euh... et consumimur igni ?
Depuis une 30taine d’années les pulsations
cotonneuses nimbées d’infra-basses du Consumed de Ritchie Hawtin (aka Plastikman) l’auront
propulsé bien au-delà du monde du monde de la techno alors en pleine expansion
confidentielle : on y flirtait alors avec une ambient glaciale,
l’abstraction la plus contemporaine ou un dub profond et épuré. L’album tout en
discrétion feutrée a gagné le statut indépassable d’album culte figé depuis
dans sa propre légende. Le fait que Gonzales ne le découvre que très récemment et
l’apprécie peut surprendre. Le fait qu’il déplore les silences trop nombreux
qui hantent les compositions étonnera moins lorsqu’on connait le melon du
bonhomme. Et c’est dans cette optique qu’il se proposait de combles ces creux
en revisitant l’album avec ses grosses papattes de pianiste mal dégrossi… exercice
de remix ? Clairement non. Réinterprétation ? Non plus. Coup
commercial… probablement. Réappropriation, quelque part… Rencontre ou collision
de deux personnages qui ne se sont jamais rencontrés et dont les horizons
musicaux sont tout aussi imperméables et
étrangers ? Si un parallèle évident est à établir avec Alva Noto et Ryuichi
Sakamoto, la différence réside dans la démarche : ces derniers
collaboraient alors que nos deux protagonistes conversent à distance sur un
terrain qu’aucun des deux ne maitrise. Réalisé pendant cette période de
confinement, seul lien ténu entre les deux canadiens était un producteur qui
servait de boite à lettre. Il a fallu un certain temps d’adaptation à Ritchie
Hawtin pour accepter l’idée et faire sauter quelques points de blocage. Mais
l’alchimie opère et le matériau sonore patiemment proposé devient tangible et
sensible. Gonzales a su éviter habilement les obstacles propres à cet exercice
de style casse-gueule en faisant preuve de discrétion et d’une écoute profonde
et attentive : le canevas originel n’est nullement remixé mais au
contraire entièrement utilisé comme toile de fond cotonneuse pour de douces et
délicates digressions pianistiques qui viennent se nicher au cœur de ces
fameux silences. Fragile présence humaine
qui nous aide à traverser cet épais brouillard fantomatique aux profondeurs
abyssales. Cette approche simple (en apparence) est assez troublante au final,
confortant l’impression d’un seul et même album pour qui n’aurait pas réécouté le
Consumed depuis un moment. L’intégration se fait fusion et la collision n’aura
jamais lieu : l’intuition initiale de Gonzales était la bonne…
Sinon pour un prochain remix avec les potards bien dans le rouge, il faudrait peut-être songer à inviter Justin K. Broadrick...
L'Un.
PLASTIKMAN & CHILLY GONZALES : "Consumed in key" (TurboRecording. 2022)
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