jeudi 2 juin 2022

Ursula SERENGHY : "OK Box"

Quand on évoque la musique d’Ursula Serenghy on pense d’emblée « technique ». Mais derrière le mur de dissonances virtuelles et virtuoses de son OK Box, il y a tout un processus créatif paradoxal qui relèverait presque de ce storytelling mercantile rabâché à longueur de clics sur les réseaux sociaux. Et une artiste qui repense son art et sa position. Lassée de n’être que saxophoniste dans des formations de jazz, c’est-à-dire simple exécutante, cette jeune musicienne tchèque autodidacte fait table rase : pour composer elle troquera les instruments en cuivre pour un ordinateur. Et pour ressourcer sa créativité, elle ressuscite le mythe de la cabane au fond des bois en s’isolant à la campagne, sans eau courante ni électricité (juste quelques accus solaires pour l’ordi), la solitude pour meilleure amie. Le résultat de cette réclusion volontaire est pourtant loin, très loin de l’idée qu’on pourrait s’en faire : ses méditations ne prennent pas la forme de ce bon vieux folk champêtre (et un peu geignard) qui prône un sempiternel retour aux sources, mais constituent plutôt un petit brûlot  digital iconoclaste et diffracté qui vous chope à la gorge, en embuscade… au coin d’un bois. S’il exprime bien une certaine déconnexion avec ce « monde d’avant » qui s’obstine à perdurer, c’est de manière anguleuse, éclatée. Du jazz de ses débuts, ne restent que le souffle des colonnes de cuivre passé dans les filtres aléatoires d’une synthèse granulaire assumée, une pulsation qui s’est muée en un groove fractal et sautillant. On se situe sur les marges ténues d’une EDM exigeante et de l’électroacoustique souvent considérée à tort comme bien plus savante… Avec ce côté bonbon acidulé de notre enfance qui explose dans le palais…. Musique de rupture, le travail de déconstruction méticuleux d‘OK Box propose une contemplation horizontale et vibrionnante du flux permanent d’un monde parti en roue libre. Dans cette niche sonore indéfinissable il y a eu des pionniers comme Rafael Toral et son free-jazz électronique hermétique ou encore Steve Fisk, dont le travail s’apparente fortement, mais Ursula Serenghy nous propose quelque chose de beaucoup plus ludique, accessible, avec ce swing instable et éclaté. Assemblage d’orfèvre subtil et tout en demi-teinte, OK Box nous propose une escapade émancipatrice qui ouvre nos oreilles à des horizons alternatifs en forme de tourbillons virtuels.

 

L'Un.

Ursula SERENGHY "OK Box" (Gin&Platonic. 2021)

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