jeudi 4 avril 2024

ANDRE 3000 "New Blue Sun"

"Come to Daddy..."

 

Il aura fallu pas mal d’écoutes attentives, du temps et surtout de se débarrasser de quelques à priori. Et sans illusion, s’essayer à dépasser cette accumulation de poncifs lue dans une presse consciencieusement dithyrambique. Parce qu’il fallait crever l’abcès boursouflé du buzz vrombissant à la sortie de l’album. Bah ouais, ANDRE 3000, quoi, c’est OUTkAST et son rap bling bling qui aura régné sur les années 2000. Et au lieu de se la couler douce à écouler ses royalties dans un palace de papier parce qu’il n’avait plus grand chose à prouver, il nous fait ce come-back sous la forme d’un OVNI aux contours flous et insaisissables. Caprice de star revenue de tout ou sincère illumination ? Un peu des deux, la première proposition facilitant la deuxième : parce qu’il peut se le permettre, et sans trop de comptes à rendre dans une industrie prédatrice trop occupée à scruter les courbes des ventes du filon format vinyle qui s'épuise... Et il nous la joue à rebrousse-poil, suffisamment facétieux pour annoncer la couleur avec le bien nommé premier titre à ralooonge en forme de constat indépassable : « I swear, I Really Wanted To Make A "Rap" Album But This Is Literally The Way The Wind Blew Me This Time ». Sacré Dédé va. C’est armé de sa flute céleste (instrument qu’il pratique depuis toujours), de quelques bons potes fiables (dont Tyler, the Creator) et d’un endroit bien peinard qu’il s’en va défricher ce nouveau territoire sonore ouvert à ces cinq sens. Et c’est parti pour un full tripping de 8 morceaux dont la durée est souvent corrélée à la longueur des titres les qualifiant (bon, il a réussi à faire courtaud avec « Ninety three ‘til infinity & Beyoncé »). Les plages s’étirent donc, sans autre contrainte que le cheminement intime de ces errances qui oscillent paisiblement entre new-age, jazz cosmique, une pointe d’expérimentations très organiques, le tout nimbé de grosses nappes d’ambient et d’ambiances feutrées à faire pâlir un Eno (ndlr : encore lui…) en manque d’inspiration. Musique dépourvue de business plan cynique, sans autre but qu’une navigation introspective à cœur ouvert, sensible, qui prend simplement le temps de se poser au milieu de cette hystérisation interconnectée. Ce truc, qui invoque autant le flutiau de l’inégal Herbie MANN dans ses grands moments que des borborygmes d’un Pharoah SANDERS branché sur un vieux Moog désaccordé, c’est un luxe rare qu’ANDRE 3000 a su saisir au vol en pleine conscience. Pour le plus grand désarroi d’une bonne partie de ses fans. Pourtant il l’avait bien précisé sur la pochette : « no bars » (pas de rimes). Après, si ça peut ouvrir les profanes que nous sommes  à l’Eveil…


L'Un. 

Andre 3000 "New Blue Sun" (Epic. 2023)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire