« La tentation d'une île »
Biais de confirmation :
à la première écoute, certes distraite, de se laisser berner, persuadé qu’Exotic Immensity
s’inscrivait dans le sillage des travaux précédents de Gonçalo F. Cardoso qui
documentait les contours sonores des iles traversées : Canaries, Açores,
Zanzibar ou Borneo. Pas forcément du field-recording pur et dur, mais
plutôt des reconstitutions subjectives, des superpositions de paysages sonores
enveloppées d’électronique plus ou moins prégnante. Un léger différentiel
s’impose cette fois sur une île imaginaire pour laquelle le champ des possibles
et des expérimentations est ouvert aux vents contraires. Si les sons captés
semblaient souvent dominer sur ces « impressions d’îles », ils
deviennent une matière souple et modelable à l’infini dans cette immensité
exotique à (re)créer. Comme un paysage rêvé entraperçu à travers les
battements de paupière d’un songe éveillé. Les strates sonores évoquent
l’épaisseur de la couche nuageuse qui nimbe l’archipel d’un entêtant mystère. Tournoiements
de boucles. Le quai d’embarquement est brouillé et semble s’éloigner de pair avec
le reflux. La présence humaine est tapie dans l’ombre des détails luxuriants et
filtrés ; comme un rituel ancien et oublié. A moins que ce ne soit une
présence animale et crépusculaire. L’analogie insulaire se confirme :
derrière un exotisme de façade aux contours aguicheurs et veloutés, une âpreté
lui succède au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans la moiteur de cette
nature encore intacte.... Gonçalo F. Cardoso a composé un panoramique d’une dark
ambient qui n’est pas sans rappeler On Land d’Eno ou Substrata de Biosphere.
Avec ce supplément de rugosité propre à ces reporters de terrain, chasseurs de
sons plus en phase avec une réalité - même imaginaire.
L'Un.
Gonçalo F. CARDOSO : "Exotix Immensity" (Discrepant. 2024)
