mercredi 9 décembre 2020

les disques de l'Un #11/10 - THE HAFLER TRIO : Masturbatorium & Fuck


"The single most important key to sex that I've yet discovered is conscious rhythmic breathing; the more you breathe the more you feel and the more you come alive. Many of us breathe only enough to survive but not to live fully. Deep breathing is a door to waking up to healing and to more personal freedom" (Annie Sprinkle). 

 

Je n’ai jamais vraiment cherché à comprendre le truc qui se cache derrière The Hafler Trio. A l’exception de quelques notables collaborateurs (comme Chris Watson de Cabaret Voltaire ou Steven Stapleton de NWW), le pivot central de ce projet réside dans la très énigmatique figure d’Andrew McKenzie. Les concepts sous-jacents de l’œuvre sont assez obscurs et se réclament de tout un fatras de thèses aux consonances (parfois pseudo-) scientifiques, sachant aussi se nimber dans une aura mystico-religieuse encore plus opaque. L’incompréhension reste parfois la meilleure caution artistique derrière laquelle s’isoler pour tranquillement produire une musique fermée à jamais aux oreilles profanes. Mais qu’on ne s’y trompe pas, derrière mes sarcasmes sur ces écrans de fumée en trompe l’œil, l’intention affichée de ce collectif monocéphale était de se projeter bien au-delà de la musique, d’aller en interroger sa substance ultime et ses intrications avec le monde physique.

Dans les années 80’s – 90’s, le faux trio alors au pic de sa forme sortait sa petite kyrielle d’albums intéressants voire dérangeants, en explorant pas mal de pistes chères aux musiques expérimentales de l’époque : cut-up, électroacoustique, drone…Et dans ce genre inédit de gnose perverse élaborée pour une phonologie sexuelle exploratoire (et cosmique), ces deux albums se posent en parfaites références. Pour ma part, je ne connais que le somptueux Redwing de Lilith qui pourrait s’apparenter aux présents travaux du Hafler Trio. Penser diptyque,vu la complémentarité femelle (Masturbatorium) – mâle (Fuck). Le premier est un support élaboré pour une performance de la post porn-actrice et féministe Annie Sprinkle. Le mouvement commence par une fréquence isolée, stimulée par une superposition graduelle d’autres fréquences parasites. Millefeuille évolutif d’une lenteur toute organique à base de nappes, couches et textures sonores aussi variées (bruits du corps d’Annie Sprinkle, diverses ondes éthérées…), Masturbatorium vous prend par la main pour vous entrainer dans une expérience vibratile paroxystique. 18 minutes pour atteindre l’extase ? c’est un peu court. Le bien nommé Fuck se passera de guest-stars et c’est McKenzie lui-même qui met à contribution sa main dans le slip pour illustrer son propos mystico-sexuel. D’emblée le climax est dans le rouge avec une figure de fréquences rythmiques soutenues et respiration syncopée : l’excitation masculine fonctionne ainsi pour sombrer ensuite dans une bonne trentaine de minute de narcose en échos rampants, sans fond ni but réel qu’à contempler le bout de son nombril rassasié. 

Si on peut émettre quelques réserves amusées sur l’efficacité avérée des effets psycho-stimulant de ces concept-albums un peu rigides, l’expérience qui reste cérébrale et immersive, peut aussi se vivre au rythme d’une respiration profonde, les yeux fermés sur soi.

 

L'Un. 

The HAFLER TRIO "Masturbatorium" / "Fuck" (Touch. 1991/92) 

 



 

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