jeudi 16 décembre 2021

ENDLESS BOOGIE : the Admonitions

« From here to eternity » (Lee ranaldo)


Droit d’inventaire : en restant vaguement honnête, on peut affirmer que la chronique du « Long Island » d'Endless Boogie en 2013 restera dans les hauts faits d'armes de ce blog. Aux limites d'un sous-gonzo, chronique d'un genre de musique qui ne rentre pas exactement dans la ligne invisible de ce blog à trois pattes. Ecrit à la force du poignet, aidé de quelques litrons de vinasse bon marché fleuve et les compteurs bloqués dans le rouge sur la route Paris-Bordeaux.... Rétrospectivement, on peut se demander pourquoi un disque qui puise ouvertement ses racines dans les vieux trucs des années 60 (à commencer par Canned Heat ou autres ZZ Top east-coast sous le patronage de John Lee Hooker) a pu enflammer la critique à ce point dans une époque jeuniste, moderniste et somme toute merdiste qu’a été la décennie précédente. Le propos est loin d’être novateur, et on pensait que des trucs comme les Oh Sees ou les prolixes de King Gizzard & the Wizard Lizard formaient l’arrière-garde des derniers éclaireurs d’un genre qu’on enterre régulièrement depuis une 20taine d’années. Peut-être parce que l’anachronisme primal d’Endless Boogie constitue l’alternative contemporaine la plus saine au blues rock momifié d’un éternel nouvel album d’AC/DC qu’on attend avec l’impatience d’un big mac vite englouti et vite digéré… Entre, on a eu un chouette Vibe Killer, assez égal et introspectif qui contrastait avec le rauque abrasif du précédent. Mêmes ingrédients, mêmes ficelles et cordes distendues, Endless Boogie enfonce le clou rouillé et n’a de cesse de se réinventer, mais cette fois-ci tout en contrastes et nuances.... D’emblée, on commence par ce (putain de) looong jam épileptique de 22mn au swing binaire, guitare héroïque, histoire de (re)poser le cadre si par hasard on avait oublié le sens de leur patronyme. Les suivants "Disposable Thumbs" ou "Bad Calls" versent dans le format plus conventionnel d’un heavy pub-rock rocailleux et braillard de leur album éponyme. Puis c’est la voix feignasse de Kurt Vile qui vient taper le bœuf, contraste apaisé qui prend le temps de s’installer à tricoter des entrelacs paresseux de notes orphelines et un peu hasardeuses. Légère inflexion de cap avec "Jim Tully", où on repart pour une autre de ces lo(oo)ngues dérives au climax hésitant qui va là davantage explorer une facette plus lysergique de ces vieux briscards. Mais c’est le final en deux temps, point d’orgue plombé qui donne à « Admonitions » cette dimension casse-gueule. Les 2 derniers morceaux (qui pourraient presque fusionner) font table rase pour se concentrer avec « The Conversation » sur un rythme métronomique et décharné à l’extrême ponctué de quelques ronflements de guitare étouffée et des bribes de soliloque vaguement menaçant. Le sibyllin « The Incompetent Villains of 1968 » se contente lui d’étirer un riff solitaire, tout engoncé dans les graves râpeuses, coup de cafard automnal d’un lendemain de cuite dans le sous-sol d'un studio d'enregistrement déserté et humide… Même les ultras de Pharaoh Overlord n’auraient pas osé pousser le concept dans ses retranchements les plus arides. Si ce genre de direction restera sans doute une voie sans issue, le quatuor de Brooklyn démontre qu’il est capable de passer de la transe biéreuse et bon enfant à des introspections neurasthéniques dont le plus petit dénominateur commun réside dans une savante maitrise de l’hypnose… Le vieux John peut se retourner tranquillement dans sa tombe en sirotant un bourbon, un scotch ou une bière avec  (et AC/DC enfin prendre leur retraite) : la relève est assurée.


L'Un. 

 

ENDLESS BOOGIE "Admonitions" (NoQuarter. 2021)

 

 

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