vendredi 24 juillet 2020

disco secrète de l'Un #2/10 : NO AGE (a compilation of SST intrumental music)

Je n’arrivais pas à me payer ce vinyle « In My Head » de Black Flag, qui me narguait depuis plusieurs mois dans les bacs d’import. Quatre-vingt-dix-huit francs ça faisait une somme. J’avais bien essayé de décoller l’étiquette pour la remplacer par une autre avec un montant plus abordable… Du coup les compilations souvent bon marché arrivaient à point nommé pour assouvir cette appétence frustrée pour le groupe au 4 barres. Il y avait bien celle des reprises de Louie Louie où Black flag en délivrait une version caustique (après… il fallait se coltiner les autres versions…)… mais la compilation « No Age » était un double disque, provenait du label SST, et surtout proposait des musiques « instrumentales » : concept album… Ce disque aura été passé et repassé jusqu’à l’usure et la nausée et aura surtout ouvert mon horizon sur le monde secret des musiques hermétiques…


En 1987, Greg Ginn avait déjà sabordé Black Flag, attiré par des contrées musicales plus éclatées (ce qui se sentait déjà sur les dernières productions du groupe dont avec des compositions de plus en plus complexes). Depuis le début, le guitariste n’a jamais caché son influence pour les années 70’s, le free-jazz, le rock progressif ; et le format punk-rock par trop étriqué n’alimentait plus suffisamment ses ambitions. Gérant quasi-autocrate du label SST, les signatures récentes suivaient de près ses obsessions musicales. En 1987 le label doit se situer à son apogée avec un fond de catalogue solide regroupant ce qui se faisait de mieux à l’époque en musique « alternative » (pensez « Husker Du », « Minutemen », « Meat Puppets », ou le » I Against I » des Bad Brains……), mais aussi à la croisée des chemins comme en quête de légitimité dans le monde sérieux de l’avant-garde, avec ces artistes de plus en plus inclassables. Et c’est précisément cette nouvelle vague, que « No Age » met en avant, le concept « instrumental » étant un très bon dénominateur commun. Par la suite, l’aventure deviendra vaseuse, aveuglée par la mégalomanie de Ginn, alors que pas mal de groupes se retourneront contre le label. Mais là, on se prenait encore à rêver et à élargir le champ de ses oreilles curieuses…

On n’est jamais si bien servi par soi-même (…) : c’est BLACK FLAG qui inaugure No Age avec un Southern Rise lourd et dissonant aux motifs tortueux. On tient là la rupture la plus atypique du groupe. Ces dérives instrumentales permettent (enfin) à Ginn de voler la vedette au chanteur et de s’exprimer (enfin) pleinement. Son powertrio GONE confirme cette direction punk/jazz avec la section rythmique à la technique parfaite pour mieux servir son…. guitariste. Transfuge des punk arty-jazzy et sous-estimés SACCHARINE TRUST, Joe Baiza et son UNIVERSAL CONGRESS OF nous proposent un tricotage de guitare impressionniste et tout en retenue, à 100 lieues du jazz (presque rock) ensoleillé qu’ils nous serviront par la suite. The ALTER NATIVES avait tout du groupe pré-math rock avec sa flute et des compositions alambiquées. Illustre inconnu quelques décennies plus tard et 2 ou 3 albums, on trouve très peu de traces sur la Toile de ce combo originaire de Richmond : dommage. Il en est autrement pour BLIND IDIOT GOD, trio devenu culte dès la sortie de son premier album qui combinait des éléments de dub, de noise et très influencé par la musique contemporaine ou le free (le groupe a sorti récemment un album pachydermique après un hiatus de plus de 15 ans…). Des artistes comme Elliott Sharp ou Fred Frith ont plus à faire avec la scène expérimentale newyorkaise qu’avec le petit label indé californien (et Lee RANALDO aussi, mais Sonic Youth avait déjà signé sur SST). Là, c’est un changement de braquet avec les stridences pour quatuor à cordes de SHARP ou la collaboration de FRITH avec l’improvisateur Henry KAISER et leur guitares trafiquées pour chorégraphie électronique. On peut rajouter le producteur Steve FISK qui se frotte au monde du sampling (tout comme Sharp avec le dépassé «In the Land of the Yahoos ») avec un certain brio. Les encore peu connus SCREAMING TREES viennent lui prêter main forte sur le This Vacuum de cette compile. Le reste est plus dispensable, car souvent trop daté maintenant mais reste de bonne facture. PELL MELL, peut-être, et son jeu de guitares croisées sort du lot, mais on va très facilement oublier celles de LAWNDALE, Glenn PHILLIPS ou les improvisations pompeuses de PAPER BAG, curiosités qui prêtent au mieux à un sourire gêné… Un régal pour les nostalgiques des années 80’s hors compétition…

 

L'Un.

NO AGE a compilation of SST instrumental music (SST records. 1987)

 

 

 

 

 

 

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