"Through endurance we conquer.” (
En Allemagne, on ne plaisante pas
avec la tradition. Enfin surtout lorsqu’il s’agit de musique électronique. On
peut toujours arguer avec la french touch, le son de Detroit, mais
outre-Rhin ça fait maintenant près de 5 décennies que les synthés, samplers et
autres machineries entretiennent une relation particulière avec leurs
concitoyens à la fois fêtards et placides. SHACKLETON, oui oui, j’en avais
vaguement parlé l’an passé avec un sympathique et polyrythmique Death By
Tickling. Bon, en fait Sam Shackleton est un citoyen britannique, transfuge dubstep
expatrié wo die Aktion ist… Prolixes et un brin iconoclastes, les
albums restent un prétexte pour repousser ses propres horizons là où on ne
l’attend pas. Au gré de ses errances. Figure atypique d’une scène musicale plus
habituée aux métronomes et une Autobahn qui file droit. « The
Scandal of Time » entame son entreprise de désamorçage dans un
brouillard suavement ondulatoire qui nimbe une poésie aux accents médiévaux. Le
groove est angulaire et cotonneux pour se diluer dans les vrilles d’une virée
hypnotique. Les dérives sont souvent quantiques, quelques touches d’un orientalisme
désuet qui vous ramène à la patine d’un siècle lointain. Rétro-exotisme même,
quand les transes syncopées de Dying Regime nous emmènent (sans filet) dans les
hauteurs de la canopée tropicale. Avec les incantations de Faraway Flowers ou
du suivant Wrecking Ball, un possible mauvais trip guette; jamais très loin
d’ailleurs, comme tapi dans les affres d’un cerveau créateur en roue libre. Parce
qu’au final c’est un peu ça l’œuvre labyrinthique de SHACKLETON :
erratique et sans objet ni véritable fil conducteur. Laconique il se contera de
dire « j’ai fait un album ». Et il n’y a rien à ajouter, nous
reléguant de la sorte aux confins de la nuit, à attendre cette lueur distante
entre chien et loup. Musique de fin de comptoir ou d’entre-deux qui vous laisse
pantois au petit matin.
L'Un.
SHACKLETON : The Scandal of Time (WoeToTheSepticHeart. 2023)