lundi 27 avril 2020

Helen MONEY : Atomic



"Il n'y a pas de Dieu. - Non ? - Il n'y a pas de Dieu et nous sommes ses prophètes." 
(McCarthy; La Route)

Entrée au cœur de la matière sombre avec cet opus climatique qui suit une ligne d’une continuité à la fois fragile et charnue. A l’instar de Hildur Guðnadóttir, le monde d’Helen Money (a.k.a Alison Chesley dans la vie civile) tourne autour des striations granulées d’un violoncelle aux soliloques amplifiés.
Dans une volonté affirmée de dépassement et d’introspection, l’artiste surmonte posément un deuil déchirant et son corollaire de doutes, d’angoisses et d’interrogations et prend au passage quelques distances avec les musiques metal qui l’avaient jusqu’alors souvent influencée sur les précédents Arriving Angels ou autre Become Zero.     
Il y a chez  Alison Chesley cette obsession de sculpter le son autour du violoncelle central avec de fines strates d’arrangements complexes (avec du du modulaire, quelques touches de batterie…), sans pour autant perdre de vue la notion de dénuement, thème central de l’album : les cordes, qu’elles soient frottées, jouées au doigt ou sur-amplifiées,  restent tangibles.  Entre néo-classique, dark-folk ou avant-garde, les palettes aux ambiances cotonneuses se télescopent sur ces onze compos au fil desquelles le rythme s’efface le plus souvent pour la pulsation feutrée, voire de longs drones noyés dans une brume de particules. Cinématique jusqu’au bout dans cette granularité épaisse, Atomic est la bande-son idoine pour un de ces films crépusculaires  aux lendemains qui ne chanteront jamais.                                                                                                                                                    


L'Un.

Helen Money : "Atomic" (ThrillJockey. 2020)

mardi 14 avril 2020

NINE INCH NAILS : ghost V & VI




(NIN / Nine Ince Nails) GHOSTS V: TOGETHER AND GHOSTS VI ...

Nine Inch Nails : Ghost V & VI

Deux derniers albums à l'austérité formelle...
Ghost V (Together) & Ghosts VI (Locusts) sont les deux mêmes pans d'une dérive unique, celle du chemin tout tracé vers nos confins les plus mystérieux. Titiller doucement l'intimité de sens souvent trop endormis par des auditions automatiques de sons que l'on souhaite oublier, présents dans l'environnement quotidien. Interroger des musiques écoutées attentivement et par effet miroir en donner une réflexion distordue.
Together porte à l'auditeur des nappes étendues de synthétiseurs des environnements épurés de tout autre instrument habituel de NIN. Absence de voix également, allongements de temporalités qui font étrangement échos au contexte actuel lors duquel le temps existe autrement pour tous. De récurrentes modulations sur les sons font vaciller les oreilles les plus pop.
Locusts se construit autour du clavier également, dans ce qu'il a de percussif, de résonnant. Le cheminement des pistes s'avère plus construit, développe des rythmes souvent répétitifs en se détériorant, parfois sautillant. Les réverbérations de notes s'allongent, vibratoires, ponctuées d'accroches électroniques pouvant être stridentes en arrière-plan de façon si éloigné qu'elles en perdent leur potentiel agressif, se cantonnant au rôle de textures. Les mélopées simples se développent comme des vagues dans un mixage d'apparitions et disparitions, les transformant en ombres fantômatiques qui dialoguent parfois avec une trompette.
Les couleurs sont évocatrices d'espaces libres et sauvages. On peut opter suivant notre sensibilitéà des grandes étendues vierges d'activité humaine, ou libérées des hommes comme de sombres friches industrielles. Puis entrent les voix, incantatoires, sombres, répétitives, aériennes, dans une transe froide et éperdue. Le piano est par moment utilisé comme objet par enregistrement acoustique de contact d'éléments, et d'actions directes sur ses diverses parties.battements de cœur, voix qui s'estompent au lointain, l'album finit en résonance des deux disques récents que j'ai bien écouté de NIN, Bad Witch et la bande son de Gone Girl.
l'Autre
En écoute et téléchargement gratuit sur le site de NIN :


mercredi 8 avril 2020

Stephen Vitiello & Molly Berg "I Drew A Fish Hook, And It Turned Into A Flower"



"tout le malheur des hommes vient d'ue seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre"  - Pascal.


Album de la réconciliation : trop souvent et à raison on qualifiera ce genre d’œuvre d’arty (=> entendre prétentieux et suffisant), voire de lowercase (=> comprendre concept qui tourne vite en boucle) flirtant avec une esthétique post-contemporaine qui reste encore à définir, trop emmêlé dans les volutes ambiantes... Stephen Vitiello (électroniques) & Molly Berg (clarinette) se jouent humblement de ces écueils sans pour autant chercher à les éviter.
Syncrétisme velouté, qui mélange habilement continuum (entendre par là « drone ») et organique (...on entend bien des instruments... et d’autres aussi !), « I Drew A Fish Hook, And It Turned Into A Flower » relève de ces fausses improvisations heureuses qui semblent tourner sur elles-mêmes dans un mouvement de mélancolie de l’instant présent à découvrir. Chaque partie qui s’enchaine dévoile un rai de lumière sur des territoires aux champs étendus.
On discerne, dans la brume, un noyau de jazz aux contours fuyants, cet art réservé et discret de la boucle vivante si cher à Steve Roden, la bande-son au ralenti d’un western dans lequel il ne se passerait rien. La constance des harmoniques dégagées constitue le véritable liant des 4 morceaux imbriqués lorsque les maigres et éparses structures rythmiques relancent discrètement la dynamique et les pulsations alanguies.
Une douce extase de bas-côté lorsque le son devient lumière; feutrée.


L'Un.


Stephen Vitiello & Molly Berg "I Drew A Fish Hook, And It Turned Into A Flower" (IIKKI. 2019 )