jeudi 19 septembre 2013

ELVIS COSTELLO & THE ROOTS: "Wise up Ghost"

C'est une plongée dans le passé.Un bain de jouvance? Une chute abyssale vers des origines oubliées? Avec ce nouveau disque, Costello, Elvis deuxieme du nom m'a embarqué et troublé en une seule écoute. Tout d'abord parce que c'est inattendu. On s'étonne toujours de retours pertinents, et lui fut capable du classe tout autant que du mièvre. "tous les jours j'écris le livre"...d'accord Elvis.
Pour autant le travail de sa voix ressemble étrangement à celle de Mark Ollis. Mais force est d'admirer sa limpidité malgré l'âge du bonhomme, un charme fou qui émane de l'aspect mélancolique des mélodies. c'est effectivement de la chanson nord-américaine d'aujourd'hui, c'est à dire franchement métissé. Son métier à tisser fait se croiser ses mélodies évidentes avec des rythmes urbains, hip hop pour la plupart, The Roots oblige. Les arrangements ont ce qu'il faut de grain d'antan pour que l'on croit au voyage. On est loin des fades hipsters. Les basses sont rondes, chaloupées parfois, provoquent un groove en léger décalage avec les lignes mélodiques pour en accentuer celui-ci. Merci les Roots!
La grande classe nord-américaine, les voix se doublent, se saturent de temps en temps, la rythmique est impeccable, et si besoin était l'apport sans retenue des cuivres et de l'orgue finira d'enflammer l'ultime récalcitrant! c'est un bon disque du matin, et ceux qui ont une décapotable (et donc du boulot), ben faut pas vous retenir...
Ce retour remarquable m'a conduit de mon côté à reprendre la plume ce matin pour contrer les difficultés que j'avais à faire mon come-back sur les Energumènes en ce frileux automne (à ne pas mettre une décapotable dehors hé hé). C'est toujours ça de pris.

L'Autre

Elvis Costello & the Roots: 2013 > http://www.elviscostello.com/micro/wise-up-ghost/

mercredi 11 septembre 2013

DISAPPEARS : "Era"

On va pas trop s'attarder à en balancer des tartines sur un groupe dont le précédent opus a déjà été chroniqué dans ces pages ; mais il faut croire que le groupe fait partie favoris (comme Hawks...) et puis (surtout), merde, paresse oblige, même les bloggeurs aussi cryptiques fussent ils ont eux aussi besoin de repos. Pour l'immersive entrée en matière donc, vous serez sympa de (re)lire la chronique de leur brillant « Pre-Language ». Merci.
Pour la suite, le décor est planté d'emblée : toujours, la guitare noyée dans le grain d'une reverb' caverneuse sur une rythmique monolithiquement motorique (<<?!), les imprécations acides de la voix nauséeuse de Brian Case au rendez-vous. Toujours, ce sentiment d'un retour vers le futur underground de nos chères années 80's les plus sombres dont on n'arrête pas en ces temps désenchantés de revisiter le cadavre encore froid et cynique. Toujours, cette sensation glissante de se faire happer dans un trip salement médicamenteux par un rock blafard sous néons grésillants. Sauf que là, on fait exit de tout vernis « pop », histoire de se concentrer sur l'essence même de leur musique. Les dynamiques qui parcourent 'Era » sont plus sourdes, la tension perturbée. Le malaise s'installe d'emblée avec un « Girl » bruitiste et saturé mettant à mal ceux qui auraient eu la mauvaise idée de s'accrocher aux bases confortables et déjà acquises de « Pre-Language ». Un titre brouillon en forme de barrière qui invite les seuls audacieux à poursuivre la plongée en terrain obsessionnel et comateux. Si les morceaux suivants se détendent au gré de rythmiques minimalistes et soutenues, l'atmosphère reste sourde et menaçante à l'image d'un « Ultra » oscillant entre post punk et industriel. Seul « Elite Typical » distille un rassurant groove linéaire aux échos distants, le « New House » clôturant l'album semble sortir des lost tapes d'une jam session d'un Sonic Youth au ralenti. A défaut de mieux, Disappears préfèrent se cantonner dans cette quadrature de cercle vicieux impossible à boucler, mais on le sait tous : in girum imus nocte et consumimur igni.
C'est l'époque qui veut ça.


L'Un.

