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lundi 17 octobre 2022

Oren AMBARCHI : "Ghosted"

Jamais mon esprit, estant tousjours en transe aux escoutes de l'advenir pour le regard du bien public, n'a jeté ceste crainte arriere de soi , (Amyot, P. Aem)

 

Toujours à graviter autour des petits écosystèmes fermés que sont l’improvisation radicale et l’avant-garde qui va avec, classieux, discret et vaguement obsessionnel, Oren Ambarchi ne cesse de faire exploser les cadres musicaux qu’il approche. Avec une certaine appétence pour les schémas répétitifs utilisés comme puissant sédatif ou autre psychotrope. La formation sur Ghosted a tout du trio de jazz conventionnel, pensez donc : la contrebasse de Johan Berthling, la batterie d’Andreas Werliin, et la guitare d’Ambarchi. Ce trio formé n‘en est pas à sa première expérience, ayant eu l’occasion de croiser le fer en 2019 lors des sessions live du projet Hubris, dans une veine plus radicale mais tout aussi hypnotique que le tranquille Ghosted qui nous intéresse : là, on part dans des terrains familiers et chaleureux à faire tourner lentement des petits patterns rythmiques en mode ternaire. Un groove syncopé s’installe dès la première partie, laissant la guitare trafiquée se poser en longs trémolos aux formes fuyantes. Les morceaux suivants sont construits à l’identique, le lead de ces petits patterns rythmiques étant assuré alternativement par la contrebasse (ou basse dans le 2° morceau) ou les percussions. La solidité de ces structures musclées aux subtiles variations donne libre court à Ambarchi de passer ses échos de guitares dans la moulinette d’une cabine Leslie…Histoire de faire imploser le cadre… Avec des accents d'ethno-jazz, de doom jazz, de musique sérielle même, les quatre morceaux délivrent une musique de trio solide et chaleureuse où l’improvisation avance par touches subtiles et graduelles. 

 

L'Un.

Oren AMBARCHI "Ghosted" (DragCity. 2022)

lundi 28 juin 2021

Jon HASSELL : "Fascinoma"

 R.I.P 22/03/1937 - 26/6/2021...

 

Avec la classe feutrée d’un dandy trop discret, Jon Hassell promène sa trompette toute en retenue dans les méandres d’une fusion musicale qui oscille entre électronique, avant-garde (il a été élève de Stockhausen…) et les prémices d’une world-music qui ignorait cet étiquetage. Une démarche qui l’aura amené à fréquenter les avant-gardistes Terry Riley ou LaMonte Young, et,  bien évidemment, à tomber en extase durant un concert du Miles. Cette approche ouverte de la musique et du son aura (entre autres) impressionné Brian Eno avec qui il collaborera de manière régulière : « Fourth World Possible Music » reste un des incontournable de la musique ambiante. Les Eric Truffaz et (peut-être…) plus indirectement Bohren & the Club of Gore lui doivent beaucoup… C’est juste après l’écoute de ses plus récents albums et leur complexité assumée que j’ai découvert ce Fascinoma. Bien que daté, il se pose en parfait contrepoint discordant de l’ensemble de son travail : au tournant des années 2000, pendant que nombreux s’engouffraient dans une débauche d’artifices de production, Jon Hassell, placide, tourne le dos et se contente de tout débrancher. Un micro dans une église et un accompagnement des plus squelettique. Décharné jusqu’au point de rupture que seul le souffle et les silences de la trompette maintiennent au bord d’un abime en clair-obscur. L’album commence par une reprise déliée du mythique Eden Abhez (Nature Boy), qui pose clairement la démarche du trompettiste. On trouvera aussi un hommage des plus minimalistes à Duke Ellington avec son Caravanesque. Le bourdon d’un tampura indien hante ce nombreux morceaux et quelques autres comme en écho lointain aux enseignements de Pandit Pan Nath qui auront profondément marqué l’artiste. Pour le reste, la présence des percussions, guitares (dont celle de Ry Cooder…) ou autres pianos se fait à l’étouffée, comme avec une sourdine de trompette. L’ambiance est plus méditative et profonde que sépulcrale. Peu de trompettistes, après Miles Davis et son In a Silent Way, seront allés aussi loin dans le questionnement introspectif de leur instrument ; Jon Hassell use d’une simplification extrême et radicale pour ce faire, sans jamais remettre en cause le parti-pris de l’élégance.

 

L'Un.

 

 

mercredi 8 avril 2020

Stephen Vitiello & Molly Berg "I Drew A Fish Hook, And It Turned Into A Flower"



"tout le malheur des hommes vient d'ue seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre"  - Pascal.


Album de la réconciliation : trop souvent et à raison on qualifiera ce genre d’œuvre d’arty (=> entendre prétentieux et suffisant), voire de lowercase (=> comprendre concept qui tourne vite en boucle) flirtant avec une esthétique post-contemporaine qui reste encore à définir, trop emmêlé dans les volutes ambiantes... Stephen Vitiello (électroniques) & Molly Berg (clarinette) se jouent humblement de ces écueils sans pour autant chercher à les éviter.
Syncrétisme velouté, qui mélange habilement continuum (entendre par là « drone ») et organique (...on entend bien des instruments... et d’autres aussi !), « I Drew A Fish Hook, And It Turned Into A Flower » relève de ces fausses improvisations heureuses qui semblent tourner sur elles-mêmes dans un mouvement de mélancolie de l’instant présent à découvrir. Chaque partie qui s’enchaine dévoile un rai de lumière sur des territoires aux champs étendus.
On discerne, dans la brume, un noyau de jazz aux contours fuyants, cet art réservé et discret de la boucle vivante si cher à Steve Roden, la bande-son au ralenti d’un western dans lequel il ne se passerait rien. La constance des harmoniques dégagées constitue le véritable liant des 4 morceaux imbriqués lorsque les maigres et éparses structures rythmiques relancent discrètement la dynamique et les pulsations alanguies.
Une douce extase de bas-côté lorsque le son devient lumière; feutrée.


L'Un.


Stephen Vitiello & Molly Berg "I Drew A Fish Hook, And It Turned Into A Flower" (IIKKI. 2019 )