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dimanche 25 août 2024

SHACKLETON : The Scandal of Time

 "Through endurance we conquer.” (Ernest H. Shackleton)

 

En Allemagne, on ne plaisante pas avec la tradition. Enfin surtout lorsqu’il s’agit de musique électronique. On peut toujours arguer avec la french touch, le son de Detroit, mais outre-Rhin ça fait maintenant près de 5 décennies que les synthés, samplers et autres machineries entretiennent une relation particulière avec leurs concitoyens à la fois fêtards et placides. SHACKLETON, oui oui, j’en avais vaguement parlé l’an passé avec un sympathique et polyrythmique Death By Tickling. Bon, en fait Sam Shackleton est un citoyen britannique, transfuge dubstep expatrié wo die Aktion ist… Prolixes et un brin iconoclastes, les albums restent un prétexte pour repousser ses propres horizons là où on ne l’attend pas. Au gré de ses errances. Figure atypique d’une scène musicale plus habituée aux métronomes et une Autobahn qui file droit. « The Scandal of Time » entame son entreprise de désamorçage dans un brouillard suavement ondulatoire qui nimbe une poésie aux accents médiévaux. Le groove est angulaire et cotonneux pour se diluer dans les vrilles d’une virée hypnotique. Les dérives sont souvent quantiques, quelques touches d’un orientalisme désuet qui vous ramène à la patine d’un siècle lointain. Rétro-exotisme même, quand les transes syncopées de Dying Regime nous emmènent (sans filet) dans les hauteurs de la canopée tropicale. Avec les incantations de Faraway Flowers ou du suivant Wrecking Ball, un possible mauvais trip guette; jamais très loin d’ailleurs, comme tapi dans les affres d’un cerveau créateur en roue libre. Parce qu’au final c’est un peu ça l’œuvre labyrinthique de SHACKLETON : erratique et sans objet ni véritable fil conducteur. Laconique il se contera de dire « j’ai fait un album ». Et il n’y a rien à ajouter, nous reléguant de la sorte aux confins de la nuit, à attendre cette lueur distante entre chien et loup. Musique de fin de comptoir ou d’entre-deux qui vous laisse pantois au petit matin.

 

L'Un.

SHACKLETON : The Scandal of Time (WoeToTheSepticHeart. 2023)

dimanche 7 janvier 2024

YAEJI : With a Hammer

 

Si vous aimez les triangulations hasardeuses alors pensez BJÖRK (moins boursouflé), CIBBO MATO (moins faussement naïf), Tujiko NORIKO (en plus rythmé) ou Yolandi « ANTWOORD »VISSER ( putasserie et hélium dans la voix en moins). A force de rapprochements, on tient plutôt là un carré de reines. En général pareille superposition de comparaisons douteuses augure une pauvreté créative sans fond et un manque d’inspiration des 2 côtés de la plume du clavier. Mais à accumuler les parallèles de la sorte il se peut que précisément l’OVNI musical et mutant aux formes indéfinissables se situe ailleurs, dans un écosystème intime qui lui est propre. A ressembler à tout et à rien, on est parfois soi-même. Peut-être même que les artistes cités font partie du petit panthéon des influences de la jeune américano-coréenne. Peut-être que non, toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence. Cet album, je ne l’avais pas vraiment vu passer, snobant un artwork peut être trop marqué par la culture manga ( ?). Quoique : YAEJI revient, prête à en découdre. A grands coups de hache (saccadés) dans la production (brillante). Beaucoup de choses à dire après un confinement de plein fouet, sa condition de femme, « d’origine » asiatique qui plus est. Des revendications portées par une voix fluette presque enfantine, conformément à des présupposés codes de la pop asiatique. Les rythmiques appuyées flirtent souvent avec des déflagrations drum & bass profondes ou du trip-hop rêveur. Les morceaux sont souvent tubesques avec de belles plages vaporeuses. L’anglais se mélange sans nuance au coréen (que je n’arrive pas à distinguer du japonais. Eh ben bravo…). Production exemplaire pleine de glitches et de trouvailles (particulièrement sur le traitement des plages vocales), au spectre bien plombé dans les basses, on se rêve à imaginer là le résultat d’un travail nocturne et solitaire en home-studio s’il en est. La musique est fraiche et légère et bien ancrée dans une urbanité post-moderne fantasmée. Pour une idée plus précise, merci de vous référer aux (grandes) artistes citées au début de cette chronique. Quant aux héritiers de Blade Runner, ils n’ont pas à s’inquiéter pour une quelconque relève. La boucle est bouclée dans une introspection sans fin.

 

L'Un.

YAEJI : "With a Hammer" ( XLrecordings. 2023)