mardi 19 juillet 2022

HELMS ALEE : Keep This Be The Way

 La force véritable ne gâche jamais la beauté ni l'harmonie ; souvent même elles suscite et, en chaque chose d'une imposante beauté, on trouve beaucoup de force alliée à la magie. (Herman Melville)

 

S’attaquer à ce 6° et dernier opus de Helms Alee, c’est précisément le confronter au reste de leur discographie. Ça faisait un moment que les morceaux monolithiques de ce power trio sludge/noise parvenaient à capter mon attention le temps d’une embardée poisseuse en leur compagnie à boire une ou deux bières tièdes sur la jetée, puis on rentre à la maison, vaguement satisfait de cette escapade un peu coupable, un bon coup de massue sur le crâne encore grésillant. Mais avec Keep This Be the Way, un gros changement de braquet s’opère. Le groupe s’est tranquillement hissé dans des strates supérieures, avec ce qu’il est commun d’appeler un album de la maturité. La frange dure des fans originels dénoncera sûrement une démarche commerciale et arrêtera l’aventure avec le précédent Noctiluca. Tout le monde n’a pas vocation à rester dans sa zone de confort, aussi tumultueuse fut-elle : même les albums récents d’AC/DC en attestent (de manière imperceptible et avec parcimonie certes). L’évolution est en marche, même pour ces trois chevelus de Seattle (ville ou, de toute façon, on arbore fièrement le look bucheron Neandertal et le cheveu gras assorti). Alors ok le côté massif et saturé prend quelques coups de canif dans les côtes pour insuffler de l’air, de l’air dans une production devenue plus cristalline et stratosphérique. Une ligne claire comme une percée dans la forêt, qui sert les sinuosités de compositions plus aventureuses, posées en un clair-obscur naturaliste suave et nuancé. Les atmosphères se veulent sombres tendues, chargées d’un lancinant mystère et parsemées de pulsations sourdes, soubresauts électriques et autres glissandos dramatiques. Il y a toujours cette chape au-dessus de nos têtes, Helms Alee aura simplement remplacé le plomb par son équivalent de plumes, de brume ou encore de feuillage épais. Alors oui, il y a des connexions évidentes à faire avec les mastodontes du genre : on pense très fort aux telluriques Isis et les indétrônables Neurosis. Mais si Helms Alee se démarque par sa discrète grandiloquence à tutoyer les contraires de la sorte, c’est surtout les voix de Dana James et Hozoji Matheson, superbement mise en valeur, qui apportent à Keep This Be The Way cette part féminine qui manque si cruellement à la majorité des groupes pré-cités (même si Neurosis a écrit un opus pour Jarboe). En alternance avec les braillements époumonés de singe hurleur de Ben Velleren, l’équilibre est parfait et le temps suspendu. En souhaitant que le groupe s'obstine à persévérer dans cette voie impénétrable et altière avec les quelques coups de machette de rigueur.

 

L'Un.

HELMS ALEE : "Keep this be the way" ( SargentHouse. 2022)

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