dimanche 15 janvier 2017

UNKNOWN INSTRUCTORS : "The way things works"


Une vague madeleine aux accents proustiens  foutrement rancis, déballée un matin glacial et venteux d’une décennie aux abois déjà perdue (la notre…). Ca  renvoie à pas loin de trois décennies en arrière au cœur de ces années 80’s fétichisées à tout va. Prétexte d’une perpétuelle réunion entre potes, d’une jam-session sans fin. Excuse mineure pour digresser sur ce qui n’a pas été digéré… « It was in a summer, of 1982, when she met, the redeemer ». Prétexte à un roboratif voyage vers des temps insouciants et féconds sur un mode mineur « que sont-ils devenus », une certaine nostalgie de mise.
Décortiquer cet Unknown Instructors, paru en 2005 (déjà), c’est retracer un petit bout des prémices de ce que les majors auront par la suite récupéré et labellisé «indie-rock ». Un pan d’histoire marginal aux incalculables conséquences. Unknown Instructors, c’est ¼ de Saccharine Trust (Joe Baiza : guitare), 2/3 (plus connus) de Minutemen (Mike Watt : bassse, George Hurley : batterie), coreligionnaires du label SST alors à son apogée, avec quelques Sonic Youth, Black Flag, Meat Puppets et autres Hüsker Dü.  Si les Minutemen s’inscrivent aujourd’hui dans une certaine légende  underground de bon ton, Saccharine Trust n’aura jamais connu de succès autre que l’estime de ses pairs, avec leur crossover de beatnicks jazz-punk  (Minutemen se chargeant pour leur part d’établir un lien entre le l’urgence du hardcore punk,  le folk imprécatoire de Dylan et le Blue Oyster Cült).  Retrouvailles entre vétérans qui ne se sont jamais vraiment perdus de vue donc ; qui ne se sont jamais vraiment arrêtés en fait, continuant de s’enfiler une heure de gammes au petit déjeuner, comme d’autres baiseraient à la même heure en écoutant Parker ou Mingus. Retrouvailles informelles en forme de potlatch des temps modernes : le but n’étant pas de marquer son temps avec des compositions figées dans le marbre, mais de marquer l’espace d’un temps d’arrêt rétrospectif. Unknown Instructors n’est rien de plus qu’un énième prétexte pour de vieux punk rockers élevés au jazz et aux idées libertaires à taper le jam ensemble, fidèles à cette tradition d’improvisation libre que la structure du label SST - géré par des musiciens - entretenait : Minuteflag (Minutemen vs Black Flag), October Faction (Baiza avec des gars de Black Flag et Tom Trocolli), Tom Trocolli’s Dog (avec le guitariste de Black Flag, le power jazz trio Bazooka, où Jack Brewer de Saccharine trust vient déclamer ses ver(re)s, et l’intemporel « Worldbroken » de Saccharine Trust, musique et poésie improvisées en une nuit avec l’aide de quelques casiers de bières et… un certain Mike Watt à la basse. Rien de nouveau donc, 25 ans plus tard, les protagonistes se posant là en gardiens d’une flamme alors déjà vacillante : jouer,  tourner et taper le bœuf, les pieds nus dans la nuit californienne cannibale. Le trio erratique porte la poésie urbaine et désabusée de Dan Mc Guire ( ?) et  l’inénarrable Jack Brewer, ce dernier, combiné au jeu de guitare délié de Joe Baiza, nous  donnant surtout l’impression d’assister à une répét’ d’un improbable nouvel album des  Saccharine Trust.  La musique louvoie et entre rock et jazz distillant un groove épais et entêtant. Si elle peut interpeller le profane, il est certain qu’elle ne brille pas par son originalité pour qui connait un peu les curriculum vitae des protagonistes. Mais là n’est pas le propos : on parle de célébration d’une époque révolue.  Révolue en ce qu’elle portait plus ou moins consciemment en elle une fraicheur  et une énergie presque naïve, et à priori peu calculée. Aujourd’hui pareille démarche (des potes de labels qui tapent le bœuf ensemble) paraitrait improbable. Ou alors on appellerait ça un « super groupe », plan de carrière et de com’ en filigranes. Au bout du compte, ces pieds nickelés semblent plus connectés à la Beat Generation des années 60’s que véritablement adaptés au cynisme ambiant d’une époque prédatrice et dépassionnée. Un disque anecdotique, comme une porte ouverte sur tout un monde aujourd’hui  fermé à nos cinq sens,  pour paraphraser le poète.


L'Un.


UNKNOWN INSTRUCTORS : "The way things work" (SmogVeil. 2005)












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