La force véritable ne gâche jamais la beauté ni l'harmonie ; souvent
même elles suscite et, en chaque chose d'une imposante beauté, on trouve
beaucoup de force alliée à la magie. (Herman Melville)
S’attaquer à ce 6° et dernier
opus de Helms Alee, c’est précisément le confronter au reste de leur
discographie. Ça faisait un moment que les morceaux monolithiques de ce power
trio sludge/noise parvenaient à capter mon attention le temps d’une embardée
poisseuse en leur compagnie à boire une ou deux bières tièdes sur la jetée,
puis on rentre à la maison, vaguement satisfait de cette escapade un peu
coupable, un bon coup de massue sur le crâne encore grésillant. Mais avec Keep This Be the Way, un gros changement de
braquet s’opère. Le groupe s’est tranquillement hissé dans des strates
supérieures, avec ce qu’il est commun d’appeler un album de la maturité. La
frange dure des fans originels dénoncera sûrement une démarche commerciale et
arrêtera l’aventure avec le précédent Noctiluca. Tout le monde n’a pas
vocation à rester dans sa zone de confort, aussi tumultueuse fut-elle : même les
albums récents d’AC/DC en attestent (de manière imperceptible et avec
parcimonie certes). L’évolution est en marche, même pour ces trois chevelus de Seattle
(ville ou, de toute façon, on arbore fièrement le look bucheron Neandertal et
le cheveu gras assorti). Alors ok le côté massif et saturé prend quelques coups
de canif dans les côtes pour insuffler de l’air, de l’air dans une production
devenue plus cristalline et stratosphérique. Une ligne claire comme une percée
dans la forêt, qui sert les sinuosités de compositions plus aventureuses,
posées en un clair-obscur naturaliste suave et nuancé. Les atmosphères se veulent sombres
tendues, chargées d’un lancinant mystère et parsemées de pulsations sourdes, soubresauts
électriques et autres glissandos dramatiques. Il y a toujours cette chape
au-dessus de nos têtes, Helms Alee aura simplement remplacé le plomb par son
équivalent de plumes, de brume ou encore de feuillage épais. Alors oui, il y a des connexions évidentes à faire avec
les mastodontes du genre : on pense très fort aux telluriques Isis et les
indétrônables Neurosis. Mais si Helms Alee se démarque par sa discrète
grandiloquence à tutoyer les contraires de la sorte, c’est surtout les voix de
Dana James et Hozoji Matheson, superbement mise en valeur, qui apportent à Keep
This Be The Way cette part féminine qui manque si cruellement à la majorité des
groupes pré-cités (même si Neurosis a écrit un opus pour Jarboe). En alternance avec
les braillements époumonés de singe hurleur de Ben Velleren, l’équilibre est
parfait et le temps suspendu. En souhaitant que le groupe s'obstine à persévérer dans cette voie impénétrable et altière avec les quelques coups de machette de rigueur.
L'Un.
HELMS ALEE : "Keep this be the way" ( SargentHouse. 2022)
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