récente a laissé un étrange vide, comme si je perdais là un fidèle compagnon de route dont les errances introspectives continuent de trouver une résonance des plus intimes.
Si on a peut-être plus connu Budd par ses collaborations avec Brian Eno (The Pearl ou Plateaux of Mirror) ou Robin Guthrie des Cocteau Twins, sa carrièr solo, n’a eu de cesse de décliner ce même crédo contemplatif dans lequel la lumière est tout aussi importante que la profonde réverbération de son clavier bien tempéré… ou analogue. Premier opus de cette longue carrière, Pavillion of Dreams se pense comme une sorte de mini-opéra au ralenti ; une lente plongée dans les éthers… Le featuring est soyeux (saxophone, mezzo-soprano, harpe…), et les compositions jamais pressées d’un Budd qui interroge le temps et l’espace. Les touches de piano s’égrènent comme des échos de carillons dans un lointain obscur ; le saxophone ou la mezzo-soprano se jouent d’une partition à la fois posée et erratique. Mais c’est surtout cette sérénité coulante et profonde qui habite chaque note, chaque vibration qui s’enchainent en longs glissandos suspendus qui se perdent dans un long silence. A bord de ce Pavilion of Dreams, bien éveillé tous les éléments qui feront l’univers en expansion d’Harold Budd se retrouvent déjà dans ce premier opus : tout était déjà posé, dit et capturé dans les sillons du disque, pendant que les touches de piano se poursuivent dans le vide, entre l’espace… Flottement d’une musique de nuit qui prend la forme d’un travelling anesthésié pour une B.O d’un Taxi Driver enfin apaisé. Nul doute que désormais, Harold Budd contemple enfin la lumière à l’intérieur de ce pavillon rêvé, fenêtres ouvertes sur le vent du monde…. So long maestro.
L'Un.
Harold BUDD "Pavilion of Dreams" (Obscure. 1978)
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