mercredi 6 mars 2013

Brian ENO : "Lux"

Il va falloir penser à mettre de sérieux bémols sur les prétentions graphiques de Brian Eno, vu les pochettes au design de plus en plus douteux proposées depuis quelque temps, à moins que ce ne soit là une stratégie oblique pour recadrer l'aspirant esthète sur l'essence même d'un disque : son contenu en diamant brut. Si sa première collaboration avec le label Warp donnait cette impression inconfortable de tiraillement entre tradition et modernité, force est de reconnaître que l'album a gagné à vieillir, à prendre ses distances, même si les réserves en demi teinte alors exprimées restent fondées. Avec le présent Lux, l'accueil est d'emblée plus franc, Eno nous proposant là ce qui s'inscrit dans l'ambitieux et discret work in progress, la trilogie « Music for Thinking » incluant le fondateur Discreet Music et le par trop méconnu Néroli. Certes, mais on pourrait tout aussi bien ajouter, ça un Plateaux of Mirror, là un Thursday Afternoon, and so on... Loin d'expérimentations parfois poussives, va plutôt se consolider ici le concept obsédant d'ambient music, théorisé dans les années 70's coincé dans un lit d’hôpital. L'idée alors en germination était d'écrire une musique... discrète, donc, qui se fondrait au sein de l'environnement sonore dans lequel elle est développée, les deux sources sonores étant idéalement situées à des niveaux équivalents ; une musique qu'on écoute sans l'entendre, comme on voit un passant dans la rue sans qu'il ne frappe vraiment notre surface rétinienne ou que notre mémoire ne l'enregistre. Sans vrai commencement ni fin malgré une stricte structuration, les touches orphelines d'un piano toujours aussi aérien prennent le temps de se poser en ponctuant une trame continue de fins filaments vibratoires. Erratique, la musique colle à nos digressions les plus intimes et se promène dans la pièce comme le prolongement d'un bras ballant ou d'une pensée devenue diaphane, tandis que se dessinent en filigranes les contours du silence, ou de ce qu'il y a , entre. Un son plus cristallin et diffracté, détache Lux des productions sus-citées, qui se noyaient dans d'exquises textures indéfinies. Mais toujours le même flottement statique, loin, très loin du tumulte, hypnotisé par une musique pensée pour être oubliée, de plus en plus proche d'un John Cage ou d'un Morton Feldman. On vit avec, à côté ou on rêvasse en passant à côté de son mystère : c'est l'avis de Brian.

L'Un. 

Brian ENO : "Lux" (Warp. 2012)
un trop court extrait par là

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