"Où ça nous mène la folie des hommes. On court tout droit à notre perte." (G. Abitbol).
Après un hiatus de quelques années Dälek nous revient, la
bouche pas vraiment en cœur, avec un 8° album inespéré. Histoire de
clôturer le cercle de merde sans fin de ces dernières années écoulées
outre-Atlantique. C’est vrai qu’ils auront eu droit aux 12 plaies d’Amérique, à
commencer par ce faux-prophète peroxydé qui aura achevé de faire basculer le
pays dans une profonde fracture, tous les voyants sociaux dans le rouge,
quelques, ouragans ou incendies à la « burn Hollywood, burn »
pour bien rappeler que le réchauffement climatique ne reste au final qu’une
chimère fantasmée par un groupuscules de post-gauchistes aigris. What else ?
Des classes moyennes décimées par une distribution massive d'opiacés sur ordonnances ? Ah, on en
oubliait cette pandémie, ce chinese virus (sic !) qui pour la
première fois dans l’histoire récente, rappelait que l’humanité était
finalement une et surtout fragile. Au bord du précipice, donc. D’un
abîme. Après ces 5 années de silence, le ton s’est tout naturellement
durci. Certes les gars de Dälek n’ont jamais été de francs rigolards, mais un
contexte aussi affligeant aura définitivement fait glisser la conception de
l’album sur la pente raide en forme de vis sans fin. Et ce n’est pas leur intro
instrumentale en forme de glissando claustrophobe qui nous fera penser le contraire.
La tonalité se situe globalement quelques demi-tons dans les graves. Pour le
reste, le groupe n’a pas vraiment changé sa méthode : des boucles en
boucles autistes qui s’empilent en nappes épaisses alors que les beats hypnotiques et
corrodés font régulièrement monter les aiguilles du compteur Geiger dans le
rouge. Le flow acide de M.C Dälek se cale, métronomique, envoyant ses sourdes imprécations
comme d’autres balanceraient leurs fatwas avachis dans leur sofa à rien foutre…
L’ensemble reste tendu et anxiogène à souhait, et le morceau éponyme en est
l’illustration sans appel. Mais quelques fulgurances de facture presque
classiques comme Holistic ou Good apportent une petite bouffée d’oxygène
salutaire à l’album. Ces pionniers d’un hip-hop expérimental tendance lourde et
sans raccourcis, n’ont eu de cesse de manier la chape de plomb et le propos
acerbe plutôt que la rime bling-bling et le sample facile. On pourrait aisément
les raccrocher au peloton d’innovateurs et autres mauvais coucheurs du rap comme
Clipping, les incontournables poseurs de Death Grips ou encore Danny Brown,
Ho99o9… mais la voie qu’ils empruntent les rapproche davantage de la nébuleuse indéterminée
Justin K. Broadrick, My Bloody Valentines, les légendes allemandes de Faust avec qui ils ont
enregistré un album ; Scorn aussi, dont on peut se demander pourquoi ces
deux entités pachydermiques n’ont toujours pas mélangé leurs texture sur un
album… Certains s’enflamment déjà en affirmant qu’on tient
peut-être là un des meilleurs albums rap d'une année à peine commencée… Et ils
ont peut-être raison : Precipice colle si bien avec l’ambiance
(post- ?) apocalyptique de son époque. Brulot acide, plombant et sombre
qui vous colle aux burnes comme un jean’s slim mal taillé de hipster sur le carreau. Et on ne pouvait pas
attendre moins venant d’artistes qui se sentent concernés. Mais bon, sinon dans
notre petit hexagone on a toujours Orelsan… What fucking else ?
L'Un.
DÄLEK : "Precipice (Ipecac. 2022)
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