Nous ne croyons pas à l'Enfer, nous sommes incapables de l'imaginer, et pourtant il existe, on peut s'y retrouver brusquement au-delà de toute expression. (W. Styron )
On pensait bien qu’on ne les y reprendrait pas, que
Post-Self était peut-être leur dernier album. Justin K. Broadrick pensait
quelque part avoir fait le tour du concept, préférant diluer névroses et
colères dans des projets aux connotations plus ambiantes et introspectives. Et
on ne lui en aurait pas voulu, après plus de 30 ans, une poignée d’albums cultes,
et surtout ces concerts monolithiques qui ont tout bonnement réussi à retourner
la peau du cul d’un public subjugué, terrassé. Impériale, l’ombre de GODFLESH n'a
cessé de planer sur ce qu’on appelle, faute de mieux, les musiques extrêmes.
Hiératique, à se renouveler sans cesse dans cette austérité sombre et
implacable, GODFLESH est devenu au fil des années à la côtoyer une entité
organique, bande-son presque tangible de nos pires cauchemars du quotidien.
Mais la Bête reste chevillée au corps, à vous ronger les tripes. Que
voulez-vous : de Pure à Purge, il n’y a qu’une lettre, le G de de
gODFLESH, un pas, trois décennies et plus encore que jamais ce besoin
irrépressible d’en découdre. Avec soi-même avant tout. Régurgitation exutoire
et salvatrice pour un Justin K. Broadrick reclus. Vis de purge desserrée, ce 3°
album depuis leur reformation se veut cathartique, urgent. Et rétrospectif
aussi à inviter les samples qui faisaient le groove industriel de Pure, la
guitare pitchée de Streetcleaner. Et cette putain de voix, frontale,
directe, hurlée et plus écorchée que jamais. Album soupape. Réactivation
viscérale d’un duo sur la brèche. Sur les premiers morceaux (LAND LORD en
particulier), GODFLESH repart sur ses fondamentaux et marque de fabrique avec
cet art du riff atonal en vrille, de la pulsation basse noyée dans la
distorsion crasse, une rythmique martiale et désincarnée. De la chair fraiche
pour tout fan lambda jamais rassasié. La suite est inégale, en intercalant des
ambiances plus évanescentes vaguement shoegaze dans PERMISSION, la voix
parfois noyée dans les échos. Des morceaux comme MYTHOLOGY OF SELF gardent
cette férocité post-apocalyptique des morceaux les plus écrasants du duo,
LAZARUS LEPER convoque plus que jamais la misanthropie mécanique de leurs
débuts. YOU ARE THE JUDGE THE JURY AND THE EXECUTIONER clôture l’album en
s’étirant sur un rythme ralenti, synthèse de tous les projets et obsessions intimes
de Broadrick. Au final on en ressort passablement rassasié ; peut-être pas
assez, si on s’obstine à essayer de réitérer l’expérience des débuts du groupe.
Peut-être que précisément les multiples directions empruntées manquent de cette
homogénéité qui rendrait l’ensemble plus massif et imparable (comme Hymns ou l'incontournable Streetcleaner). Peut-être la faute à une production chirurgicale un
brin trop aseptisée qui ne convient pas à un groupe habitué à opérer sur des
terrains plus abrasifs. Peut-être aussi que
le groupe a atteint sa vitesse de croisière, assumant une formule rodée et
corrodée quasi inamovible depuis ses débuts. Ce qui est certain c’est que
GODFLESH répond à un besoin compulsif et vital pour ses membres. Libre à
l’auditeur de s’embarquer ou non pour une traque bruyante de leurs derniers
démons planqués sous le tapis.
L'Un.
GODFLESH : "Purge" (AvalancheRecordings. 2023)
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