jeudi 27 novembre 2025

Heta BILALETDIN : "Nauhoi"


Album en chausse-trappe dangereusement fait maison. Et grand bond en arrière à flirter avec la no-wave et les expérimentations basiques (= analogiques ?) de la face sombre et cachée de ces années 80’s trop rutilantes pour être honnêtes. Le Nauhoi de l’artiste finlandaise Heta Bilaletdin, bien que daté de 2021, semble tout droit sorti de cette époque à la créativité embryonnaire et foisonnante où le DYI ne s’appelait pas encore home-studio. Les techniques sont mixtes et presque désuètes ici : heureuses rencontres entre vieux objets trouvés, vieux synthés, vieilles bandes magnétiques, vieilles guitares désaccordées (et probablement vieux computer…) et une musicienne tapie dans l’ombre à glaner ses sons et ses trouvailles de chez Castorama au fil de la dernière décennie écoulée, là où d’autres accumuleraient paisiblement les strates sédimentaires au fond de l’océan. Musique de bricolage donc, comme un acte de résistance inconscient aux techniques de productions lisses et millimétrées d'une époque qui se veut aseptisée. Ça fleure bon le 4 pistes et une kyrielle d’effets analogiques qu’on peine à modéliser en plugins pour Ableton : le cauchemar du beatmaker d’aujourd’hui, quoi (ou une source d’inspiration inespérée…). Et on tient là une espèce de synth-pop foutraque, un peu ambient, un peu dark, un peu cold aussi, et dont les reptations anémiées ne cessent de vriller nos oreilles, nos sens et notre sourire. Nostalgie 2.0.

 

L'Un.

Heta BILALETDIN : "Nauhoi" (Fonal. 2021)

mardi 11 novembre 2025

Gonçalo F. CARDOSO : "Exotic Immensity"

« La tentation d'une île »

 

Biais de confirmation : à la première écoute, certes distraite, de se  laisser berner, persuadé qu’Exotic Immensity s’inscrivait dans le sillage des travaux précédents de Gonçalo F. Cardoso qui documentait les contours sonores des iles traversées : Canaries, Açores, Zanzibar ou Borneo. Pas forcément du field-recording pur et dur, mais plutôt des reconstitutions subjectives, des superpositions de paysages sonores enveloppées d’électronique plus ou moins prégnante. Un léger différentiel s’impose cette fois sur une île imaginaire pour laquelle le champ des possibles et des expérimentations est ouvert aux vents contraires. Si les sons captés semblaient souvent dominer sur ces « impressions d’îles », ils deviennent une matière souple et modelable à l’infini dans cette immensité exotique à (re)créer. Comme un paysage rêvé entraperçu à travers les battements de paupière d’un songe éveillé. Les strates sonores évoquent l’épaisseur de la couche nuageuse qui nimbe l’archipel d’un entêtant mystère. Tournoiements de boucles. Le quai d’embarquement est brouillé et semble s’éloigner de pair avec le reflux. La présence humaine est tapie dans l’ombre des détails luxuriants et filtrés ; comme un rituel ancien et oublié. A moins que ce ne soit une présence animale et crépusculaire. L’analogie insulaire se confirme : derrière un exotisme de façade aux contours aguicheurs et veloutés, une âpreté lui succède au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans la moiteur de cette nature encore intacte.... Gonçalo F. Cardoso a composé un panoramique d’une dark ambient qui n’est pas sans rappeler On Land d’Eno ou Substrata de Biosphere. Avec ce supplément de rugosité propre à ces reporters de terrain, chasseurs de sons plus en phase avec une réalité - même imaginaire.

 

L'Un.

 

Gonçalo F. CARDOSO : "Exotix Immensity" (Discrepant. 2024)