dimanche 2 octobre 2022

Mathias DELPLANQUE : O Seuil

"La fin du monde est un concept sans avenir" (Paul Virilio)

 

On va pas se le cacher : il était attendu depuis un sacré moment, le nouveau Delplanque solo ! Petit moment de réjouissance en soi et trépignements d’impatience avant même de le jouer sur la platine. Il en va de ces sorciers du son dont la musique tisse des écheveaux qui rentrent en résonance directe avec la partie la plus enfouie de votre cerveau reptilien… Après la verticalité de Chutes, ou un Drachen tout en frémissements statiques, la question est de savoir où positionner O Seuil et sa pochette à la verdure intrigante. O Seuil de quoi déjà ? De nos attentes les plus folles ? D’une dislocation imminente, de la fin de la corne d’Abondance (oui oui, ça on sait…) ? Ou encore d’une nouvelle direction que Mathias nous inviterait à emprunter ensemble, en le franchissant ce seuil, comme tapi à l’orée d’une forêt périurbaine (?)… Ah ah, probablement un peu de ça, et un peu de tout le reste. Car si les choses semblent se caler d’une manière qui nous semblerait presque coutumière sur les premières secondes de O Seuil #1, on sent un glissement s’installer dans le modus operandi avec cette note pulsative rampante qui ne nous lâchera plus au fil des morceaux, évoluant vers des figures rythmiques plus ou moins hypnotiques. Au fur et à mesure s’invitent dans cet étrange carrousel ces lignes mélodiques lointaines et hantées. Elles proviennent d’un instrumentarium que l’on ne connaissait pas chez Mathias Delplanque. Pas forcément identifiées, elles prennent place  sur ce tapis de frémissements sonores strictement contrôlés auxquels le compositeur nous avait habitués. La direction empruntée oscille entre un post-rock diaphane et un doom étrangement solennel, entachée par les vieilles habitudes de parasitages électroacoustiques. Des  field-recordings comme en contrepoint espiègles parcourent certains morceaux renforçant cette lancinante sensation d’une proximité en léger décalage. Disque aux titres éponymes qui se consomme comme un long travelling sonore d’une bande-son statique et empesée. Et on tient peut-être là une partie de notre réponse : après les précédent Chutes et Drachen donc, O Seuil s’inscrit dans un ample mouvement panoramique, réponse dystopique aux angoisses qui nourrissent notre époque et nous taraudent. Mais Mathias Delplanque le fait avec une maitrise et une élégance qui restent là son véritable savoir-faire.

 

L'Un.

Mathias DELPLANQUE : "O Seuil" (Ici, d'Ailleurs. 2022)

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