DISAPPEARS : "Era" (Kranky. 2013)




mardi 23 juillet 2013

MonteIsola : "Niebla"

on peut toujours y voir un signe : j'ouvre la fenêtre de la chambre, et par delà un gazouillis insistant d'oiseaux , le fond de l'air sent la chaleur douce d'un été qui tarde à venir, une vague odeur de résineux en suspens dans l'humidité. Peut-être n'aurais-je rien senti ce soir là si cette musique ne tournait pas en boucle sur les fragiles haut-parleurs. Peut-être ne prenons-nous jamais assez l'air du temps pour appréhender des moments aussi simples qu'évanescents.

Avec Niebla on peut d'emblée parler d'un coup de maître dans tout son éclat feutré. Et au passage exactement ce genre de perle de bas-côté pour lesquelles on se dit que ça vaut encore et toujours la peine d'allonger des phrases à rallonge sur un blog à la fréquentation confidentielle. Anatomie d'un chef d’œuvre secret, donc, dont le minimalisme vaut bien quelques divagations explicatives.
MonteIsola (aka Myriam Pruvot) travaille en amateur, au sens le plus noble et sincère du terme, les meilleurs musiciens étant souvent ceux qui n'en sont pas, débarrassés de la sorte de toutes contraintes formelles. Une posture fraîche et sincère puisant ses racines décharnées autant dans une ébauche de blues intemporel que dans une confrontation discrète avec le réel et l'instant du moment, la philosophie du moins c'est mieux revendiquée pour tout compagnon de route. On s'embarque aux marges de la musique et de l'expression artistique, Myriam Pruvot ne cherchant pas à se définir. Plastique du son avant tout pour un périple vers d'autres marges géographiques celles-ci, en bute à l'onirisme d'une frontière intime en perpétuelle redéfinition.

                              latitude : -39.8667 / 39° 52’ 0’’ South
                             longitude : -73.3833 / 73° 22’ 60’’ West
                                                                                       
                                                                                     ...maigres paramètres à intégrer pour une musique qui n'en dira pas plus. Ici ou d'ailleurs, mais là c'est sur des côtes chiliennes. On débarque, et les sons captés ébauchent un cadre précaire qu'une guitare percussive comprime. Sons sculptés sur la jetée d'un port comme un rituel inévitable de passage. Quand Myriam Pruvot chante, elle convoque toutes ces voix, époques et pratiques qui s'amalgament en strates indécises dans le fil de sa voix altière. Le chaman a toujours été un passeur. Sa musique est hantée ; l'endroit noyé par cette brume côtière empêchant toute tentative de topographie précise, pour nous laisser tenter de définir par nous-même une ébauche de nos propres contours à la fois lointains, immémoriaux et abrupts.
La MonteIsola nous a simplement jeté un pont entre ces deux rives. 


L'Un.

La MonteIsola "Niebla" (WildSilence. 2013)

lundi 1 juillet 2013

Mathias DELPLANQUE : "Chutes"

Enfin.
On tient là un troublant travail d'orfèvrerie en perte d'équilibre.
Enfin, car depuis le dernier Murcof, la fructueuse collaboration entre un Steve Roden volubile et Steve Peters, il était inconsciemment très attendu ce trop discret Mathias Delplanque, les oreilles avides de vertiges aux couleurs fractales. Suite discontinue dans une discographie d'ordinaire plus encline aux préoccupations géographiques (« Parcelles 1-10 », « le Pavillon Témoin », « Passeport », « Ma chambre quand je n'y suis pas »), « Chutes » est une absence de repères stables, un appel d'air qui se dérobe sous nos pieds, les titres souvent composés d'une suite aléatoire de 3 lettres, improbables syllabes. Divagations erratiques d'une installation électroacoustique éprouvée au gré de concerts improvisés ça et là, electronica qui s'ignore, le plus tranquillement du monde occupée à décomposer avec méthode tout un jeu de matriochkas, jamais assez près d'une dislocation imminente,  invitation à la  flânerie casse-gueule entre lignes de fractures et perspectives fuyantes. Avec un contrôle parfait sur cette mise en abîme télescopée, Mathias Delplanque rend accessible cette part indicible en nous qui existerait, entre le sol et sous les pieds, avec ce sens intime de la relation à l'instant, armé de trois bout de ficelles électroniques, une guitare disséquée et un petit xylophone.
Guère plus, je crois, pour qui compose sans filet.

L'Un

Mathias DELPLANQUE "Chutes" (Baskaru. 2013)


Mathias Delplanque : "Fell" from Bruit Clair Records on Vimeo.