lundi 21 avril 2025

Olga Anna MARKOWSKA "Iskra"

 « Ils étaient sur la ligne de front. Entre la brume et le sol il y avait une sorte de couloir fuligineux où l’avion s’engouffra de plein jet. » (Joseph KESSEL)

 

 

« ISKRA » - [ˈiskra] : étincelle : premier album d’Olga Anna MARKOVSKA après les frissons initiaux d’un Thrill perdu dans les nuages d’une douce ambient.

L’inaugural « Dawn » - [dɔ:n] (literal) : aube f – nous cueille à la fraiche le temps d'une journée à la fois statique et initiatique. Le violoncelle se fraie un chemin à louvoyer paresseusement entre de beaux aplats sonores. Le mouvement est ample et posé. Noyé dans une brume persistante. Ce n’est qu’à partir de « Train Ride Home » que le son cristallin de la cithare vient flatter notre appétence mélancolique. Petites ritournelles de boites à musique. Au fil de ces 10 morceaux Olga Anna nous livre ses interrogations sur son rapport physique du phénomène sonore confronté aux affres d’un quotidien infra-ordinaire. Sans trop d’emphase mais avec ce qu’il faut de circonspection curieuse et inquiète : le monde d’en face jamais loin (« Borderland »). Le travail des masses sonores se fait en profondeur, dans des nuances d'un gris distancié. « Fever Dream » stagne dans une pesanteur d'entre-deux avec cette ambient music aux rugosités à peine palpables.

Anna Olga Markowska cloture avec un trop court« Dusk » - [dʌsk] ] : crépuscule - d'adieu qui aurait pu tourner en boucle sans fin.

Du côté des influences et flux convergents, il y a bien évidemment le « Glimmer » de Michal JACAZSEK pour cette patine néo-classique. Helen MONEY pour les abîmes introspectifs du violoncelle. Et Mary LATTIMORE pour cette propension à dévoyer sa palette d'instruments là où on ne l'attend pas ; l'emportant ainsi vers de vastes territoires oniriques.  Musique au ralenti granuleux pour un film sans autre image fixe que le travelling intime d'une morne journée dans un plat pays qui n'est pas le notre. 

 

 

 

L'Un.

 

 

Olga Anna MARKOWSKA : "Iskra" (Miasmah. 2025) 


lundi 7 avril 2025

AVALANCHE KAITO "Talitakum'"

Bon. Cette fois-ci on va pas se faire chier forcément pousser sur le verbe. On va la faire courte, ok ? Parce qu’il suffit de réunir un guitariste belge, un burkinabé, griot de son état, et un batteur (et quelques perçus électroniques saturées) français. On met tout ça dans un shaker sans trop respecter les dosages et de secouer fortement. Et paf : tu obtiens ce distillat vibrionnant qui tient plus de l’alchimie heureuse que de quelconque Musique du Monde savamment collectée. Et c’est tout aussi facile à étiqueter, la gamme est ouverte : afro-punk, noise-rock marabouté, hardcore coupé-décalé ; ou free-music, tout simplement. On peut la faire courte parce que le résultat est bon, tout simplement. Frais, poignant et inattendu. Mais avec cette impression tenace de toujours avoir ressenti leur musique tapie au plus profond de soi, entre l’âme et les tripes. Loin de tout académisme poli ou soigneusement marketé, le background du trio se situe plutôt dans cette zone d’ombre propice à toutes les expérimentations sans contraintes. Dès les premières notes de flutes en boucle et des harangues de Kaito WINSE bercée sur un tapis de polyrythmies au crescendo frénétique, le corps et l’esprit s’emballent. Fusionnent ou s’effacent. La séance d’autohypnose sera asynchrone et imprévisible. Peu de temps morts entre les assauts incessants du trio resserré. Juste de quoi se caler sur la syncope suivante. Ouais, on va la faire courte : il y a des liens qui se tissent sur cette topographie exot-son-ique en dents de scie. Tout du moins un parallèle évident avec les aventures de THE EX & Getachew MEKURIA) dans la corne de l’Afrique. Mais un parallèle seulement, le chemin emprunté par AVALANCHE KAITO est plus à l’ouest du continent, jamais très éloigné des terres vaudous, ses rituels secrets, transes initiatiques et autres transcendances noyées dans les larsens. Un peu ce qu’on attendait (enfin) de cette world-music engluée dans ses communions lénifiantes : un maelstrom anguleux où ça ferraille dur ; dernier potlatch avant la fin des temps… 

 

L'Un.

AVALANCHE KAITO "Talitakum'" (Glitterbeat. 2024)