mercredi 1 décembre 2021

Les disques de l'Un #13/10 : CRASS "Stations of the Crass"

Disque de chevet… L’an passé on s’était bien promis de s’en tenir là, la liste était clôturée. Et s’il n’en fallait qu’un de plus ; parce que celui-là avait pas mal pesé dans la balance au moment des choix. Obsessionnel, à la manière de ce rythme en staccato qui parcourt tout l’album. Alors ok ok ok on va pas réécrire la bio de ce collectif quasi-mythique de hippies ayant viré anarcho punk avant l’heure. Il y a un chouette bouquin pour ça… Ni évoquer le détournement so chic de leurs logo par l’establishment : Angelina Jolie en porte un (par chez nous on a aussi Jean-Luc Lahaye arborant un tshirt Black Flag…. vomitose…) : la street credibility est désormais une valeur cotée à la bourse du bon goût institutionnalisé.

Une claque salutaire, lorsque j’ai découvert « Stations of the Crass », alors que mes convictions en termes d’éthique musicale vacillaient déjà. Jamais entendu pareille hargne derrière un micro ; une scansion qui force au respect tant elle suinte un militantisme sans faille. Le groupe  était menaçant avec ce côté martial et austère de moines-soldats dépenaillés. Et Crass à un moment donné aura inquiété l’establishment britannique pendant la guerre des Malouines. Le groupe prônait la lucidité et le questionnement derrière ses slogans chocs et cette esthétique militante en noir et blanc de rat des villes. Parce que Crass ne jouaient pas vraiment du punk. Rejet de la forme et des codes déjà établis de cet effet de mode déjà passé dans la moulinette à fric des majors. Des hippies fascinés par l’énergie de The Clash, certes, mais qui auraient rencontré le kraut rock des rythmiques métronomiques et décharnée entretemps, lorgné vers les collages du Cabaret Voltaire mais aussi ce "swing" nowave de la scène downtown new-yorkaise. Stations of the Crass, 2° opus dans une discographie de remise en question permanente : on est passé à un stade supérieur, en terme de composition (plus aérée, moins acérée) et de production (plus cohérente, moins abrasive) même si avec des brulots comme « System » « It ain’t thick…. » ou « White punks on hope » on est pas loin des hymnes séminaux qu’étaient « Do they owe us a living » ou « Punk is dead »... L'album est une enfilade de morceaux  tous plus accrocheurs avec cette dose de dissonance nécessaire. La participation encore minoritaire mais plus affirmée d’Eve Libertine et Joy de Vivre sur des morceaux comme "Darling" et le vaporeux "Walls" présage de ce que sera la suite avec l’album « Penis Envy », « petit » chef d’œuvre post-punk et disque féministe avant l’heure s’il en est…  Dans une veine plus expérimentale "Demoncrats" préfigure peut-être ce que seront les « Yes Sir I Will » ou « Christ, the Album ». Au final, cet ambitieux Stations of the Crass sans pour autant être leur White Album, se situe un peu à la croisée de leur carrière plutôt brève, exemplaire et fulgurante.

Si l’influence quasi spirituelle de Crass se fait toujours sentir dans la communauté hardcore crust et affiliés scrofuleux qui s’en réclament goulument, on ne peut pas vraiment parler de descendance directe : les mêmes punks à chiens puiseront plutôt leurs racines musicales et stylistiques dans des groupes comme Discharge ou Amebix… Reste ce logo au graphisme entrelacé et  délibérément ambigu, celui-là même qui recouvre la poitrine de la Angelina Jolie ou des vestes à clous graisseuses et qui s’affiche sur les étals de tous les festivals du monde à côté des tshirts du Ché vendus 40€… 

La révolution est à vendre : c’est cette fucking époque qui veut ça, do they ?… 

 

 


L'Un.

 

CRASS "Stations of the Crass" (CrassRecords. 1979) 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire