lundi 27 juin 2022

ANADOL "Felicita"

 "Tout le charme de l'Orient... Moitié loukoum, moitié ciguë..." J.P Belmondo "Le Guignolo"

 

 

Tout commence à Istanbul, ce carrefour des mondes à l’histoire millénaire, et Babel musicale. Embarquement sur le premier ferry pour Üsküdar dans un crépuscule glacial encore envapé. La musique cinématique de Gözen Atila (aka Anadol) musicienne turque basée à Berlin se nourrit goulument des diverses influences et courants contraires qui traversent le Bosphore : on parle là de pop-turque, d’arabesques, de jazz trippé, le tout largement enveloppé d’expérimentations électroniques et obsédants field-recording en contrepoint. Un disque hybride à la croisée des cultures et contradictions, où toutes les dualités sont intriquées : la modernité se mélange à la tradition, une identité écartelée entre un orient fantasmé et l’occident toujours plus dévorant. A la fois sombre comme une ruelle de Beyoğlu et ludique comme une ligne de synthé Casio marchandé dans le grand bazaar… Ce kaléidoscope nous embarque dans un travelling inouï qui manipulera autant de clichés pour mieux les remettre en question. On ressent comme une pulsation mate qui trimballe son swing mid-tempo nocturne et interlope au travers de nappes de réverb’ et d’échos. Les contretemps sont en embuscades dès que le propos se veut léger et insouciant, quand certains passages s’étirent à volonté dans un glissando de textures et de flottements qui flirtent avec un minimalisme des plus contemporains… Au final, ça pourrait évoquer les obsessions narratives d’un John Zorn qui se serait enfin décidé à ressortir un album véritablement inspiré ; mais tout le monde n’est pas forcément touché par la grâce, et ces temps-ci, c’est de ce côté du monde qu’il faut tourner ses oreilles pour prétendre à ce petit supplément d’âme qui fait si souvent défaut... Juste un pont à franchir… 

 

 

L'Un.

 

ANADOL "Felicita" (Pingipung. 2022)

 

 

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