(prononcer [ˈaɪnˌʃtʏɐt͡səndə ˈnɔʏˌbaʊtən] )
L’année du bac, un pote avisé me refile une cassette d’un groupe allemand « qui fait de la musique avec des bouts de métal, sonorise les caddies, des ressorts et des tubes en plomb » ; pendant ce temps-là à l’ouest, rien de nouveau. Une aubaine pour continuer à emprunter des chemins de traverses, qui plus est affranchis de l’idiome dominant du rock à l’anglo-saxonne. Disque de chevet, « cette année là », dont la chanson éponyme aux textes structurés aura été intégrée à la liste de textes pour l’oral d’allemand (mais l’examinateur et ses sandales en cuir et barbe mal taillée m’ont orienté sur un pamphlet socio-écologique qui excitait déjà terriblement les habitants d’outre-Rhin…).
En 1989, Haus der Lüge est déjà le 5° album à l’actif des bruitistes berlinois d’Einstürzende Neubauten qui aura passé près d’une décennie à décliner sombrement l’art de torturer les oreilles et la psyché de l’auditeur tout en lui accordant un aperçu vers des contrées industrielles chaotiques guère explorées jusque-là. Avec cet opus, le groupe amorce un virage mélodique qui, même s’il pointait son nez par touches éparses auparavant, annonce cette fois-ci clairement les trois décennies à venir. Et le grandiloquent Prolog donne le ton, grandiloquent et probablement autoparodique avec ce titre en forme de manifeste : Einstürzende est de retour, l’affirme, même si au fil des morceaux c’est surtout la personnalité de Blixa Bargeld qui prend le dessus. Que ce soit dans un allemand guttural sachant flirter avec la scansion rap sur le prophétique Haus der Lüge, ou avec cette théâtralité toute affectée sur l’œdipien et épuré Stuhl in der Hölle. Mais le groupe innove aussi, épousant l’air du temps, à inviter les techniques de sampling (voire des synthés sur le désuet Feurio aux accents EBM) dans le mix. Les perceuses à trépaner et autres métaux fracassés restent une matière brute à transformer, mais ce sera désormais de manière moins frontale (même si on peut considérer que «Fünf Auf Der Nach Oben Offenen Richterskala» avait créé un précédent)…
Si cet album charnière dans la carrière de ces énergumènes (!) en mouvement perpétuel peut sembler un peu daté, il reste la porte d’entrée idéale pour se frotter à la radicalité de leurs débuts ou se projeter dans les diverses incarnations esthétiques (parfois boursouflées et très éloignées du magma originel) qui se succéderont jusqu’au « Alles in Allem » tout juste paru. Cette créativité ouverte aux vents contraires couplée à ce sens du rythme acéré, relèvent d’une idiosyncrasie sans faille. Einstürzende Neubauten reste un groupe parmi les plus originaux de ces 40 dernières années, qui, à défaut d’être véritablement influent, aura surtout réussi à se renouveler au fil d'un temps parallèle et étranger, tout en conservant cet ADN en acier trempé et ce sens d’un blues tout berlinois, copieusement imbibé de vodka et de speed; histoire de nourrir les égos au sein du groupe...
L'Un.
EINSTURZENDE NEUBAUTEN "Haus der Lüge" (SomeBizarre. 1989)
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