samedi 17 février 2018

LOINCLOTH / BLIND IDIOT GOD


glanés au fil de l’année écoulée en sourdine, deux power-trios  instrumentaux (= sans filet…) évoluant aux marges d’un métal polymorphe. Deux approches divergentes avec des partis-pris  radicaux (et passionnants). 


Originaire de Virginie, LOINCLOTH a débuté en dilettante, sans vraiment penser à une quelconque suite à leur premier « Iron Balls of Steel » en 2011. Le groupe distille l’art d’assembler un riffing haché menu à des rythmiques toutes en pesanteur fracturée. Doom ultra-technique, nerveux et syncopé qui connait très bien sa grammaire métalleuse, cherchant ses racines profondes  chez le Black Sabbath, Gwar ou Celtic Frost, certes débarrassé des sempiternels oripeaux du genre : pas de voix de castrat d’outre-tombe  ou rallonges de solos de guitares burnées. Ici on taille dans l’os, près de la couenne pour une efficacité sans affèterie.
Les compositions de ce «Morbid Whore » se révèlent au final atmosphériques, ce quelque chose d’insidieusement rampant tapi dans les détails, quand son prédécesseur se montrait beaucoup plus sec, avec un enchevêtrement de structures en apparence plus complexe.
Derrière une ironie de façade et des titres potaches se cache  une discipline de fer, un vrai tour de force, des heures implacables de répets ad nauseam  au service d’un rock à la fois frontal, sombre et ramassé qui plaira autant aux amateurs de math-rock en goguette que de l’habituelle cohorte de métalleux ouverts aux vents (contraires) et marées (…cageuses).

L’histoire de Blind Idiot God se confond et se perd quelque part entre les explorations post-hardcore punk des années 80’s et les hybridations en tout genre (parfois) hasardeuses des 90’s. Elle est aussi intimement liée à celle du label indépendant  SST qui, au mitan de son règne lorgnait sur l’avant-garde musicale (on a vu Sonic Youth,  Fred Frith ou  Elliott Sharp sur le catalogue…).
Une première sortie éponyme en 1987, qui a du faire grincer des dents et baver d’envie les John Zorn ou Greg Ginn aux aguets. OMNI  fou furieux se revendiquant aussi bien du hardcore en vogue, d’Igor Stravinski que du Fab’ Four, concluant ses divagations soniques par 3  longs morceaux d’un dub clinique. Deux autres albums (le 2° produit par un certain Zorn…) affinent et confortent le concept développé, jouant plus systématiquement sur la dualité free-metal / harmonies  dub.
Puis plus rien.

Un groupe relégué au rang de glorieux perdant, des albums qui s’arrachent à prix d’or sur la Toile.
Un hiatus de 22 ans, le batteur qui jette l’éponge à force de tendinites, lorsque le guitariste Andy Hawkins annonce la sortie inespérée de ce troisième opus sur son propre label. Pas moins d’une dizaine d’années, pour une gestation longue et accidentée qui d’emblée fait craindre une cohésion des plus hasardeuses.
La circonspection  est de mise, les oreilles pointées sur le premier et indépassable album. C’est peut-être sans compter le sorcier Bill Laswell à la production : les dissonances sont massives, le son éléphantesque et la schizophrénie dub vs. noise soigneusement entretenue dans cet amalgame d’épaisses nappes sonores. Travail d’orfèvre au service d’un retour en infra-basses. Si l’album pèche parfois par un sentiment de redite en mode croisière, il reste néanmoins fidèle à l’esprit qui animait le groupe à ses débuts, cohérent et suffisamment aventureux pour rallier sceptiques et âmes égarées croisées sur son chemin de traverse.
Let there be lights...

L'Un.


LOINCLOTH Psalm of the morbid whore (SouthernLord. 2017)
BLIND IDIOT GOD "Before ever after" (IndivisibleMusic. 2015)





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