J'entends ta voix dans tous les bruits du monde (P. Eluard)
« Encore » ? Oui,
un de plus. Et on l’attendait pas celui-là, sorti comme au coin d’un bois,
quelques mois après la sortie d’un excellent Ô Seuil. Sur les précédents Chutes
ou Drachen, j’ai pu évoquer tantôt une verticalité (exquise), des frémissements
statiques et plus récemment d’amples mouvements panoramiques… Des qualificatifs
antinomiques pour des albums qui se répondent et constituent en fait un corpus
cohérent. Mais ce (judicieusement) nommé « Encore » ressemble davantage
à ce qu’il est convenu d’appeler une compilation de fonds de tiroir, ces lost
tracks souvent inspirés dont on ne sait pas forcément qu’en faire. On
optera plutôt pour des termes sensiblement plus ouverts comme des
« à-côtés », ou autres « projets orphelins ». « Encore »
n’est pas exactement à situer dans la continuité des albums évoqués
plus haut. On est plutôt à la tangente des travaux de Mathias Delplanque ou à
un certain parallèle qui s’entrecroise… Le matériau utilisé est
unique (des archives sonores de Mathias), multiple (les sources se
croisent, qu’elles soient personnelles, ou liées à son travail sur la danse) et
surtout complexe (puisque réassemblé, collé, superposé). Les 5 morceaux
proposés semblent prendre tout leur temps dans une mise en place tranquille,
comme pour activer un processus d’observation du phénomène sonore. Ces paysages
(re-)créés, agglomérés, brouillent les pistes se jouant de la sorte d’une
mémoire et d’un temps que l’on voudrait souvent trop linéaires. Dans ce dédale
d’aplats de sons et de matières intriqués ce sont les voix qui nous servent de fil
conducteur : qu’elles nous interpellent (« Viens ! »),
inquiétantes ou imprécatoires («open that fuckin door ! »), elles se aussi
font très intimes sur Alain et ses accents rituels. Une déambulation, erratique
légèrement teintée de mystère dans laquelle on entend poindre la patte
inimitable de Mathias. Comme sur le négatif d’une vieille diapo floue, à
convoquer la confusion de nos souvenirs enfouis. Je ne sais si au final cette
rétrospective introspective débouchera sur de nouvelles pistes ou d’autres
processus créatifs. Mais pour l’instant on s’en contentera avec une délectation
certaine.
L'Un.
Mathias DELPLANQUE : "Encore" (Warm. 2023)
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