mardi 5 juin 2018

PRURIENT Rainbow Mirror


"car le bruit ne provient pas de la région du ciel"   (LUCRECE. De la nature VI, 98)



Pas de compromis ici, on tient entre ses doigts un chef d’œuvre expiatoire, on se surprend à côtoyer de près cette fois ces zones d’inconfort redoutées. Il m'aura fallu plusieurs semaines, quelques humbles détours pour appréhender la Bête à défaut de la dompter, bien incapable de m’accorder à son diapason distordu et concassé.
Une vingtaine d’année d’activisme de bruitiste déterminé, avec cette déjà (+/-) vingtième sortie de PRURIENT, Dominic Fernow revient sous son avatar qui lui sied le plus, terne reflet d’une âme grisâtre à défaut de réfraction d’un miroir brisé. Après son indépassable « Frozen Niagara Falls", brûlot industriel aux accents baroques, tout en contrastes et paroxysmes, le mieux était de modifier l’angle d’attaque, à rester tapi dans ce recoin d’ombre d’une mise en abîme rampante. Fernow prend son temps, cette fois-ci, à observer ses névroses infra-urbaines dévorantes avec une distance larvée et presque retenue : tout comme le dernier « Death is Unity with God » de son side-project electro-dub VATICAN SHADOW, « Rainbow Mirror » nous embarque pour un cauchemar sub-nauséeux de plus de trois heures, bande-son granuleuse d’une nuit sans fond, et véritable remake post-industriel d’un « Bad Lieutenant » revisité par un Hubert Selby coincé dans sa Geôle. Vertigineuse bouillie cérébrale, transcription dévorante d’une réclusion forcenée,  l’expérience est totalitaire, immersive, râpeuse et sans retour. 
L’artiste, sans filet ni cotte de maille.

L'Un.


PRURIENT "Raimbow Mirror" (ProfoundLore. 2017)